"En laissant croire à la reprise de l’économie, François Hollande démobilise les Français"

Robert Rochefort a jugé le discours de François Hollande "démobilisateur". Les Français doivent encore mener des "réformes de fond" pour entrevoir une "réelle" reprise de l'économie, a-t-il rappelé lundi sur BFM Business.
BFM Business - Quel est votre regard sur l’intervention hier du Président de la République ? Sur la forme, le cadre était bucolique, sympa, les jardins de l’Élysée, le format était très court, efficace, moins de 40 minutes. Sur le fond, nous avons envie de vous entendre, est-ce que vous êtes convaincu ?
Robert Rochefort - Je crois que le Président de la République a fait une prise de risque, une double prise de risque. D’abord, quand il affirme que d’une certaine façon la croissance est de retour, c’est évidemment une prise de risque considérable parce que je vous dis, et je ne suis pas le seul dans ce cas de figure, que je ne vois pas pour l’instant la réalité de cette affirmation. Même si de temps en temps, peut-être, quelques petites informations sont moins noires que ce que nous connaissions il y a quelques semaines.
Mécaniquement, on nous promet quand même une croissance légèrement positive pour le deuxième semestre. Les indicateurs avancés, les fameux directeurs d’achat, les PMI, rebondissent. On part de très bas, mais il y a quelque chose.
Quand on est à zéro, être à zéro + ou à zéro - ne change pas considérablement les choses. L’autre prise de risque, qui pour moi est peut-être la plus importante, c’est que, d’une certaine façon, en laissant croire que les choses repartaient de l’avant, je trouve que le Président de la République a pris le risque de ne pas mobiliser. Il a raison de dire que la France a beaucoup d’atouts et est une grande puissance. Mais, pour que la France puisse repartir, il faut qu’aujourd’hui elle soit extrêmement mobilisée par rapport aux réformes de fond qu’il faut faire. Et je trouve qu’il y a un peu un risque de démobilisation à un moment où, c’est clair, partant en vacances, les Français ont plutôt envie d’entendre des bonnes nouvelles. Ceci est un peu risqué et j’espère que François Hollande a raison. Pour être honnête, je n’en suis pas pour l’instant convaincu.
Il y a des messages qui peuvent apparaître contradictoires. Sur le fait que la reprise économique serait là par exemple, saluant même la hausse des cours de bourse quand on lui faisait commenter l’accélération de la richesse des 500 Français les plus riches de France. Il a dit : "c’est mécanique, ce sont les cours de bourse qui s’apprécient, et quand la bourse monte, c’est qu’a priori on anticipe des jours meilleurs". Et dans la phrase quasiment qui a suit, il n’a plus exclu une nouvelle hausse des impôts en 2014.
Nous y sommes. C’est bien ce que j’appelais, tout à l’heure, ce risque de démobilisation. Il est clair qu’aujourd’hui il faut continuer l’effort d’équilibre des finances publiques, régler la question de la dette et rester dans le cadre, encore une fois, non pas de ce que nous impose Bruxelles, mais de ce que le bon sens nous impose. Mais vous voyez bien que, en laissant croire que la machine repart, le Président de la République dit "allez, si on augmente un peu les impôts, finalement ça ira". Alors que nous savons tous que l’effort indispensable aujourd’hui doit être du côté des recettes, d’une rationalisation, et en même temps du côté d’une réforme fondamentale de l’État. Vous l’avez bien vu d’ailleurs, au cours des semaines passées, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, sous l’impulsion de François Hollande, à cet égard a soufflé le chaud et le froid. Un jour on nous annonce que la diète budgétaire va être extrêmement forte, et le lendemain on nous annonce que des emplois publics nouveaux sont créés, ici ou là. Cette caractéristique de François Hollande d’avoir, non pas ‘pas de cap’, parce que malgré tout il y a un cap dans ce qu’il dit depuis des mois, mais une façon de présenter les choses et de communiquer qui relativise d’un seul coup ce qu’il faut faire, je crois que c’est relativement démobilisateur. Je crois que ce n’est pas ce dont le pays a besoin. Alors, rendez-vous en septembre, nous verrons si les chiffres de la conjoncture se sont vraiment améliorés. Vous m’avez, à deux reprises, incité à en dire un petit peu plus, donc je vais en dire un petit peu plus. D’un côté nous avons des questions de rebond technique, un peu plus de stock dans les entreprises. De l’autre côté nous avons un bénéfice d’une croissance qui est un peu repartie dans certains pays extérieurs et qui a joué sur la commande pour les produits français par contagion. Mais, si vous regardez ne serait-ce que l’actualité d’aujourd’hui, d’un côté on nous dit que la Chine fait de très bonnes performances, mais de l’autre on nous dit qu’un certain nombre de pays émergents, l’Inde par exemple, sont au contraire aujourd’hui un peu en train de freiner.
Même pour la Chine c’est juste. 7,5 ça nous paraît énorme, mais la Chine avait des croissances à deux chiffres.
Bien sûr, c’est pour cela qu’il faut être beaucoup plus prudent, et c’est pour cela que sur le fond, d’un point de vue économique, je crois qu’il faut considérer que c’est par notre propre énergie, par nos propres réformes, qu’il faut rester mobilisés. Si vous me permettez, je dirais quelque chose qui pour moi est très important, c’est par la microéconomie que nous relancerons la confiance et pas par la macroéconomie. La macroéconomie aujourd’hui n’est pas crédible. Quand on dit que parce qu’on va faire 0,2% de croissance au second semestre les choses repartent, qui y croit réellement ? La microéconomie c’est quoi ? Ce sont des réformes pour les chefs d’entreprise, la confiance pour les consommateurs, des choses de cette nature. C’est par la microéconomie, par la base, que les choses se font. À cet égard, je trouve qu’aujourd’hui nous manquons de signaux, d’informations claires, de capacité de mobilisation.
Est-ce qu’on utilise tous les leviers ? Mea culpa Robert Rochefort mais j’ignore la position du MoDem, vous allez nous la rappeler dans un instant, concernant les gaz de schiste. Il y a plusieurs caps, nous le savons depuis des mois, au sein du gouvernement. Encore la semaine dernière, Arnaud Montebourg en remettait une couche. Il a été retoqué par tout le monde jusqu’au Président de la République hier midi qui a dit que sa position n’avait pas changé, qu’il ne voulait pas de la fracturation hydraulique et que, tant qu’il serait Président, il n’y aurait pas d’exploitation du gaz de schiste en France. C’est intéressant, vous êtes MoDem et député européen, les deux casquettes m’intéressent. Là-bas, nous dit-on, il y a un lobbying énorme pro gaz de schiste, à Bruxelles notamment.
Bien sûr. Regardez comment la Pologne a foncé là-dedans, tout en découvrant aujourd’hui qu’il est finalement possible que ce ne soit pas aussi intéressant que cela…
Il y en aurait moins que prévu. Mais d’autres pays sont là-dessus, l’Espagne notamment.
Je vais vous dire quelle est la position qu’il faut avoir à cet égard. Il faut avoir une position prudente mais qui ne soit pas fermée. Il faut dire qu’il est important que la recherche ait lieu, que l’on voit comment demain, peut-être, un certain nombre d’autres techniques alternatives pourront faire en sorte que nous ne passions pas à côté de cela. La France a, depuis quarante ans, une prime, un avantage sur les questions énergétiques. Il est un peu triste qu’aujourd’hui cet avantage ne soit pas enrichi pour l’avenir. D’un côté, on sent bien l’hésitation sur le nucléaire, de l’autre on sent bien le retard considérable sur les énergies alternatives, et voilà que par rapport au gaz de schiste on a l’impression que l’on en fait une question dogmatique, théologique, alors que ce n’est pas du tout de ça dont il s’agit.
Champions de l’énergie et champions aussi du traitement de l’eau. Donc nous pourrions avoir une filière au top.
Pour le coup, c’est un des secteurs pour lesquels, à l’export à l’international, nous sommes évidemment très bien avec au moins un géant qui surperforme, c’est absolument évident. Mais vous avez raison de me titiller sur un point, c’est probablement l’un des échecs de l’année qui vient de se terminer. Alors qu’au niveau européen il faudrait que nous réunissions nos forces et que nous soyons capables de tracer des pistes d’investissement d’avenir dans lesquelles, sur ces questions énergétiques, nous tirions tous dans le même sens, là nous tirons tous dans des sens complètement différents. Je vais faire le parallèle, à nouveau, entre l’Europe, les marchés, puisqu’il y a eu aussi la perte du dernier triple A pour la France, et l’intervention de François Hollande. Au cours de l’année passée, d’une certaine façon l’incendie a été éteint sur les dettes souveraines – ce qui ne veut pas dire que ça ne peut pas rebondir du jour au lendemain, regardez la semaine dernière ce qu’il s’est passé avec le Portugal – en tout cas nous avons eu le sentiment qu’il y avait un petit peu moins le feu sur les dettes souveraines. Cela nous a, non pas démobilisés, mais ne nous a pas assez mobilisés pour en même temps faire les réformes de fond, être unis et penser à l’avenir. En Europe nous n’avons pas assez avancé l’année dernière sur ces questions-là, je ne voudrais pas qu’en France nous fassions la même chose.