"La France a besoin d'une opposition différente, constructive et déterminée"

Dimanche sur RTL, François Bayrou a estimé que "le gouvernement ne fait pas face à sa responsabilité de reconstruction de la France". Il appelle le Centre à "se réunir et avancer vers une proposition différente".

RTL - Est-ce que vous regrettez d'avoir voté François Hollande ?

François Bayrou Il faut que vous posiez la question autrement. Nous sommes en période d'inventaire, l'UMP réfléchit à ce sujet. Je trouve que cette réflexion est nécessaire. Qu'est-ce qui a fait que 4 ou 5 millions de Français, qui n'étaient pas de gauche, ont été conduits, après des débats de conscience qui ont été souvent très lourds, à voter pour François Hollande ? Qu'est-ce qui a fait que 3 millions de plus ont voté blanc ? Qu'est-ce qui a provoqué chez des gens républicains, accrochés dans leurs convictions, construits. 

Mais parlons de vous. 

Je suis dans ces 4 à 5 millions !

Vous avez un peu plus d'importance qu'eux, puisque vous avez donné des consignes à ces électeurs, vous avez exprimé un choix personnel. Vous referiez le même? 

Dans les mêmes circonstances, oui. Il y avait une montée très grave, très lourde, des tensions, une espèce de violence dans les mots, qui s'introduisaient dans le pays. Je pense qu'il faut qu'on dise qu'il y a des gens qui pensent, considèrent, estiment, jugent, que l'unité nationale est capitale.

"UNE OPPOSITION FORTE À CE QUI EST EN TRAIN DE SE FAIRE"

Parlons du présent. Jean-Louis Borloo dit ceci : "Je crois que François Bayrou est entré dans l'opposition". Est-ce que c'est le cas ? 

Je pense qu'il faut, dans notre pays, une opposition forte à ce qui est en train de se faire, pour remettre les choses dans le droit chemin.

Est-ce que vous en faites partie ? 

Oui. Mais je crois qu'il faut une opposition différente, qui soit objective, constructive et déterminée pour empêcher un certain nombre de dérives de se produire. J'ai toujours pensé cela et je vous en ai apporté la preuve. Dans ma déclaration à la veille du deuxième tour, voilà comment elle finissait : "Par mon choix, je rends possible pour la première fois depuis longtemps l'union nationale, la vraie mobilisation des Français au service de la France. Il appartiendra à François Hollande, s’il est élu, de réfléchir à la situation et de prendre en compte cette nécessité pour le pays. S’il en reste à la gauche classique et à son programme, je serai un opposant, dans une opposition vigilante et constructive. Il faudra une opposition constructive, mais déterminée, quand il s’agira d’empêcher les erreurs annoncées."

Je repose donc ma question : êtes-vous désormais dans l'opposition ? 

Pas "désormais". Je combats les erreurs qui sont faites. On l'a vu sur la Syrie, on le voit aussi par exemple sur la réforme des retraites. J'étais de ceux qui, depuis très longtemps, avaient ciblé, posé le curseur sur la réforme des retraites, en disant : "Ce n'est pas possible de se faire lanterner comme les gouvernements successifs nous lanternent." J'ai défendu, le premier dans le monde politique français, l'idée d'un système à points, équilibré, souple, individualisé. On nous a promis qu'à la rentrée 2013 le gouvernement allait pour la première fois faire ce qui n'avait pas été fait auparavant. Qu'est-ce qu'il a fait ? Il n'a pas fait de réforme. Il a vaguement, à la marge, mis une rustine de plus après toutes les rustines précédentes. Je considère que le gouvernement n'a pas fait face à sa responsabilité et à son devoir. Sur la liste de sujets que nous avons devant nous, oui je considère que le gouvernement ne fait pas face au devoir qui est le sien de reconstruction de la France et de l'action publique française.

J'aimerais vous poser une question directe, que personne ne vous pose en ces termes. Vous venez de prendre la main de Jean-Louis Borloo pour reconstituer un grand centre. Aujourd'hui, vu l'état du MoDem, vu le peu de troupes dont vous disposez, aviez-vous d'autres choix que de refaire cette sorte d'UDF ? 

On a toujours d'autres choix. Vous parlez avec condescendance d'un mouvement politique qui vient de faire 3,5 millions de voix à l'élection présidentielle. Le MoDem est un appareil qui a beaucoup renouvelé les choses. Il le fait dans toutes les villes, comme Marielle de Sarnez à Paris. Beaucoup de gens trouvent là une inscription politique qu'ils ne trouvaient pas ailleurs. C'est notre fierté et j'ai l'intention d'assumer cette identité et cette originalité. J'ai dit qu'il fallait une opposition différente, attentive, constructive, objective.

Donc vous faites ce rapprochement avec Borloo ? À quelles échéances ? 

J'attache beaucoup d'importance à la cohérence en politique au travers du temps. Je me suis battu, j'allais dire "comme un chien", contre ceux qui pensaient qu'il fallait faire en France deux partis et deux seulement. Vous vous souvenez, quand l'UMP s'est formée, que je suis allé à Toulouse et j'ai dit : "Vous dites qu'on pense tous la même chose. Si nous pensons tous la même chose, c'est que nous ne pensons plus rien."

"SI LE CENTRE VEUT PESER, IL FAUT QU'IL SE RÉUNISSE"

Vous refaites l'UDF ? 

Non. Je pense que je pourrais passer un doctorat sur ce que l'histoire de l'UDF a été. C'était une histoire tourmentée et, pour tout dire, invivable. C'était un mouvement dans lequel les gens ne s'entendaient pas et allaient négocier chacun pour leur compte avec le puissant voisin. Si le Centre veut peser, il faut qu'il se réunisse. S'il se réunit, il faut une condition absolue : ce n'est pas uniquement pour les européennes ou les municipales, mais pour le long terme, pour que les générations qui viennent trouvent autre chose - je vais employer un mot brutal, mais vous m'y forcez - que ce que les Français aujourd'hui ne supportent plus, vomissent parfois, c'est-à-dire l'UMP-PS avec un discours qu'on connait à l'avance. 

Mais alors, votre projet, ce n'est pas qu'une alliance électorale, c'est un nouveau parti du centre ? 

Ce que je défends dans les discussions que nous avons avec Jean-Louis Borloo et Hervé Morin, c'est un rassemblement de ceux qui étaient séparés, éparpillés et divisés. Les uns sont allés à l'UMP en 2002, les autres ont soutenu Nicolas Sarkozy en 2007 : il ne faut plus que ça se produise. Il faut que nous ayons ensemble la volonté de ne plus nous séparer et d'aller ensemble à toutes les échéances, à tous les rendez-vous que le pays donne à ses dirigeants. C'est la thèse que je défends depuis douze ans sans en changer. Ça veut dire que nous défendions un pluralisme qu'il n'y a plus. Si vous saviez comme les gens l'attendent !

Il y a quelques années, vous disiez pourtant que rassembler les centristes, c'était comme pousser une brouette avec des grenouilles... 

J'espère que c'est en train de changer. Nous avons fait tous les deux, le MoDem et l'UDI, l'expérience des limites que les institutions imposaient aux choix que nous avons faits. L'UDI a vérifié que, contrairement à ce qu'elle annonçait, elle n'allait pas devenir tout de suite le premier parti d'opposition. Le MoDem a vérifié qu'aucun des changements institutionnels qui avaient été promis n'est en réalité réalisé.

L'UDI est alliée avec l'UMP. Vous revenez à droite ? 

Alliée, ça ne veut pas dire alignée. L'alignement, ce n'est pas l'alliance. On peut être alliés avec la droite républicaine. Vous savez que je suis ami avec Alain Juppé et François Fillon, qui sont des personnes absolument fréquentables avec qui nous pouvons travailler. J'espère qu'il y aura bientôt le même mouvement d'indépendance de la part de personnalités qui se sentent mal au Parti socialiste. Alors les choses changeront. C'est en tout cas d'une clarté biblique pour moi : si nous voulons un nouvel équilibre de la vie politique française, il faut que le Centre se réunisse et qu'il avance vers une attitude et une proposition différente.

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