"Il n'y a pas d'autre choix que de continuer, et même d'intensifier, la rigueur budgétaire"

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Robert Rochefort a appelé à "une nouvelle équation politique" liée "à un programme économique de relance et de l'offre", jeudi dans une interview aux Échos.

Pascal Pogam (Les Échos) - Vous êtes économiste, sociologue, vous siégez depuis 2009 au Parlement européen sous l’étiquette MoDem. Les annonces faites mercredi par François Hollande pour moraliser la vie publique vont forcément vous faire réagir. Robert Rochefort, est-ce que vous êtes prêt, comme le demande le Président de la République, à dévoiler votre patrimoine ?

Robert Rochefort - Bien entendu. Je vais vous dire quelque chose. Il y a quelques jours, j’aurais presque été comme ceux qui l’ont dévoilé par anticipation parce que cela ne me posait aucun problème. Et depuis que j’ai un tout petit peu réfléchi, je ne le ferai que quand la loi sera votée parce que je suis finalement assez d’accord avec mes confrères qui disent qu’au risque de voyeurisme de la population un peu malsain par rapport à cela correspond une sorte de risque d’exhibitionnisme chez ceux qui se précipitent pour dire qu’ils ont une voiture qui a 25 ans, qu’ils ont une bicoque qui vaut rien, etc. Je trouve que le malsain d’un côté renvoie au malsain de l’autre. 

Ils ont tous de très vieilles voitures d’ailleurs. 

Oui, vous avez remarqué. Il y a même un ministre du gouvernement qui a sa voiture qui a brûlé paraît-il.

Un sondage paru jeudi montre qu’un peu plus de 70% des Français seraient favorables à un référendum sur la moralisation de la vie politique. C’est exactement ce que vous réclamez. 

Absolument, vous savez pourquoi. Nous le réclamons parce que nous sommes convaincus qu’il y en a marre de l’hypocrisie, et laisser les politiques organiser face à la société les éléments de transparence des politiques, c’est se moquer du monde. Aujourd’hui par exemple, tout porte sur cette révélation du patrimoine alors que nous savons que ce n’est pas cela le sujet. Le sujet c’est l’efficacité des politiques : combien sont-ils ? Sont-ils trop nombreux ? Sont-ils soumis à des conflits d’intérêts ? Faut-il immédiatement, ce que nous pensons, mettre fin au cumul des mandats ? Face à cela, on a une sorte de dégoulinade de pseudo-transparence qui en fait n’est pas la vérité parce que, comme vous le savez, il y a une différence entre cette espèce de tendance sociétale à la transparence et la vraie vérité. La vérité, ce sont les conflits d’intérêts, c’est l’efficacité de la politique, ce n’est pas de savoir si tel parlementaire a une maison de campagne ou pas.

La question de ce référendum, ce serait quoi ? 

C’est très simple. "Est-ce que vous êtes d’accord pour que la vie politique soit transformée ?" Là-dessus, il y a deux ou trois dispositions extrêmement fortes. Il y en a une qui est la traque aux conflits d’intérêts. De ce point de vue, on rencontre un peu ce qu’a dit François Hollande hier avec la Haute autorité. Il y en a une seconde qui porte sur la réduction du nombre des élus dans notre pays parce qu’il y a trop d’élus, trop de députés, trop de sénateurs. Et en même temps une interdiction du cumul. Et il y a une troisième disposition parce que pour nous elle est liée à cela, c’est le fait de dire que la représentation nationale soit représentative de la Nation. C’est-à-dire qu’il faut que, à l’Assemblée Nationale, soient représentés les 40 ou 50% de Français qui aujourd’hui votent pour d’autres partis que l’UMP ou le Parti Socialiste et qui n’ont pas de représentants au sein de l’Assemblée Nationale. En fait ces trois sujets sont liés. Parce que vous savez très bien que la crise de moralité actuelle renvoie à la crise de confiance et à l’image des élus de la République face à la société.

Après la période troublée que nous sommes en train de traverser, est-ce que vous estimez toujours que le MoDem pourrait travailler avec François Hollande.

Nous estimons que l’origine de la crise n’est pas sur l’affaire Cahuzac, elle est sur une équation politique qui n’est pas capable de régler la vraie crise qui est la crise économique et financière dans laquelle nous sommes. Parce que, si le pouvoir n’avait pas été faible à cause de cela, je pense qu’il n’y aurait pas eu cet effet de boule de neige avec l’affaire Cahuzac. 

D’une certaine façon, l’affaire Cahuzac sert vos objectifs. 

En tout cas, elle démontre une fragilité extrême de l’exécutif. Pour faire simple, on a un exécutif qui repose sur à peine 25% de l’opinion c’est-à-dire les différents courants du Parti Socialiste côte à côte. Encore depuis deux jours, nous assistons à ce théâtre extraordinaire de plusieurs ministres qui font des interviews de pages entières dans la presse pour dire qu’ils ne sont pas d’accord avec la politique du gouvernement, même si le lendemain finalement ils le sont quand même… Et ils font une sorte d’astuce qui consiste à dire "c’est contre la politique européenne que nous sommes et pas contre la politique nationale" ce qui est, soyons clairs, une sorte d’embrouillamini. Pour répondre à votre question, je ne vais me dérober, nous pensons que nous ne pouvons sortir de la crise qu’avec une autre équation politique qui est fondée sur ce que nous recherchons, c’est-à-dire une sorte de consensus national beaucoup plus large, une majorité beaucoup plus large. Et ce changement d’équation politique doit être lié aussi à un programme économique, je n’oublie pas que je suis avec vous qui vous intéressez aux questions économiques. C’est-à-dire une ligne politique beaucoup plus claire sur les questions économiques liées à une relance, à une politique de l’offre. Si ceci se construisait, oui nous assumerions nos responsabilités, mais c’est dans ce sens-là que cela se présente.

Durant la campagne présidentielle, vous étiez l’homme du "produire en France", une sorte de Arnaud Montebourg aux côtés de François Bayrou… 

Pas tout à fait tout de même. Ce n’est pas du protectionnisme pour nous, ce n’est pas un refus de la mondialisation.

J’allais vous demander : quel regard portez-vous sur l’action menée par le ministre du redressement productif depuis qu’il est en poste ?

Il y a des choses qui sont bien, quand cela sensibilise les consommateurs à l’idée que quand on peut acheter Français à qualité égale, c’est pas mal. Et puis il y a des choses qui sont moins bien, quand il fait ça à l’esbroufe, il caresse quand même quelques thèses qui sont un peu dangereuses. Et aussi quand il fait, comme depuis quelques jours, comme si la politique du "produire en France" était une politique anti-européenne et anti-redressement du compte public. Nous, nous pensons qu’il n’y a pas d’autre choix que de continuer et même d’intensifier une politique non pas d’austérité mais de rigueur budgétaire, surtout pour trouver des marges de manœuvre pour des initiatives de croissance.

La marque France que Arnaud Montebourg est semble-t-il en train de pousser, en tout cas il a confié à une mission le soin de travailler sur le sujet, ne répond pas à vos attentes ? 

J’attends de voir. Vous vous rappelez probablement que Nicolas Sarkozy avait fait la même chose avec une marque qui était Origine France garantie qui n’a pas eu beaucoup de succès. J’espère que cette fois-ci cela marchera mieux.

François Bayrou Premier ministre de Hollande, c’est pour quand selon vous ? 

Je vous ai dit que c’était un problème qui n’est pas un problème de personnes mais qui est un problème de ligne politique. Si effectivement il y a un changement de ligne politique, je serai le premier à le souhaiter. Mais vous voyez bien qu’il ne s’agit surtout pas d’avoir une sorte de gadget qui serait de dire qu’on ouvre à quelques centristes pour donner le sentiment qu’on élargit et qu’on donne un souffle. Si ce n’était que de la communication, qu’une affaire de personnes, cela n’aurait aucun intérêt. 


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