"Le fond de la question européenne nécessite un engagement clair. La responsabilité du président de la République est de mettre le citoyen au coeur des projets européens."

François Bayrou était l'invité d'Apolline de Malherbe dans "BFM Politique" ce dimanche 8 avril 2018. Nous vous invitons à revoir la cinquième et dernière partie de l'émission pendant laquelle le président du Mouvement Démocrate a répondu aux questions d'Apolline de Malherbe sur l'Europe.

Apolline de Malherbe : Un mot sur l'Europe, c'est la prochaine échéance électorale. C'est ce week-end que la République en Marche a lancé ce qu'ils appellent leur « Grande Marche pour l'Europe ». Alors est-ce que l'Europe peut encore faire rêver aujourd'hui ?

François Bayrou : Je ne sais pas très bien ce que « faire rêver » veut dire. Je vais vous dire ce que je pense depuis longtemps : je n’arrive pas à comprendre qu’on ne soit pas européen. Je peux tout entendre : que l'on soit anti-capitaliste ou pro-capitaliste, démocrate au point de vouloir un mode d'élection particulier ou au contraire qu’on défende l’idée qu’il faille à tout prix de l'autorité dans la société... Mais que l'on puisse dire quand on regarde le monde : je prends l’exemple de cette semaine : monsieur Trump a décrété qu'il allait mettre 25% de droits sur l’acier  qui venait aux USA d'autres régions du monde. En même temps, la Chine dit : puisque c'est comme ça, les porcs américains, plus les céréales, plus je ne sais quoi d'autre, ne rentrera plus en chine sans payer des droits de douane équivalents. On est dans un conflit de géants. A côté de ça, vous avez les GAFA, qui ne paient pas d'impôts sur leurs activités parce que le numérique leur permet d'échapper à l'impôt dans les pays. À partir de cela, vous avez la crise au Moyen Orient avec une guerre qui menace à chaque instant, et je ne parle même pas du Sud Est asiatique … Quand vous regardez ça, vous vous dites : « Mais est-ce qu'on peut s'en sortir tout seul ? » Et qu'il y aient des gens qui répondent : « Mais oui, on va s'en sortir tout seul » pour moi c'est une énigme. Je suis certain que si vous, et ceux qui nous écoutent, se posent la question au travers de l'avenir de leurs enfants, on va prendre les décisions justes qui les protègent. Et il n'y a qu'une manière d'y arriver, c'est de les prendre ensemble. 

Apolline de Malherbe : Vous dites que vous ne comprenez pas, mais, on le sent bien, est-ce que ce n'est pas le nouveau clivage qui se dessine ? Le clivage droite / gauche s'est estompé, ou en tout cas s'est largement fait bousculer par l'élection de Macron...

François Bayrou : Il a été dépassé, heureusement.

Apolline de Malherbe : Dépassé c'est ce que vous espériez, c'est en train de se faire. Est-ce que le nouveau clivage ce n'est pas entre les pro-européens et les euro-sceptiques ? Marine le Pen eurosceptique, Mélenchon on se le demande, mais en tout cas une partie de ses troupes sont anti-européennes... Du côté des Républicains, on sent d'ailleurs que le clivage les traverse. Emmanuel Macron, lui, est très franchement pro-européen et vous aussi. Comment voyez-vous les vieilles familles politiques composer avec cela ?

François Bayrou : Selon moi, ceux qui seront entre deux chaises auront beaucoup de mal à défendre une position.

Apolline de Malherbe : Entre deux chaises : ce sont les Républicains mais aussi la France Insoumise.

François Bayrou : Je pense que le fond de la question exige un engagement, pas seulement l'espèce d'eau tiède qu'on nous sert depuis des années et contre laquelle j'ai essayé de me battre, mais j'ai vu monter la marrée de l'eau tiède. Cela demande de l'engagement. Et cet engagement exige la volonté de voir le président de la République, comme les autres chefs de gouvernements, s'engager pour rendre clairs aux yeux des citoyens les choix qui vont être faits. Je suis depuis très longtemps très perplexe, pour ne pas dire fâché, de voir que si je pose la question à ceux qui nous écoute : « Est-ce que vous connaissez un parlementaire européen ? » Il y en a 75 députés français... Ou « Est-ce que vous connaissez les sujets qui vont être discutés dans le cadre de l'UE dans les semaines qui viennent ? » C'est principalement la responsabilité du président de la République française.

Je n'emploie pas des mots grandiloquents. On doit s'adresser aux français et Emmanuel Macron est plus disposé qu'aucun de ses prédécesseurs à le faire, car comme vous l'avez dit c'est son idéal, au fond, mais il doit mettre le citoyen au cœur des choix européens. Pas l'Europe décidée pour les citoyens. Il y a très longtemps que je défends une idée : que l'on veuille bien annoncer aux citoyens, aux opinions publiques, les sujets que l'on va traiter dans le cadre de l'UE dans les deux mois qui viennent. Parce que vous qui êtes l'observatrice la plus affutée sur tous ces sujets, si je vous pose la question, vous n'en savez rien. Or c'est quand même ça la question de l'engagement. Que les associations, les syndicats, les partis puissent dire « là, on a un grand problème », par exemple social, est-ce qu'on va poser ou non la question de règles sociales qui deviendront de plus en plus proches et identiques un jour, et qu'est-ce que la France propose pour ça ? Vous voyez bien que cela change tout : on ne parle plus de ce labyrinthe bruxellois qui est lointain et auquel personne ne comprend rien, mais de la vie des gens dont l'entente européenne détient les clés.

Apolline de Malherbe : Si, comme vous le dites, il y a effectivement deux camps - et même certains à cheval sur ces camps, est-ce qu'il faut des listes communes ? Pourriez-vous travailler clairement avec LREM ou est-ce que le MoDem doit rester une entité autonome sur ces questions ?

François Bayrou : La logique de la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui, c'est évidemment que les deux partis de la majorité, LREM et le MODEM, travaillent ensemble et se présentent ensemble. Il faudrait une fracture pour que ça ne soit pas le cas. Nous avons une responsabilité. Ce n'est par hasard que nous avons fait toutes ces choses, et pris notre part du socle qui a élu Emmanuel Macron.

Apolline de Malherbe : Quant à la question de l’incarnation, on a même évoqué le fait que la tête de liste pourrait être Edouard Philippe, est-ce que vous vous dites que ça pourrait être une bonne idée ?

François Bayrou : Evidemment, si je fais un portrait robot, il faut quelqu'un qui soit identifié par les français, connu par eux, qui porte un message sans ambiguïté, qui sache rappeler la langue de la vie de tous les jours pour les gens.

Apolline de Malherbe : Que l'Europe rentre dans la vie des français comme vous le disiez. Un dernier mot : vous avez été effectivement éphémère ministre de la Justice, vous avez été obligé de démissionner suite à ce soupçon d'emplois fictifs …

François Bayrou : Des accusations.

Apolline de Malherbe : Aujourd'hui, où est-ce que ça en est ?

François Bayrou : Aucune nouvelle.

Apolline de Malherbe : Il ne se passe rien ?

François Bayrou : Que je sache.

Apolline de Malherbe : Ca ne vous étonne pas que la Justice en quelques sortes donne le sentiment qu’elle accélère quand vous êtes au gouvernement, au point que vous devez le quitter, puis ensuite, il ne se passe plus rien, et vous attendez des mois ?

François Bayrou : Ecoutez, je vais vous dire quelque chose, je n'ai qu'une attitude : je sais que ces accusations sont totalement infondées et je crois que la Justice de mon pays l'établira. Je n'ai rien d'autre que cela à dire. Cela ne me manque pas du tout de ne plus être au gouvernement, comme vous l'avez constaté. Pour le reste, le temps est long.

Je reçois la lettre d'information du Mouvement Démocrate

Engagez-vous, soyez volontaires

A nos côtés, vous serez un acteur de nos combats pour les Français, pour la France et pour l'Europe.

Chaque engagement compte !

Votre adhésion / votre don

Valeur :

Coût réel :

20 €

6,80 €

50 €

17 €

100 €

34 €

Autres montants

Qu'est ce que la déclaration fiscale sur les dons ?
Filtrer par