"Il aurait mieux valu que les chefs d’État se réunissent pour faire l’Europe que pour la défaire"

Quelques heures après l’accord péniblement négocié entre les Européens pour permettre à David Cameron de défendre, devant les électeurs britanniques, le maintien de leur pays dans l’Union européenne, Marielle de Sarnez a qualifié sur i>Télé cette négociation de "petit arrangement entre amis" et a regretté le "manque de volonté politique de l'Europe devant ce qui se passe dans le monde".

Je reçois ce matin Marielle de Sarnez, centriste, qui n’a pas sa langue dans sa poche. Elle est eurodéputée et ne voulait pas que l’on discute avec les Britanniques parce que pour elle le chantage, ça ne passe pas. Est-ce que l’on nous a jeté de la poudre aux yeux hier autour de ce Conseil européen ?

Je crois que l’on est dans un moment où il aurait mieux valu que les chefs d’État et de gouvernement se réunissent pendant presque trois jours pour faire l’Europe plutôt que pour la défaire ; pour exprimer une volonté politique devant ce qui se passe dans le monde plutôt que pour un petit arrangement entre amis dont je ne suis absolument pas certaine qu’il fasse que demain les Britanniques votent oui au maintien de la Grande-Bretagne dans l’Europe. En ce moment, nous avons une escalade militaire sans précédent en Syrie, des bombardements sur Alep, la crise des réfugiés… Moi j’attends une Europe politique, qui apporte des réponses à ces questions. Je suis persuadée que ce serait cette Europe là qui ferait que les Britanniques diraient qu’ils ont envie d’y rester. Là, ce qui s’est fait avec David Cameron, c’est de la petite politique pour essayer de régler les problèmes qu’il a lui-même à l’intérieur de son propre parti politique.

On n’aura pas forcément évité le Brexit en choisissant le compromis ?

Vous voyez bien comment cela est pris en Grande-Bretagne : on a déjà des ministres qui vont dire qu’ils soutiennent le Brexit. David Cameron va rentrer en disant « j’ai obtenu une grande victoire ». Cela fait des années que la Grande-Bretagne a un statut spécial, cela fait des années qu’elle a nombre de dérogations ! Les Britanniques ne sont pas dans la zone euro, ils ne sont pas dans Schengen, ils ne sont pas dans la coopération judiciaire et sécuritaire. Ce statut spécial, ils l’avaient déjà. Je pense que rien ne garantit que la réponse soit positive or moi je souhaite que la Grande-Bretagne reste dans l’Union européenne. Mais je pense qu’elle y restera d’autant plus si l’Europe arrive à apporter des réponses aux défis auxquels elle est confrontée aujourd’hui.

Donc Jean-Claude Juncker, François Hollande, Angela Merkel, Matteo Renzi et tous les autres se sont laissés entraîner dans des arrangements politiciens d’un leader étranger en difficulté ?

Oui, je le crains ! Et moi j’aurais préféré qu’ils se réunissent pour exprimer une volonté politique pour répondre aux défis, plutôt que pour répondre à une question de politique politicienne intérieure.

Quand le président de la République s’adressait au pays hier chez nos amis de France Inter, est-ce qu’il « se foutait de nous » ?

Je ne m’exprime pas de cette façon. Ils se sont mis dans une mauvaise passe. Moi, je pense qu’il ne fallait pas accepter ce type de négociations ! Qu’à un moment vous disiez « rouvrons les dossiers, mettons tout à plat, reconsidérons ce que doit être l’Union européenne et sa gouvernance », je le souhaite parce que je pense qu’il faut une Europe plus intégrée. Mais je ne pense pas que la réponse aux questions soit la désintégration.

Je réitère ma question de manière plus polie : on nous a amusés, intéressés, entretenus d’une négociation dont vous me dites qu’au fond elle avait peu d’intérêt.

Je pense qu’il y a beaucoup de faux-semblants dans tout cela.

D’accord. Comment des gens en charge du destin de nos peuples osent-ils nous faire cela ? Je rentre dans votre logique.

S’il y avait une vision européenne portée par les chefs d’État et de gouvernement et en particulier par l’axe franco-allemand, cela se verrait. Ce dont l’Europe souffre, c’est que justement les chefs d’État et de gouvernement n’incarnent pas la vision, l’idéal européen qui est vitalement nécessaire aujourd’hui. Au lieu de cela, ils partent effectivement dans des petites négociations qui ne sont pas très intéressantes.

Quand François Hollande relance l’idée de noyau dur, parle de fédéralisme européen autour de ce noyau dur, lui faites-vous crédit de cela ?

Je pense qu’il faut aller vers une plus grande intégration de ceux qui veulent avancer ensemble, en particulier ceux qui ont une monnaie commune, les pays de la zone euro.

Est-ce que notre président de la République, qui se débat comme il peut dans les difficultés, est un vrai européen ? Est-ce que ce qu’il a dit hier sur les noyaux durs et le fédéralisme vous parle ?

Je ne pense pas qu’il soit anti-européen. Mais est-ce qu’il y a eu des avancées depuis qu’il est président de la République vers le projet européen ? Est-ce qu’il y a eu une vision vers davantage d’intégration ? Est-ce qu’il y a eu des actes extrêmement concrets pour avancer ? La réponse est malheureusement non. C’est cela dont nous souffrons en partie aujourd’hui. Quand la France et l’Allemagne ensemble ne font pas moteurs, à ce moment là, l’Europe est parfois en panne.

De ce point de vue, est-ce que nous avons tort, nous Français, de porter un jugement sur la politique migratoire de Mme Merkel ? Quand François Hollande dit « certains pensent que l’Allemagne en a fait trop » en parlant de Manuel Valls, est-ce que nous sommes en train de nous tirer une balle dans le pied en tant qu’Européens ?

Quand Manuel Valls va en Allemagne, chez Mme Merkel, pour porter un jugement négatif sur ce que fait Mme Merkel, honnêtement, je vous le dis, ce n’est pas le Manuel Valls que je préfère... Je trouve que ce n’était pas approprié. Mme Merkel a ouvert la porte aux réfugiés. L’Europe aurait dû le faire de façon plus coordonnée, mieux organisée et en anticipant davantage. Peut-être que cela n’a pas été fait de ce point de vue en Allemagne, mais au moins elle a eu une politique, elle a dit quelque chose ! La vérité, c’est que l’on voit bien qu’il y a une crise sans précédent dans les environs immédiats de l’Union européenne et que nous devons bien sûr accueillir une partie des réfugiés syriens qui quittent leur pays. Nous l’Europe, mais d’ailleurs d’autres pays dans le monde devraient aussi participer à cela. Mais ceci se pense, s’anticipe, s’organise et cela n’a pas été le cas.

Pour l’instant, nous demandons à la Grèce qui fait partie de l’Europe et à la Turquie qui n’en fait pas partie de servir de sas, de garde-fous. Est-ce une manière digne de traiter les Turcs et les Grecs ?

Non, ce n’est vraiment pas une manière digne. Au fond, on demande aux Turcs de gérer les frontières européennes, mais c’est aux Européens de gérer leurs frontières ! Et oui, il faut mettre en place un corps de garde-côtes, de garde-frontières. Oui, il faut être en capacité de contrôler nos frontières. J’étais à Lesbos il y a quelques jours. Les Grecs font ce qu’ils peuvent ! Il y a eu un million de réfugiés qui sont passés par les îles grecques l’année dernière. Ils ne peuvent pas faire face tout seuls. L’Europe doit se déterminer, doit agir, doit mettre en place les mesures qu’il faut en termes humain, matériel et financier pour y faire face. Il y a une chose qu’il faut faire, qui est vital : essayer d’asseoir toutes les puissances régionales autour de la table pour trouver un compromis et une issue politiques à ce qu’il se passe en Syrie. Pour l’instant on est dans une escalade militaire sans précédent avec des menaces de la Turquie d’intervenir même au sol, avec des bombardements des Russes sur Alep et sur les hôpitaux et avec une crise humanitaire sans précédent. C’est de cela que j’aurais aimé que les chefs d’État et de gouvernement parlent pendant ces deux derniers jours.

Quand on voit cela, est-on heureux que la Turquie ne soit pas dans l'Europe ? Ou au contraire regrette-t-on qu'elle n'y soit pas ?

L’Europe doit se refaire autour d’un noyau dur. La Turquie peut être plus loin dans des cercles liés au commerce ou à des questions de paix mais pas au sein de l’Union européenne.

Merci Marielle de Sarnez d’être venue et d’avoir parlé uniquement de l’Europe.

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