"Les Maires sont les premiers réceptacles de l'insatisfaction des Français"

Image n°1479

À l'occasion du Congrès des Maires qui se tient ces jours-ci à Paris, Geneviève Darrieussecq, Maire de Mont-de-Marsan, a témoigné sur France Culture des difficultés croissantes que rencontrent les élus locaux.

France Culture - Vous êtes à Paris à l'occasion du Congrès national des Maires. Votre président, Jacques Pélissard, s'exprimait mardi en disant : "Les Maires sont les fantassins de la République". Est-ce vous vous considérez comme un fantassin ?

Geneviève Darrieussecq - Les Maires sont ceux qu'on envoie les premiers au front. Ce sont ceux à qui s'adresse directement la population, pour tous les problèmes. Que ce soit un problème directement lié à la commune ou un problème complètement lié à la politique nationale, en général tous les problèmes de nos concitoyens nous reviennent car nous sommes des élus de terrain, de proximité et parfaitement bien identifiés par la population. 

Le dernier rapport des Préfets sur le climat de la France fait remonter des sentiments de crispation, de douleur, de colère. Ce sont des mots forts. Est-ce qu'il y a un mot qui vous apparaît plus pertinent pour décrire le sentiment de vos administrés ?

Je ressens d'abord de la démoralisation et un manque de repères, un sentiment de frustration de ne pas très bien savoir où ils vont et où nous allons ensemble. C'est compliqué. Quand on ne sait pas où on va, on a du mal à avancer de façon positive, on est un peu démoralisé et égaré. Je ne suis Maire que depuis 2008 mais je vois plusieurs périodes. Au début de mon mandat, il y avait des problèmes d'emploi, de précarité. On ne peut pas dire que la période était exceptionnelle, avec des montées de communautarisme, d'individualisme forcené, mais il y avait encore une société qui paraissait aller de l'avant, qui râlait de façon positive, un peu "à la française". Depuis un an, j'ai le sentiment que nous avons franchi un cap supplémentaire, avec une précarisation qui continue d'augmenter. Même ceux qui ont un emploi, une situation relativement stable, se mettent à douter et à avoir une espèce de démoralisation. Il va falloir vraiment redonner de l'élan à notre société.

Peut-on lui redonner de l'espoir ? Est-ce que l'espoir suffit ?

Non, ça ne suffit pas. Je pense qu'il faut déjà dire la vérité à nos concitoyens, mais sans les démoraliser davantage. Dans ma commune, je reçois au moins cinquante CV par jour pour des emplois communaux. N'ayant pas besoin de personnel communal supplémentaire, c'est difficile... Des personnes demandent des rendez-vous. Je les vois et je fais un peu un travail complémentaire de Pôle Emploi. J'essaye de les interroger sur leurs compétences, sur ce qu'ils ont fait, et j'essaye de les diriger vers les structures adaptées. J'essaye de les accompagner. Mais ce n'est pas la collectivité qui va créer de l'emploi, alors même qu'on nous demande de veiller aux dépenses et de contraindre la masse salariale. Ça ne nous empêche pas de mener des politiques pour faire en sorte qu'il y ait un développement de l'emploi sur le territoire. Quelle que soit la taille de la commune, tous les Maires essayent d'avoir des politiques de développement économique, surtout au travers de l'intercommunalité. 

Lesquelles ?

Dans mon territoire, j'ai beaucoup de politiques d'insertion, de chantiers de formation, des choses pour essayer de mettre la tête hors de l'eau à des personnes qui n'ont aucune formation particulière, car ce sont les plus fragiles. Proposer des emplois à des jeunes qui ne sont pas du tout en adéquation avec leurs diplômes est aussi l'une des difficulté de notre société. C'est particulièrement vrai dans nos zones rurales, où il n'y a pas forcément d'emplois qualifiés. Pour les jeunes qui veulent revenir vivre dans nos pays, parce qu'on y vit bien, parce qu'il y a une bonne atmosphère générale, les choses sont difficiles. Mais je crois qu'on ne peut pas baisser les bras, on ne peut pas leur montrer qu'on ne peut rien faire. On essaye des les aider, de les aiguiller vers des structures qui peuvent les accompagner davantage que nous. Nous essayons d'être des relais et pas seulement des réceptacles de l'insatisfaction.

Sans intercommunalité, il semble très difficile d'agir en tant que Maire. Mais les intercommunalités ne sont-elles pas aussi une perte de pouvoir pour le Maire ?

Les intercommunalités, ce sont les mêmes élus que dans les communes, qui décident des mêmes choses. Je suis dans une commune centre d'une agglomération où il y a seize petits villages. C'est nous qui faisons l'intercommunalité, qui faisons le schéma de cette structure, qui lui donnons des compétences. La proximité entre la commune et l'interco est donc réelle. Il y a des compétences obligatoires, comme le développement économique et l'emploi, car elles n'ont de sens qu'à l'échelle intercommunale. Par contre, pour d'autres compétences comme les politiques sociales, nous avons le choix de rester à l'échelle de la commune. 

La remontée de l'expérience du local vers le national, est-elle l'un des problèmes auxquels sont confrontés les Maires aujourd'hui ?

Les Maires ne sont pas complètement libres. Dans les politiques sociales, les Conseils généraux intervient. Dans les politiques économique et de formation, ce sont les Conseils régionaux. Nous avons un tas de partenaires. Pourtant, souvent, c'est l'élu local qui monte les dispositifs et fait le travail de fourmi. Je comprends mes collègues lorsqu'ils disent : "Nous avons fait un grand travail et il tombe à l'eau, parce qu'il a été décidé quelque chose qui vient d'en haut". Il n'est pas aisé de travailler avec toutes ces strates. Nous aurions besoin de simplification. Autre chose m'inquiète beaucoup. Vous avez compris que derrière ce que l'on fait, le nerf de la guerre est financier. Or, à l'heure actuelle nous avons énormément de décisions nationales qui impactent nos budgets en dépenses supplémentaires et des ressources qui viennent en moins. Nous nous trouvons dans un goulot d'étranglement qui fait que nous allons avoir des difficultés à poursuivre ce que l'on met en œuvre. Il faut donc que l'on fasse preuve d'ingéniosité, que l'on travaille en concertation, que les politiques qui fonctionnent bien dans un territoire soient diffusées et reprises. Nous avons intérêt à s'entraider en tant qu'élus, pour mieux aider la population. 

Je reçois la lettre d'information du Mouvement Démocrate

Engagez-vous, soyez volontaires

A nos côtés, vous serez un acteur de nos combats pour les Français, pour la France et pour l'Europe.

Chaque engagement compte !

Votre adhésion / votre don

Valeur :

Coût réel :

20 €

6,80 €

50 €

17 €

100 €

34 €

Autres montants

Qu'est ce que la déclaration fiscale sur les dons ?
Filtrer par