"Emmanuel Macron dit des choses et recule toujours"
Marielle de Sarnez, vice-présidente du MoDem, était l’invitée de Stéphane Grand sur le plateau de l’Opinion. Elle s’est notamment exprimée sur la politique du gouvernement et le rôle d’Emmanuel Macron.
Bonjour Marielle de Sarnez.
Bonjour.
Vous êtes eurodéputée, on va bien sûr parler de la réélection de…
Député européenne.
Député européenne. On va parler de la réélection d’Alexis Tsipras, est-ce une bonne nouvelle ou pas ?
Je pense qu’il faut de la stabilité pour la Grèce. Ensuite il y a des enjeux très très lourds pour A. Tsipras, il va falloir qu’il fasse voter tout un train de réformes extrêmement important.
Sous la contrainte de Bruxelles ? De la Troïka ?
Moins sous la contrainte, à la vérité cela fait 30 ans que les gouvernements grecs de droite et de gauche se succèdent et ne règlent aucun des problèmes : ils ont désindustrialisé le pays, il n’y a plus de levier de croissance. Donc mon obsession c’est, un : que l’on ait de la stabilité politique. Je pense que cela serait bien qu’il fasse une grande coalition avec Nea Dimokratia mais je suppose que ce n’est pas ce qu’il va faire. J’espère que sa majorité va tenir parce que sans cela on va avoir droit encore à des élections en janvier et les Grecs en ont un peu ras le bol d’aller voter tout le temps. Deuxièmement : il va falloir que l’on renégocie la dette et que l’on donne, que l’on trouve avec les Grecs, avec la Grèce, avec A. Tsipras, au fond, les futurs leviers de croissance pour la Grèce de demain, parce que, ce qui compte, ce n’est pas tant prêter de l’argent pour qu’ils remboursent la dette, c’est de voir comment ce pays puisse à nouveau se développer.
Quand vous dites « renégociation », renégociation cela veut dire quoi ? On annule combien par exemple ? Pour vous, le bon chiffre, c’est quoi ?
Je n’ai pas de chiffres à donner. Vous voyez bien que sur le long terme, ce qu’il faut, c’est permettre à la Grèce de faire les réformes dont elle a besoin, de créer un État, d’avoir une fiscalité qui soit moderne, de trouver aussi des leviers de croissance. Sur quoi elle peut se développer ? Quelle industrie d’avenir ? Tout ce qui est éolien, solaire, maritime, bref c’est tout cela qu’il faut trouver – reconstruire une agriculture, aujourd’hui la Grèce achète tout à l’extérieur.
Elle ne produit plus rien.
Il faut qu’elle se remette à produire ce qu’elle faisait il y a 30 ans. Et au fond c’est cela qui compte pour moi pour la Grèce demain.
L’eurodéputée que vous êtes, depuis de nombreuses années, est-ce que vous avez eu peur d’un Grexit ? Il fallait que la Grèce reste ?
Non, je n’y ai jamais cru, j’ai toujours pensé – je connais un peu la Grèce et les Grecs – quand ils ont dit « non » au référendum, ils disaient « non » mais ils ont envie de rester dans l’Europe. Ils ont envie de rester dans l’euro. Simplement, maintenant, il y a des efforts à faire mais qui n’ont pas été faits depuis 30 années, cela vous explique aussi le succès de Tsipras – notamment aux premières élections où il a été élu – c’est le rejet de tous ceux qui ont gouverné mal le pays avec du népotisme, avec de la corruption. C’est aussi cette page-là qu’il faut tourner. Alors on va voir, dans les mois qui viennent si A. Tsipras est un réformateur du pays – le réformateur dont le pays avait besoin – ou pas. Il y a eu évidemment un certain nombre de choses qu’il a dites et qu’il n’a pas tenues mais ; enfin, nous les Français, ne faisons pas aux Grecs de leçons de ce point de vue là, on a exactement la même chose chez nous, élections après élections.
L’autre dossier européen évidemment, ce sont les migrants.
Oui, bien sûr.
Encore des drames ce week-end. Qu’est-ce que l’on fait, aujourd’hui, sachant qu’il y a du retard – c’est une vague historique depuis la Seconde Guerre mondiale. On n’a pas vu nombre de réfugiés comme cela arriver sur les côtes européennes. Comment cela se passe à Bruxelles en ce moment quand on en parle, ou à Strasbourg ? Quand on est élu européen ?
On demande aux chefs d’Etat et de gouvernement de prendre conscience de ce phénomène. Je leur demande depuis des mois et des mois, il n’y a eu aucune anticipation alors que nous savions tous que, évidemment, il allait y avoir une vague de réfugiés très importante. Les guerres sont à la porte de l’Union européenne, les déstabilisations sont à la porte de l’Union européenne, à quelques heures d’avion de chez nous – que cela soit en Syrie, en Irak.
Ou dans les bateaux d’ailleurs.
Ou que cela soit en Lybie. Nous sommes dans la proximité de ces zones de conflits, il y a un manque d’anticipation, or il fallait prévoir cela. Oui, il faut accueillir les réfugiés et en priorité je pense aux Syriens, cela fait des années qu’ils regardent ce qu’il se passe chez eux et ils ne voient aucune perspective. Donc ils se disent « on va partir », et dans leur famille, certains sont morts. Il y a huit millions de déplacés en Syrie, il y a quatre millions de réfugiés dans les trois pays voisins. Ces réfugiés vivent dans des camps dans des conditions épouvantables, de plus en plus dégradées. Il faut que l’on aide davantage et puis il faut que l’on contrôle à l’extérieur nos frontières. C’est assez simple : accueillez les réfugiés et en même temps contrôlez, identifiez qui rentre dans le territoire de l’Union.
Cela, j’ai envie de vous dire, c’est la bonne morale mais comment on fait ? On voit aujourd’hui des égoïsmes dans le comportement des pays européens.
Très bien, et bien que la France prenne sa part, que les chefs d’Etat prennent chacun leur part. Il y a un manque d’anticipation des chefs d’Etat, un manque de solidarité et en même temps il faut arrêter de se raconter des histoires. Quand on dit « Il faut que FRONTEX fasse le boulot », FRONTEX est un mythe, c’est 90 millions d’euros, c’est absolument insuffisant. Il faut que l’on ait à la frontière grecque 500 personnes qui viennent de toute l’Union européenne pour aider les Grecs à faire le contrôle l’identification, prendre la photo, avoir un entretien avec chacun et chacune de ceux qui rentrent sur le territoire de l’Union européenne, voir s’ils sont plutôt demandeurs, effectivement, de droit d’asile, ou plutôt migrant économique. Ce n’est pas que je ne pense pas qu’il y ait des migrants économiques qui soient nécessaires d’accueillir en Europe mais ce sont deux problèmes distincts, il faut qu’on les traite séparément. On a besoin d’accueillir les réfugiés syriens, on a besoin qu’ils soient aussi accueillis aux États-Unis. J’ai vu que Kerry a annoncé qu’il allait en accueillir 10 000, ce n’est rien.
Et les 30 000 en France ?
Excusez-moi, ils peuvent en accueillir davantage aux Etats-Unis, au Canada, et en Nouvelle-Zélande.
En Australie, ils ont proposé. Crise politique.
Et en Australie. La part de responsabilité des Américains et de leurs alliés dans la déstabilisation de l’Irak, et donc dans la création de Daech, est très importante. Donc il faut que tout le monde regarde cela en face et en même temps il faut que l’Europe, au fond, mette en place une organisation notamment de contrôle à ses frontières, ce qu’elle n’a pas fait.
Les 30 000 en France, c’est un chiffre…
24 000.
Oui, 24 000, plus 6000 du premier plan qui n’est pas résolu.
C’est rien. Sur deux années, ce sont des gens jeunes qui ont envie, au fond, d’apporter quelque chose dans ce pays dans lequel ils viendront. Ils vont faire des citoyens formidables, et dès que la crise – la guerre – sera finie, ils rentreront chez eux pour la plupart d’entre eux. Alors, simplement, il faut que l’État français gère correctement leur accueil. Il ne faut pas un accueil qui soit administratif – on va dire – il ne faudrait pas que les préfets gèrent cela trop de façon administrative. Si on les entasse dans des centres administratifs, concentrés tout autour de Paris, ce n’est pas la solution et je crains qu’ils réfléchissent de cette façon-là. On a tout un territoire, il faut une répartition qui soit harmonieuse, il y a des communes qui veulent les accueillir, il y a des communes qui veulent mettre à disposition des maisons qui existent. Il faut avoir une gestion plus fine, plus souple et plus intelligente, leur apprendre le français très vite, en quelques semaines d'immersion, et réfléchir pour ces réfugiés à comment on leur donne aussi une activité, comment ils peuvent avoir retrouvé un lien avec leur activité professionnelle.
Alors justement, vous allez vous lancer, rejoindre on va dire, la liste de Valérie Pécresse en vue des régionales qui ont lieu fin décembre. Est-ce que cela peut faire partie…
Je ne rejoins pas la liste de Valérie Pécresse, ce n’est pas comme cela que l’on fait les choses. Nous, le Mouvement Démocrate, nous avons décidé que la meilleure stratégie possible était de créer les conditions d’un rassemblement large qui s’adresse – d’ailleurs – au-delà des électeurs de nos propres partis, au-delà évidemment des électeurs des Républicains, même des électeurs du Mouvement Démocrate et du Centre. Il faut parler à l’ensemble des Franciliens, je crois profondément que cette région n’a pas seulement besoin d’alternance, c’est-à-dire remplacer une équipe d’une couleur politique par une autre équipe d’une autre couleur politique, elle a besoin d’un vrai changement.
Et le drame des réfugiés, est-ce que cela peut faire partie non pas du programme – parce que ce ne sont pas forcément des compétences – mais est-ce que l’on peut faire des propositions ?
La région est compétente en matière économique, en matière de formation, en matière d’apprentissage, elle est compétente en matière d’éducation et de lycée, elle a des compétences – quelques-unes – en matière de logement : toutes sont des questions que l’on regarde évidemment ensemble.
Emmanuel Macron vous choque ? Pour finir, quand il dit sur les fonctionnaires que leur statut doit peut-être bouger, en tout cas, n’est plus justifiable... Le terme vous choque ou est-ce que l’on doit le faire évoluer ?
Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi il dit un certain nombre de choses et après, en général, il recule toujours. « Non, je n’ai pas vraiment dit », soit c’est de la maladresse, soit, je ne sais pas, c’est une sorte de jeu de rôles pour faire plaisir à Bruxelles pendant que F. Hollande se met à gauche de la gauche. Je n’en sais rien. Ce que je sais, c’est qu’il y a une vraie question derrière cela mais si l’on veut regarder ces questions, on ne l’aborde pas de cette façon. Si on veut faire passer les fonctionnaires pour des privilégiés, ceci ne peut pas fonctionner. Vous savez, il y a beaucoup de fonctionnaires qui sont à 1200-1300 euros par mois de salaire, qui ont des faibles salaires, qui ont des taches extrêmement lourdes ; en parler de cette façon-là, n’est pas la bonne chose. Alors, après, que l’on regarde les missions de l’Etat, que l'on reconfigure les missions de l’Etat – je suis partisante d’une réforme de l’Etat depuis longtemps –, oui, je suis d'accord. On ne peut pas avoir la dépense publique que l’on a sans réforme structurelle de l’État. Il va falloir par exemple réformer la question du régime des retraites, car il n’y a aucune raison qu’il y ait plusieurs régimes de retraites en France, il faut aller vers un système unifié et une retraite par points. Mais la meilleure façon de l’aborder, je pense que ce n’est pas la manière avec laquelle E. Macron s’y est pris.
Pour finir, un nouveau candidat, Hervé Mariton, dans la primaire de la droite et du centre en vue de la présidentielle.
La primaire organisée des Républicains.
Oui, mais ouverte au Centre si j’ai compris. Est-ce qu’un ou deux candidats, à un moment donné, du MoDem peut entrer dans la danse ?
Non, ce n’est pas du tout mon idée. D’abord, je suis très réservée sur les primaires. Je vais vous dire ce que je crois profondément, je crois que ce n’est pas du tout l’esprit des institutions de la Ve République, je pense que l’esprit, à un moment donné, un homme ou une femme, un peuple, une rencontre, une confiance, et ce n’est pas les affaires de partis. Pour moi, ce n’est pas le bon chemin, alors, après, vous savez que je trouve que le candidat qui sera le plus compatible avec nous, c’est Alain Juppé.
À la fin, il n’y en aura peut-être que quatre ou cinq.
On verra, je crois que N. Sarkozy a intérêt à ce qu’il y en ait beaucoup, je crois qu’il y en aura beaucoup parce que cela est un petit jeu politique et politicien qui est derrière tout cela. Au fond, les gens qui se présentent ne se disent pas « Est-ce que j’ai rendez-vous avec ce peuple, est-ce que j’ai les qualités pour un Président de la République », ils se disent « Comment je me positionne pour faire 1%, 1,5%, 3% et peser ensuite ». Je pense que c’est exactement le contraire des institutions de la Ve République.
Merci beaucoup pour ces éclairages.