"La vérité, c'est que nous aurons zéro croissance en 2013"

François Bayrou a estimé mardi que la croissance serait de "zéro au mieux" en 2013 en France, déplorant "qu'en période électorale, Nicolas Sarkozy et François Hollande aient annoncé aux Français des illusions et des mensonges". Pour le leader centriste, ce "problème majeur" nécessite de soutenir davantage "la création et la production".

Parlons de la croissance. 0,8 pour cent pour 2013 nous annonçait le gouvernement, et voilà que Laurent Fabius nous parle de 0,2 ou 0,3 pour cent pour 2013 ce matin sur RTL. 
François Bayrou - Pour y voir clair, il faut remonter encore un peu plus loin. L'élection présidentielle s'est déroulée avec des prévisions de croissance des deux côtés, de François Hollande et de Nicolas Sarkozy, qui étaient mirobolantes : 1,7 à 1,8 pour cent pour cette année. Comme toujours en période électorale, on a dit aux Français des choses qui sont des illusions et des mensonges et en le sachant. Aujourd'hui, 0,2 ou 0,3 pour cent, qu'est-ce que ça veut dire ? Parlons français : ça veut dire 0 au mieux. Nous avons un problème majeur, massif, lourd, jamais affronté jusqu'à maintenant, qui est que notre pays a abandonné la force qui était la sienne, force de création, force d'entreprise, force de production. Si vous ne produisez pas, si vous n'avez pas des produits nouveaux, des services nouveaux, des innovations, des choses à vendre, vous aurez beau couper dans tous les secteurs la dépense publique - et Dieu sait que je suis favorable à ce qu'on fasse des économies - vous n'y arriverez pas. Pourquoi sent-on aujourd'hui un flottement du coté du gouvernement ? Parce qu'on ne voit pas la politique qui va permettre de répondre aux causes de cette dégradation que nous avons sous les yeux. Ce n'est pas uniquement français, les autres pays européens connaissent un fléchissement de cet ordre mais dans cette Europe en difficulté, le pays ne tient pas son rang. 

Avons-nous capitulé devant M. Cameron et Mme Merkel ? 
Nous avons capitulé devant les faiblesses françaises. Ce n'est pas de l'extérieur que viennent nos difficultés. Il y a ceux qui disent que c'est à cause des autres, de Mme Merkel, de l'Europe, de M. Cameron, de la mondialisation... Mais en réalité, les problèmes de la France sont Français. Nous sommes le seul pays comparable qui n'arrive pas à équilibrer son commerce extérieur, à vendre à l'extérieur autant qu'il achète, de manière à ce que le pays ne s'appauvrisse pas. Nous en sommes à peu près - ce sont des sommes astronomiques - à 70 milliards de déficit du commerce extérieur. C'est-à-dire que notre pays et donc toutes les familles françaises s'appauvrissent tous les ans de 70 milliards. Comment voulez-vous soutenir l'école, la santé, les retraites… si vous vous appauvrissez ? 

"UN PAYS ENGAGÉ DANS UN SURENDETTEMENT SANS FIN, EST UN PAYS FICHU" 

Lorsque François Hollande ou le Premier Ministre disent "Nous pratiquons une gestion rigoureuse des finances publiques", est-ce que l'on doit traduire "Nous appliquons l'austérité" ? 
La rigueur et la bonne gestion ne sont pas des options. Ce ne sont pas des choix parmi d'autres, elles sont indispensables. Encore faut il que les décisions soient prises dans la bonne direction, que nous ayons un raisonnement sur la manière dont nous voulons que se développe la France et sur les raisons qui expliquent que nos entreprises ont le sentiment d'être ciblées. 

Est-ce que l'Europe est en train de condamner certains pays, comme la Grèce, à une austérité sans fin ? 
Ce n'est pas que l'Europe, il y a aussi le FMI. Nous avons tout un ensemble de surveillance. Si un pays - je ne parle même pas de la Grèce, ça peut être la France demain - est engagé dans le surendettement sans fin, il est fichu. 

Est-ce que la France est dans la même situation que la Grèce ? 
En tout cas, je demande à ce qu'on fasse très attention avant de relancer la machine à dette. On entend dire que toutes ces disciplines sont excessives. Pour la France, ce n'est pas vrai, il faut qu'on ait enfin la gestion qui permette d'empêcher les gaspillages, d'avoir un bon usage de l'argent public, pour qu'on se rétablisse. Je reviens à la Grèce, le deuxième point, c'est qu'on ne peut pas soumettre un pays à des disciplines qui sont impossibles à supporter pour la population. Il faut avoir une gestion de père de famille, une gestion compréhensive de la part des grands organismes internationaux. Il faut voir de quelle manière, au travers du temps, à quinze ou vingt ans, comme pour un ménage en surendettement, un pays comme la Grèce peut retrouver son équilibre. Et prendre soin de ne pas le soumettre à l'écrasante obligation de ne plus avoir une société dans laquelle la solidarité et le vivre ensemble existent. 

"SANS L'EUROPE ET LE FMI, LA GRÈCE FERAIT FAILLITE DANS LA MINUTE" 

Nous allons tenir des discours en Grèce. L'Allemagne et le FMI imposent une rigueur absolue à la Grèce... 
Si l'Union Européenne et le FMI n'étaient pas là, la Grèce ferait faillite dans la minute ! Un pays qui ne vit qu'en empruntant - c'est aussi le cas de la France - a absolument besoin de trouver des prêteurs. Il est donc très heureux que l'Europe ait enfin décidé que la Banque Centrale, même avec des mécanismes intermédiaires, puisse être prêteur pour des pays ou des économies qui sont en difficulté. Si vous dites à la Grèce "Faites ce que vous voulez", c'est la faillite demain matin. Voilà pourquoi il y a une partie substantielle de l'opinion publique grecque qui dit "Oui, on va faire ce qu'il faut comme efforts". Mais n'en demandons pas trop, pensons au peuple, et le peuple grec est soumis depuis des années… 

Ce sont les classes moyennes qui paient l'impôt en Grèce, les plus riches sont toujours en évasion fiscale. 
Voilà pourquoi il est très important d'avoir une pression : pour que ce genre d'anomalies soient corrigées. 

Nous savons que les 3 pour cent de déficit budgétaire ne seront pas respectées en France en 2013. Allons-nous demander à Bruxelles de nous aider à ne pas les respecter ? 
Ça doit être l'espoir de certains responsables. Mais moi, je ne pense pas que la France puisse se trouver en situation d'être le pays qui dit : "Nous ne respecterons pas nos obligations". Voilà pourquoi, dans les deux langages que nous entendons au gouvernement aujourd'hui, le langage de ceux qui disent "c'est difficile mais on va garder nos objectifs", me paraît être un langage plus raisonnable que ceux qui disent "lançons notre sérieux par dessus les moulins". 

"LA RELANCE NE SERT QU'À CRÉER UN MOMENT D'EUPHORIE" 

Finalement, la France ressemble à un homme surendetté qui va voir son banquier en disant : "Je suis surendetté, il va falloir encore que vous fassiez un effort pour m'aider" ? 
Bien entendu. C'est bien de présenter les choses comme ça. On présente souvent ces questions économiques comme théoriques et auxquelles pas grand monde comprend quelque chose. La vérité, vous venez de la dire : la logique d'un ménage surendetté et la logique d'un pays surendetté sont les mêmes. Ce qu'il convient, c'est d'améliorer la santé du ménage ou du pays de manière à ce qu'il puisse retrouver son équilibre, pas d'aller encore une fois vers le banquier pour demander : "Prêtez-moi plus s'il vous plaît". Un délai pourrait se discuter, mais se relancer dans la spirale du surendettement, je vous le dis avec certitude, ça ne marchera pas, c'est impossible. La question la plus importante est : que fait-on pour soutenir l'activité du pays ? 

Vous ne voulez pas de relance ? Vous dites : "Attention, la relance c'est dangereux, ça crée de la dette" ? 
Qu'est-ce que c'est la relance ? C'est l'Etat qui va se mettre à donner de l'argent à tout le monde, de manière à ce qu'il y ait un moment d'euphorie. 

Vous seriez Premier Ministre ou à la tête de l'Etat, vous feriez quoi ? 
Je dirais : regardons pourquoi tous ceux qui sont des chercheurs et des créateurs, qui créent des entreprises, qui font des activités agricoles, culturelles ou industrielles sont en difficulté chez nous et pas ailleurs ? Nous avons des difficultés énormes en raison de la complexité de l'Etat. Il faut toujours remplir un papier de plus, il est toujours impossible de comprendre les lois tellement elles sont complexes. Nous avons des blocages qui viennent de partout, les gens s'arrachent les cheveux, ils n'ont pas de partenaire qui les accompagne. Nous devons saisir cette idée que la puissance publique - l'Etat et les collectivités territoriales - est là pour soutenir ceux qui ont envie de faire quelque chose. Ils ne sont pas si nombreux, pas assez nombreux, mais au moins qu'on ne les décourage pas et qu'on les aide ! La force de l'Etat devrait être de pouvoir décider. Vous avez vu aujourd'hui comme se prennent les décisions ? Bous passez votre temps à aller dans un autre bureau, dans une autre administration... Vous revenez six mois après, la décision n'est toujours pas prise. Nous avons besoin de soutien à ceux qui sont en première ligne, qui sont dans la tranchée, qui se battent au nom du pays ! 

"FISCALISER LES ALLOCIATIONS NUIRAIT À L'ÉQUILIBRE DE LA POLITIQUE FAMILIALE" 

Comme l'Etat a besoin d'argent, il y a des idées qui émergent ici ou là. Les allocations familiales par exemple. Êtes-vous favorable à leur fiscalisation ? 
Je n'y suis pas favorable. Qu'est-ce que ça veut dire, fiscaliser les allocations familiales ? C'est très simple : faire payer les classes moyennes. Ceux qui ont une famille nombreuse, qui sont des cadres ou des enseignants, vont payer. Ceci porte atteinte à la définition que la France a donné à sa politique familiale depuis la guerre. Celle-ci était faite pour qu'il y ait dans la population du pays un équilibre, entre les différents niveaux de la société. Nous aidons les plus défavorisés, nous les aidons beaucoup et c'est bien. En même temps, nous disons : "Lorsque vous êtes classe moyenne, il faut aussi une politique familiale pour vous". La société doit être équilibrée avec des enfants et des familles dans tous les milieux sociaux. Et non pas une incitation qui se dirige uniquement vers une seule partie de la société française 

Est-ce qu'il faut conditionner le montant des allocations familiales aux revenus du ménage ? 
C'est la même chose. On ne doit pas toucher au principe qui est qu'on a besoin d'enfants dans toutes les secteurs de la société françaises. Nous avons la natalité la plus positive en Europe parce que nous avons réussi à bâtir une société équilibrée. Je rappelle qu'Alain Juppé avait eu cette idée et qu'il l'a retirée devant ce que lui ont dit les associations familiales. Lionel Jospin aussi. Je pense que c'est une mauvaise idée. Tous ceux qui ont travaillé dessus disent : "Pensez à l'équilibre du pays". 

Il y a l'idée de concentrer les prestations familiales sur ceux qui en ont le plus besoin. Il y a aussi le fait qu'un foyer qui a 10.000 euros par mois de revenus touche des allocations familiales, alors qu'une femme seule qui n'a qu'un enfant mais qui touche 1.100 euros par mois n'en a pas. 
Le foyer à hauts revenus touche beaucoup moins d'aides sur les autres secteurs. Donnez à cette mère d'autres soutiens. Je sais que l'idée la plus simple serait de faire en sorte que seuls ceux en difficulté aient des allocations et de faire des économies sur le reste. Mais si la France - depuis soixante ans, depuis la Libération et le CNR - dit qu'il y a là un problème d'équilibre futur du pays, c'est bien qu'il faut que la politique familiale et les enfants reçoivent un soutien qui soit équitable dans toutes les strates de la société. Je pense que ça a été un plus pour le pays et qu'il serait imprudent de ne pas se poser la question du but que l'on veut atteindre 

Les retraités, eux aussi, risquent de trinquer. La CSG payée par les retraités est de 6,6 pour cent, alors que la CSG payée par les actifs est 7,5 pour cent. Fut-il aligner les deux taux ? 
Cette question va être posée évidemment. Dans le vaste ensemble de réflexion sur les retraites, nous allons nous trouver avec des questions de cet ordre. Il faut les affronter. L'alignement des taux de CSG sera une proposition qui sera un jour ou l'autre décidée. Je pense qu'elle est juste. 

Et ne pas aligner la revalorisation des pensions sur l'inflation ? 
Mettons nous à la place de ceux qui nous écoutent... Ils pensent qu'on va chercher partout sans logique. 

"LA SITUATION IMPOSE À LA GAUCHE DE CHANGER DE LOGICIEL" 

N'est-ce pas cela, la politique du gouvernement ? 
Si c'est ça, c'est une erreur. Le sérieux dans la gestion consiste à avoir un plan d'ensemble et à avoir des décisions cohérentes avec ce plan d'ensemble. C'est-à-dire, quelle société voulons-nous ? Est-ce que nous voulons préserver les retraites ? Évidemment, elles doivent être préservées, mais ça ne peut se faire que par une vaste réforme que j'ai appelée la retraite par points. 

Est-ce que vous revoteriez François Hollande aujourd'hui compte tenu de la politique conduite ? 
Je vous ai déjà répondu : il fallait une alternance. Cette alternance a porté ses fruits sur deux points. Il y a eu un certain apaisement dans la société, et c'était nécessaire. Deuxièmement, il y a eu des décisions justes, je pense au Mali en particulier, je pense aux négociations entre syndicats réformistes et entreprises, ... Ceci va dans le bon sens. Il reste a une vaste zone d'interrogations : la politique économique et pour l'entreprise en France, la capacité à créer des emplois et des richesses. Sur ces questions, pour l'instant, nous n'avons pas de réponse. Mais je n'ai pas changé d'avis sur ce vote qui était le mien. Regardez la question qui est posée devant le pays : François Hollande n'est pas allé au bout de l'évolution que la situation porte en elle. La situation porte un changement de logiciel de politique de la gauche. La gauche croyait qu'il suffisait de changer les dirigeants et de mettre des impôts pour rétablir l'équilibre et la santé du pays. Elle s'aperçoit aujourd'hui que ce n'est pas vrai. La définition de la nouvelle politique du pays n'est pas faite. C'est à cela qu'est suspendue pour moi la question de savoir si François Hollande assume la situation qu'il a entre les mains 

Vous êtes éleveur de chevaux, est-ce que vous mangez du cheval ? 
Non, je ne mange pas de cheval. Je ne sais pas si j'en mangerais, cette question ne s'est pas posée. J'aime assez les chevaux, mais ce ne sont pas les mêmes races. Quand on était enfant, il y avait des boucheries chevalines et tout le monde disait que c'était la viande qu'il fallait manger pour lutter contre les anémies. Quand quelqu'un était malade, au lendemain d'un accouchement, quand un vieillard était flageolant ou qu'un enfant était anémié, on lui faisait manger de la viande de cheval. Pour autant, dans l'affaire à laquelle vous faites allusion, nous sommes en face d'une escroquerie organisée, probablement mafieuse, avec des ramifications sur toute l'Europe, de gens qui pour faire baisser artificiellement le prix des produits introduisaient du cheval à la place du bœuf, car le cheval est moins cher que le bœuf. Est-ce que nous avons les moyens en France de lutter contre ça ? Oui. Il y a en tout cas une direction à prendre : dites au consommateur d'où vient la viande qu'il mange. Vous verrez que si vous mettez "boeuf élevé en France" ou "boeuf de Roumanie", la vente ne sera pas exactement la même.

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