? Interview de François Bayrou dans Le Figaro 

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Par Marion Mourgue,  Mathilde Siraud et Vincent Tremolet de Villers

LE FIGARO. - À dix jours des élections européennes, quel regard portez-vous sur la campagne ? 

François BAYROU. - Ce devrait être un moment crucial. Mais la campagne, pour l’instant, ne parvient pas à l’intensité nécessaire. Certains prétendent en faire un référendum anti-Macron ; d’autres montrer que «la droite» est toujours vivante ; les troisièmes que le PS bouge encore. Alors que la seule question qui vaille, c’est vie ou mort, renforcement ou dissolution du projet européen. Cette question-là, et elle seule, mérite une campagne de passion.

Emmanuel Macron est sur une nouvelle affiche de campagne, sans Nathalie Loiseau. Est-ce une bonne idée, ou une personnalisation excessive ?

Le projet de cette liste est celui que le président a formulé, notamment dans la tribune qu’il a publiée en même temps dans tous les pays européens. De surcroît, il suffit d’entendre ses opposants: c’est contre lui et lui seul que se focalisent les attaques. Dans un moment historique, quand l’essentiel est en jeu, il est vital qu’il s’engage! Et il n’y a rien de plus normal que de mobiliser les soutiens autour de celui qui porte le projet.

Dans la dernière ligne droite, est-ce important de «remacroniser» la campagne ?

Nous vivons un moment incroyable. Le premier enjeu est intérieur: avec l’effondrement des forces politiques qui avaient exercé le monopole du pouvoir depuis soixante ans, un changement inédit de la politique française est intervenu, un changement probablement sans précédent depuis 1958. Après le grand débat, un deuxième acte de ce changement, encore plus ambitieux, est maintenant annoncé. Et le deuxième enjeu est européen: cette fois, ce qui n’a jamais été le cas, la question n’est plus celle de la forme que doit prendre l’Europe, mais purement et simplement celle de la survie de l’Union européenne. L’Europe doit-elle être une résistance face aux puissances immenses qui veulent la soumettre, ou doit-elle plier? Sur chacun de ces deux enjeux, intérieur et européen, le président de la République est le principe mobilisateur: il faut donc serrer les rangs autour de lui.

N’était-ce pas risqué qu’il fixe lui-même l’objectif ? 

S’il n’avait pas fixé l’objectif de victoire, les calculs, les manœuvres et les commentaires auraient été les mêmes! Au moins, c’est un homme qui affronte. Il n’élude pas. Et c’est bien.

Que se passe-t-il si la liste du RN arrive en tête ? 

Toute consultation a des conséquences sur le climat, l’ambiance. Mais une chose est sûre: il n’y a pas d’alternative de gouvernement crédible à Emmanuel Macron.

Si on en vient à l’Europe, qui était au cœur du projet Macron, n’y a-t-il pas une réduction du débat à la crainte de la montée des populismes ? 

Pour moi, la «montée des populismes» n’est pas la cause des désordres du temps. C’est une conséquence, c’est un symptôme. Mais la question de l’affirmation ou au contraire de l’effacement de l’Union européenne, cette question-là commande directement le destin de notre pays et le destin de chacun d’entre nous. L’Europe est la cible de forces immenses qui veulent la faire disparaître! Trump, Poutine, la puissance chinoise et des lobbies professionnels se conjuguent pour détruire l’idéal européen. Et maintenant, ces forces disposent d’alliés à l’intérieur même de nos pays: ceux qui ont voulu le Brexit et les extrémistes de chacun de nos pays. 

Que cherchent-ils, selon vous ? 

Ils veulent diviser l’Europe pour la soumettre, pour qu’elle ne pèse plus rien.

Comment y répondre ?

D’abord, en décidant de résister! C’est le président de la République, seul, et au début seul contre tous, qui a eu le courage de dire non. Si Emmanuel Macron n’avait pas été là, on partait pour un Brexit illimité, un processus de dissolution sans terme fixé. Et sur les accords commerciaux, Emmanuel Macron, au nom de la France, a été le seul à dire non aux États-Unis qui remettaient en cause l’accord sur le climat!

On reproche pourtant au président d’avoir perdu de l’influence en Europe ? 

L’influence, ce n’est pas de se ranger à l’avis des autres! Si de Gaulle était là, il dirait que c’est précisément le rôle de la France de pouvoir dire non quand les autres plient et disent oui. Les tergiversations et le mi-chèvre mi-chou vont dans le sens de l’effacement de l’Europe.

Mais les déclarations d’Angela Merkel parlant de «confrontation» avec Emmanuel Macron ne sont pas tendres.

C’est le rôle de la France que d’affirmer une ligne claire et de convaincre ses partenaires. C’est ce qui s’est passé sur la question du Brexit. Si une date impérative a été fixée au 31 octobre, c’est que la France a convaincu les réticents. Et il vaut mieux confrontation de caractères que perpétuelle tiédeur.

La lettre d’Emmanuel Macron n’a pas reçu l’assentiment escompté…

Je ne suis pas d’accord avec vous. Les gouvernements sont souvent faibles, mais, parmi les citoyens, le courant européen est fort. Ce courant de résistance européenne, ce courant d’affirmation de l’indépendance européenne, il faut qu’il soit incarné! Et désormais, il l’est par des actes, et pas par des mots!

Dans quel groupe siégerez-vous au Parlement européen ?

Ce sera le nouveau groupe central du Parlement européen qui rassemblera, sans les confondre, le parti démocrate européen, les libéraux et les nouveaux élus Renaissance. Ce groupe va avoir un rôle majeur, probablement le rôle clé pour les majorités. 

Êtes-vous favorable à ce que l’intégralité de la mandature se fasse à Strasbourg ?

C’est une question vitale! La présidente de la CDU allemande, Annegret Kramp-Karrenbauer, demande que le siège du Parlement européen ne soit plus à Strasbourg! La CDU est le parti le plus puissant, et de loin, de la droite européenne! Et LR en est l’allié. Ils se sont engagés à élire un président de la Commission qui ne parle pas français. Cette double mise en cause, notre pays ne devrait pas l’accepter.

François-Xavier Bellamy est-il la révélation de cette campagne ?

La seule question qui se pose pour les candidats est celle-ci: auront-ils le poids nécessaire au moment des grands choix? 

Quand le premier ministre parle de la «droite Trocadéro», n’est-ce pas là un risque de faire fuir une partie de la droite ?

On voit bien ce qui est essayé avec cette candidature: c’est de reconstituer le noyau dur de la droite tel que certains l’imaginent. Mais cela, c’est de la politique partisane: l’essentiel devrait être que les élus et les idées pèsent lourd à l’heure des grands choix. 

Ce que propose la liste Renaissance est-il suffisant sur la question des frontières et pour régler la crise migratoire ? 

Ce que le président de la République a dit sur la redéfinition de Schengen est une réponse. Ceux qui prétendent qu’on va remettre des postes-frontières sur le Rhin mentent. Harmoniser la politique de l’asile, c’est possible, mais ça demande beaucoup de fermeté. L’idée d’Emmanuel Macron de faire de l’accueil le sujet de débat de politique nationale va dans le bon sens. L’autre sujet, c’est la démographie française, car un pays en déficit démographique est un pays durablement en danger. Les décisions politiques ne sont pas prises sur ce sujet.

Vous aviez appelé, dans nos colonnes, à un nouvel «acte civique, social et populaire». S’est-il réalisé?

Le grand débat a été un acte de refondation majeur des relations entre le président et les Français. D’abord à titre personnel: l’idée s’était introduite qu’il était condescendant et méprisant, qu’il n’écoutait pas. Au cours des centaines d’heures de débat, les Français ont vu de leurs yeux que ce n’était pas vrai. Cela a été un travail de caractère et d’humanité très important. Et la sortie du grand débat, l’annonce d’une reconstruction de fond de l’État dans sa relation avec les Français, est un défi comme il ne s’en est pas présenté depuis plusieurs décennies. Maintenant, il faut le mener à terme!

Une enquête a été ouverte après l’affaire des assistants parlementaires. Où en sont les investigations ? 

Je n’ai pas d’information sur cette procédure. Mais je sais une chose: tous nos parlementaires européens, leurs assistants et tout notre mouvement travaillaient quotidiennement pour l’Europe !

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