Lampedusa : "N'amalgamons pas l'égoïsme des États et l'action de l'Europe"

Image n°1654

Interrogée par Arte, Nathalie Griesbeck est revenue sur la situation critique de Lampedusa. Alors que les drames se succèdent, l'Europe semble ne pas agir. Pour l'eurodéputée, la faute incombe d'abord "à l'inertie, voire à l'hypocrisie" des États.

Le Mouvement Démocrate tient son congrès, le 18 janvier à Paris. Pensez à vous inscrire.

Arte - Quelle est la responsabilité de l'Europe dans cette affaire ?

Nathalie Griesbeck - C'est une responsabilité qui est nécessairement partagée avec les États. L'Europe c'est ça : à la fois un peuple européen, une Commission qui donne une impulsion exécutive et un Conseil qui représente les États. Si les États bloquent, plutôt que d'avancer et d'apporter des réponses, on va dire que l'Europe ne fait rien. On amalgame les égoïsmes des États, leur inertie, leur silence, leur hypocrisie, avec ce qui dit et fait l'Europe. Les tragédies se succèdent. On vient de recevoir le prix Nobel de la Paix et on constate que la Méditerrannée est un cimetière de plus de 25.000 personnes, hommes, femmes et enfants. Ça se passe sous nos yeux et il n'y a pas de réponse. Il faut des décisions. Je pense profondément que, parmi les défis qui sont à surmonter ou à relever par l'Europe dans les mois et les années qui viennent, il y a quelle politique migratoire nous voulons, équilibrée, ensemble, en prenant nos responsabilités.

Un de vos collègues, Juan Fernando Lopez Aguilar, président de la Commission des Libertés civiles, de la Justice et des Affaires intérieures au Parlement européen, dit qu'il faut communautariser totalement la politique d'immigration et d'asile afin de mutualiser les moyens et les informations. Votre décryptage et avis ?

Je ne suis pas du tout opposée à cette idée là. Quand je parle de défi migratoire, c'est le cas. Mais ça veut dire qu'on ne va pas "sauter comme un cabri", comme disait un grand homme, pour le réaliser. Il faut qu'il y ait une volonté de la part des États. Nous sommes vingt-huit et nous devons tous être dans cette logique.

Pourquoi ça bloque ?

Parce que des États sont moins sensibles à cela. 

Moins sensibles aux tragédies ?

Tout le monde est sensible aux tragédies. Avec Mariele de Sarnez, je suis allée dans les centres, j'ai discuté avec les jeunes, j'ai vu l'espoir qui était le leur, j'ai appris comment les filières mafieuses les amenaient dans l'impasse, dans ce qu'ils croyaient être un Eldorado. Ils n'imaginaient pas une seule minute arriver dans un tel contexte... Nous devons arriver à définir ensemble ce que nous voulons, comment nous pouvons travailler contre ces systèmes mafieux, comment nous pouvons faire pour que ça aille mieux dans leurs pays d'origines, pour qu'ils n'aient pas tous envie de venir se réfugier en Europe. Il faut aussi distinguer ceux qui ont vraiment besoin de l'asile, qui sont vraiment des réfugiés, je pense aux Syriens qui sont bloqués aux frontières de l'Europe...

Ce qui frappe, c'est que les vingt-huit États membres de l'Union européenne sont tous membres de l'Union pour la Méditerrannée. Ça devrait pouvoir faciliter les choses...

Vous vous faites l'avocat du diable. Nous savons très bien où sont les freins, ils ne sont pas tellement au Parlement européen. Il y a des améliorations à apporter dans les outils, sur Frontex (Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne), sur la mutualisation, sur l'organisation des secours, des progrès techniques… Mais il faut une démarche d'ensemble. Pour qu'elle fonctionne, pour qu'il y ait de la solidarité, un travail avec les pays d'origine, une lutte contre les réseaux mafieux, il faut que l'on soit tous d'accord. L'hypocrisie, c'est de voir que dans la proposition budgétaire des États, on a réduit la somme pour Frontex de 110 millions à 80 millions d'euros. Les gouvernants parlent et ils font autre chose. C'est de l'hypocrise politique.

Faisons de l'Europe pratique : 1er décembre 2013, nouveau programme EuroSur, coordonné par la fameuse agence Frontex. Qu'est-ce que ça veut dire concrètement ? La Fédération internationale des Droits de l'Homme critique ce programme en disant qu'il s'agit davantage de bloquer les bateaux avant leur départ que de venir à leur secours...

Je ne suis pas totalement sur la position de la Fédération internationale des Droits de l'Homme. Une chose est certaine : si nous ne remettons pas sur la table toutes les billes, nous n'arriverons à rien. Les moyens existent, leur perfectionnement est possible, en terme budgétaire mais pas seulement. Nous pouvons mutualiser, discuter avec les pays tiers et organiser une vraie politique migratoire. Mais nous ne pouvons pas accueillir tous les migrants. Il est évident que l'Europe a aussi des défis à relever à cet égard, une solidarité à exercer, mais en adéquation avec ce qui se passe dans nos pays membres. Trouver un équilibre, cela passe par une discussion, une réglementaiton qui pourrait être communautaire et une évaluation de la capacité des États membres à accueillir dans de bonnes conditions, peut-être avec des quotas. 

Cela va faire hurler, cette histoire de quotas...

Quand je suis allée à Lampedusa, j'ai vu que les Norvégiens étaient venus et, avec humanisme, avaient décidé d'accueillir dans leur pays un certain nombre de migrants, de réfugiés, d'apatrides. Ils étaient venus les premiers, avaient pris contact avec des jeunes pour pouvoir les accueillir et apporter quelque chose de plus à la Norvège. J'imagine que nous aussi, nous avons besoin d'avoir une politique migratoire intelligement menée. Nous ne pouvons pas faire l'économie d'une discussion de fond avec les États membres, en leur demandant de mettre leur hypocrie et leurs paroles au fond de leur poche pour travailler ensemble.

Je reçois la lettre d'information du Mouvement Démocrate

Engagez-vous, soyez volontaires

A nos côtés, vous serez un acteur de nos combats pour les Français, pour la France et pour l'Europe.

Chaque engagement compte !

Votre adhésion / votre don

Valeur :

Coût réel :

20 €

6,80 €

50 €

17 €

100 €

34 €

Autres montants

Qu'est ce que la déclaration fiscale sur les dons ?
Filtrer par