"La rigueur n'a de sens que si elle s'accompagne d'initiatives de croissance et de relance"

"Il n'y a pas d'alternative à la rigueur", mais celle-ci doit s'accompagner "d'initiatives de croissance, comme de grands programmes et une politique européenne plus coopérative", a défendu Robert Rochefort sur LCP.

Europe Hebdo - Robert Rochefort, vous êtes député français élu du MoDem, vous êtes économiste et avez été directeur notamment du CREDOC. L’austérité ne semble plus faire recette en Europe puisque même le Président de la Commission européenne estime qu’il est temps de ralentir le rythme sur les politiques de rigueur qui s’appliquent sur le continent. Est-ce que pour vous ces paroles annoncent un changement de cap en Europe ?

Robert Rochefort - C’est vraiment étrange, ces petites phrases, surtout dans la bouche de M. Barroso. Il est sûr que ce qu’a fait l’Europe avec des pays comme la Grèce, par exemple, ce n’est pas bien. Avec le type d’austérité qui lui a été imposé, le peuple grec n’arrive pas à s’en remettre. Alors, maintenant, par une sorte de petite phrase, on a l’air de distiller l’hypothèse qu’il y a une autre politique, et on a presque envie de dire qu’entre M. Barroso et M. Montebourg ou Mme Lienemann en France il pourrait presque y avoir la même chose. Evidemment, tout cela n’a pas de sens. 

Est-ce que vous comprenez qu’il s’est trompé ? 

La question n’est pas là. Il n’y a pas d’alternative à la rigueur. J’entendais dans le reportage que nous venons de voir que la dette atteint 90 et même 95% en France et qu’elle va dépasser les 100%.

Donc il faudra bien la payer un jour. 

Cette dette n’est pas tenable et nous ne pouvons pas continuer à l’accroître. En revanche, ce qui est vrai, c’est que ça n’a pas de sens de ne faire que de la rigueur tendance austérité sans avoir en même temps des initiatives de croissance et de relance. 

Quelles formes pourraient prendre ces initiatives ? 

Cela tombe bien que nous soyons ici à Bruxelles, nous aurions pu être à Strasbourg. Les initiatives de croissance doivent venir, pour l’essentiel, pour ce qui est des grands programmes, de l’Europe. L’Europe doit relancer des choses, doit relancer des grands programmes et doit avoir une politique coopérative et non plus une politique très concurrentielle. Je vous cite juste un exemple pour que ce soit très concret. Il faut que Alstom en France et Siemens en Allemagne arrivent à s’entendre pour coordonner leurs efforts et faire un TGV européen de l’avenir que nous puissions vendre au reste du monde, un peu comme nous l’avons fait avec Airbus il y a quelques décennies. 

Vous pensez que l’Allemagne est prête à faire ce genre de programmes ? 

Pour l’instant, non, c’est bien cela la difficulté. L’Allemagne met d’abord comme préalable que, justement, on ne soit pas ambigu sur la rigueur et que l’on reste sur la logique de la rigueur. Et je la comprends d’une certaine façon. Et puis il y a une autre question qui est plus embêtante, c’est que nous pourrions nous dire que l’Allemagne devrait aussi y voir son intérêt, parce qu’elle n’a pas intérêt à avoir autour d’elle des pays en mauvaise situation économique… 

Nous faisons partie d’une même zone Euro. 

Oui, nous faisons partie d’une même zone. Mais il se trouve que l’Allemagne exporte beaucoup et de plus en plus vers l’Asie, et peut-être considère-t-elle que la priorité, un peu comme Peugeot par exemple pour ses voitures, est de soigner ses exportations vers l’Asie et vers la Chine, et un peu moins de jouer la coopération en Europe. Si c’était le cas, ce serait très embêtant.

Est-ce qu’elle peut se retrouver isolée ? Parce qu’il y a quand même beaucoup d’appels pour ralentir le rythme de la rigueur.

En Europe, on ne peut rester isolé éternellement, surtout quand on est un leader. La France, de ce point de vue, va avoir un rôle absolument fondamental à jouer qui va être de trouver des situations intermédiaires. Mais il faut savoir de quoi on parle, nous devons être extrêmement concrets. S’il s’agit de dire qu’il faut un peu plus de temps pour arriver aux 3%, je crois que à peu près tout le monde reconnaît aujourd’hui que ce n’est pas absolument dramatique. Si en revanche, s’il s’agit de dire que l’on peut signer la fin de la récré austérité et recommencer à faire de la dépense publique à tout va et n’importe comment, évidemment que c’est absurde. Et là l’Allemagne aura raison de dire non.

Comment jugez-vous la stratégie de la France et notamment son programme de stabilité économique que le gouvernement a transmis récemment à la Commission européenne ? Est-ce que la feuille de route présentée par Paris est crédible et tenable pour vous ?

Elle tient compte à la fois de la situation économique et des exigences nouvelles de coordination des politiques en Europe. Cela, on ne peut pas le nier. En revanche, est-ce qu’elle est convaincante ? Pas complètement. On nous annonce pour l’année prochaine des économies de dépense publique, mais sans vraiment dire comment, et ça c’est toujours le problème en France. Mais, en fait, la façon dont nous allons faire ces économies de dépense publique va être très importante. Vous voyez que, par exemple, si on arrête toutes les dépenses d’investissement de la puissance publique, parce que c’est le plus facile, on coule encore plus la conjoncture économique.

Donc il faut faire plus d’efforts sur les dépenses ? 

En tout cas, il faut faire des efforts sur les dépenses de fonctionnement, pas sur les dépenses d’investissement. Or cela c’est le plus difficile. Vous me permettrez de dire que, dans les prévisions que la France a envoyées à Bruxelles, il y a encore, j’allais dire « comme d’habitude », comme Nicolas Sarkozy et François Hollande l’avaient fait lors de la campagne présidentielle l’année dernière – ce que François Bayrou n’avait pas fait – un pari de la croissance qui n’est pas censé. Les prévisions de M. Moscovici pour Bruxelles de la semaine dernière disent qu’à partir de 2015, 2016, 2017, on va faire 2% de croissance en France. Je vous dis, au jour d’aujourd’hui, que si nous ne faisons pas plus de réformes de structure, si nous ne nous modernisons pas davantage, nous ne ferons pas ces 2% de croissance. Evidemment, ce sera problématique parce que cela voudra dire que le chômage aura du mal à diminuer et que l’activité économique aura du mal à repartir. Mais je ne crois pas que par un coup de baguette magique, en espérant que la croissance du monde soit meilleure ou qu’elle vienne d’une relance aux Etats-Unis, on puisse atteindre ces 2% de croissance en 2015, 2016, 2017. Vous voyez bien que du coup, comme toujours, parce que la croissance réduit les déficits mais qu’elle n’est pas là, les déficits ne se réduisent pas tout seul. 

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