"Ma marche est un combat non-violent pour redonner la parole aux citoyens"

Jean_Lassalle-JL

Sur les routes de France, Jean Lassalle a confié au micro de France Culture les raisons de sa marche et a évoqué "une idée fixe qui lui a prise" en ressentant la "nécessité" d'aller à la rencontre des citoyens.

L’émission a été enregistrée au 50ème jour de la marche de Jean Lassalle, entre Charleville-Mézières et Sedan. Il est aujourd’hui à Strasbourg, au 74ème jour de sa marche.

Les pieds sur Terre – Donc là vous êtes parti de Charleville-Mézières, vous avez fait combien de kilomètres ?

Jean Lassalle – De Charleville-Mézières je n’en sais rien, mais je sais que depuis l’Assemblée Nationale, j’en ai fait entre 1.000 et 1.200.

Vous étiez parti d’où ?

De l’Assemblée Nationale, parce c’est là que le peuple m’a élu pour le représenter. L’Assemblée Nationale, pour moi, c’est sacré, parce que je suis républicain. Sans la République et ses hussards, il n’y avait aucune chance que j’apprenne à lire et à écrire. Je ne pense pas qu’on m’aurait trouvé dans le coin de montagne où je suis né et où j’étais complètement perdu de vue. J’ai appris le français en troisième langue après avoir appris le béarnais, que mon père voulait m’apprendre à tout prix, puis l’espagnol. Vous voyez que je partais avec un handicap certain. D’où mon accent que j’essaie de perdre depuis des années et que je n’ai pas réussi à perdre.

Ce n’est pas dangereux pour vous quand vous marchez comme ça sur la route ?

C’est très dangereux mais j’aime vivre dangereusement. Et puis, j’ai surtout une baraka énorme parce qu’il ne m’arrive jamais rien de mal.

Tous les matins, vous vous faites masser les pieds ?

Un marcheur qui ne peut pas marcher, c’est quand même assez embêtant. Vous voyez ce que je veux dire ? (rires)  Surtout quand il a la prétention de vouloir marcher à travers toute la France. Isabelle, qui m’assiste bénévolement, a du coup pris une importance de plus en plus grande. Je savais que je risquais d’avoir des problèmes au niveau des pieds, mais je ne pensais pas à ce point au départ. Ça a été dû au fait que j’avais des chaussures trop petites parce que je voulais des chaussures qui soient le plus près possible de mon costume pour que ça ne fasse pas une fausse note. Je suis partie avec des chaussures qui avaient deux pointures de moins. Je voulais être au plus près possible de la représentation que doit donner de lui-même et du peuple un député. La représentation aujourd’hui, c’est être endimanché, c’est être en costume de ville avec chemise, cravate et souliers. Depuis quinze jours ça n’a pas été facile pour Isabelle, non seulement il fallait qu’elle s’occupe de moi, mais de ma mère aussi. Ma mère est formidable mais ce n’est pas un cadeau non plus sur le plan de la gestion, parce qu’elle n’a jamais eu de maître, si je puis dire, sauf le vent, les nuages et la verte vallée. Elle était la femme de mon père, c’est-à-dire qu’elle était bergère. Quand on est berger, on va où vos pas, où vos moutons, où votre intuition et où le vent vous guident.

Vous êtes de très bonne humeur.

Si je fais ce que je fais, et si en plus je suis de mauvaise humeur, il vaut mieux que je rentre tout de suite chez moi. Parce qu’avec les gens désespérés que je trouve, hélas, si en plus je leur apporte le mauvais temps, ce n’est vraiment pas la peine.

Je pensais vous trouver accablé par la fatigue mais vous êtes en pleine forme.

S’il n’y avait pas eu Isabelle, s’il n’y avait pas eu ma mère, parce qu’en même temps je suis fragile comme une violette, j’aurais pu m’effondrer de tous mes pétales. Mais non, là je suis très bien, ça va très bien.

Vous ne sortez jamais sans votre béret ?

Si, je dors sans lui, par exemple, parce que j’ai peur de le perdre dans le lit. (rires)

Pourquoi cette marche ?

Ma marche n’est pas venue d’un désir de marcher, je n’en avais aucune envie. En plus, je n’avais pas non plus besoin, comme certains pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle, de me retrouver avec moi-même, parce que pour l’instant je me retrouvais assez bien. Donc, c’est venu du fait que je n’ai pas pu m’en empêcher. J’ai comme ça des périodes de ma vie où je pressens certaines choses, pourtant je vous assure je n’entends aucune voix. (rires) Mais quand j’ai vu à la rentrée en septembre 2012 que le Président Hollande et son équipe n’arriveraient pas davantage à trouver les clefs du camion que leurs prédécesseurs, je me suis dit qu’il y allait avoir un problème grave à très court terme pour notre pays et ça pourrait être un problème de paix ou de guerre. Cette idée fixe m’a prise, j’ai tout fait pour me la sortir du crâne. Ça m’a valu un hiver impitoyable où je me couchais à 01h pour essayer de dormir mais une heure après j’étais réveillé. Donc j’ai senti à ce moment-là qu’il y avait la nécessité de poser cet acte qui interroge.          
Je suis très inspiré par Gandhi, je dois le dire, je l’ai été toute ma vie durant. Sauf que Gandhi au moins, si je peux dire, prenez-le comme il faut sinon mes chevilles vont enfler – mais Isabelle me les soigne donc elles ne vont pas trop enfler (rires) – on savait pourquoi il avait entrepris cette longue marche. C’était pour foutre les Anglais dehors. Tandis que moi, on ne sait même pas pourquoi je marche. Je ne peux même pas voir la finalité donc c’est plus difficile que Gandhi. Ceci étant, pour revenir à la marche, j’ai toujours été fasciné, ça vient de mon père, par le combat non violent. Mon père me disait, quand j’avais quinze ans et qu’il me voyait un peu énervé, "Tu t’agaces pour rien. Si tu es fort, tu ne seras pas obligé de hurler. Si tu as les nerfs solides, tu ne seras pas obligé de frapper inutilement. Parce que si tu frappes, pense bien une chose, celui que tu as frappé n’aura qu’une idée en tête, c’est te frapper plus fort encore." Donc, ça induit chez moi, profondément, une attitude non violente. On croit que les non violents sont des dégonflés qui ne combattent pas. Moi je me considère comme un combattant de l’extrême – vous voyez, je n’y vais pas avec demie mesure – mais un combattant qui ne répand pas du sang.

Votre mère vous accompagne.

C’est une femme exceptionnelle, une femme de caractère, au caractère impitoyable parce qu’elle n’accepte aucune facilité pour elle. C’est quelqu’un qui redonnerait du moral à un cimetière. Elle a toujours les mots, elle a aussi les vannes, elle sort à l’emporte-pièces quelque chose qui peut paraître incongru, mais pour elle c’est une réalité, et c’est une nature. Comme elle dit, on s’est presque élevé ensemble, parce que nous n’avions pas beaucoup de différence d’âge. Et puis elle était l’épouse de Papa qui n’était pas n’importe qui, qui était un berger. Du coup, elle était bergère aussi.

Est-ce que ça vous arrive de marcher en silence, de ne parler à personne pendant quelques heures ?

Oui, et heureusement, ce sont les meilleurs moments de la marche. Parce qu’on me demande toujours si la marche c’est difficile, mais ce n’est pas la marche qui est difficile, j’adore. Maintenant que j’ai de nouveau la pêche, je marche bien. J’adore regarder les paysages, j’adore regarder les gens. D’une certaine manière, je suis un romantique romanesque. J’aime m’extasier devant un troupeau de vaches qui me suit. Les vaches m’aiment beaucoup, les chevaux aussi, ils me suivent aussi. Il y a une jument qui m’a suivie pendant un kilomètre, le champ était très long. Et puis j’aime regarder, écouter les oiseaux. Ça paraît très bête. Au bout d’un moment, j’aime fredonner. C’est quand je suis tout seul, quand je termine mes étapes, souvent à 22h ou 23h, parce que là il n’y a plus personne qui m’enquiquine. Je trouve que c’est très plaisant.

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