Droit du sol : "Ce n'est pas en courant après les thèses du FN que nous le ferons baisser"

Jeudi sur Radio Classique et LCI, Marielle de Sarnez a déploré que l'UMP "ouvre la porte à toutes les démagogies" en proposant de réformer le droit du sol. À ses yeux, c'est "en étant nous-mêmes, avec nos valeurs" que nous ferons reculer le FN.
Guillaume Durand - Première question d'une simplicité extrême : est-ce que cet accord avec l'UDI est fait et prêt ?
Marielle de Sarnez - Oui. Il est fait et il est prêt. François Bayrou et Jean-Louis Borloo y ont travaillé et bien travaillé. Cet accord est nécessaire et même vital, car le pays a besoin d'une offre nouvelle. Quand nous regardons le monde politique autour de nous, Parti socialiste d'un côté et UMP de l'autre, quand nous voyons les divisions idéologiques chez l'un comme chez l'autre, nous constatons bien qu'il faut une alternative possible au Centre. C'est ça l'enjeu de ce rassemblement.
Sur le plan idéologique, est-ce qu'il y a eu besoin de négociations ou est-ce que, finalement, vous avez découvert que vous étiez entièrement d'accord ?
Vous savez bien que nos idées sont les mêmes et que nous sommes en cohérence. Il peut y avoir de petites différences, mais ça c'est bien. Au fond, sur l'essentiel, nous sommes évidemment d'accord. Nous avons été séparés dans la vie politique ces dix dernières années, parce que le pays est coupé en deux. La bipolarisation, c'est cela qui nous a séparé, avec des choix politiques qui ont pu être différents. J'ai envie de prendre cela comme une richesse : nous additionnons ces chemins différents, celui de François Bayrou et celui de Jean-Louis Borloo.
C'est une renaissance ? Vous reconstituez une sorte d'UDF ?
Non, ce n'est pas une renaissance. Nous bâtissons quelque chose de nouveau. Il ne s'agit pas de refaire quelque chose d'hier, ça n'aurait aucun sens. Il s'agit de proposer une offre nouvelle aux Français, donc c'est une naissance.
Est-ce que cela passe par des candidatures communes aux municipales ?
Cela passe par des candidatures communes dans la plupart des cas et des grandes villes. En même temps, vous savez que les élections municipales c'est 36.000 communes : il y a autant de communes que de situations. En tous les cas, nous allons avoir une stratégie qui sera décidée en commun, en prenant en compte la territorialité. Ce sont des élections locales. J'entendais Guillaume Tabard qui parlait de sanction, je comprends que les Français aient envie de sanctionner. Mais, quand nous votons pour les municipales, nous votons d'abord pour son Maire, pour une équipe, pour notre vie à nous dans une commune. Nous sommes profondément girondins.
Après les questions élégantes, les questions un peu "vaches". Beaucoup de gens vont dauber sur François Bayrou : il a appelé clairement à voter pour François Hollande et maintenant voilà qu'il retrouve le territoire du Centre-droit...
Non, je suis en désaccord avec la manière dont vous exprimez votre question. Il ne retrouve pas le Centre-droit. Ce que nous essayons de faire, c'est que le Centre se retrouve et se rassemble : Centre indépendant avec le Mouvement Démocrate, et Centre-droit avec l'UDI. L'un comme l'autre ont fait leur chemin. Jean-Louis Borloo a créé l'UDI et c'était une initiative heureuse, avec le départ de l'UMP d'un certain nombre de parlementaires et donc une forme d'indépendance.
Je ne nie pas cette indépendance, mais il y a quand même un passé. François Bayrou a été un ministre de Droite, il a appelé à voter Hollande, il se rapproche de Borloo... Et vous, vous allez aller avec NKM à Paris !
Bien sûr qu'il y a un passé, oui. Mais vous allez plus vite que la musique sur Paris. Ce qui compte pour moi c'est que cette campagne soit utile aux Parisiens et que l'on puisse développer un certain nombre d'idées, de projets et de propositions. C'est ce à quoi je m'emploie pour le moment.
D'accord, mais pardonnez-moi d'insister. N'avez-vous pas la crainte qu'il y ait une sorte de pancarte de girouette autour de la tête de François Bayrou, même s'il y a le retour d'une alliance historique et un certain nombre de nouveautés ?
Non. Je pense que l'urgence, la situation du pays, le désarroi des Français et même quelques fois la colère, font que nous avons une obligation de rassembler.
Donc il s'est trompé il y a un an et demi ?
Non. Il a fait comme des millions de Français qui n'ont pas réélu Nicolas Sarkozy. Le principal responsable du résultat de cette élection, c'est Nicolas Sarkozy, c'est la politique qu'il a menée ou proposée aux Français. Des millions de Français n'ont pas voulu voter pour Nicolas Sarkozy, ils n'étaient pas pour autant socialistes ou de Gauche. Ils étaient quelques fois du Centre ou sans étiquette. Nous considérions que le candidat sortant clivait trop le pays, agitait trop les divisions du pays. C'est cela qui était en compte. Le seul responsable à cette époque là, c'était Nicolas Sarkozy. Mais nous n'allons pas passer cent ans sur le passé. Ce qui est intéressant, c'est de construire. Quand je vous dis que le MoDem et l'UDI sont unis sur l'essentiel mais qu'ils ont été séparés par la bipolarisation, c'est que les institutions de la Ve République font qu'il y a deux camps. Tant qu'on ne change pas ces institutions, on est obligé d'aller avec un camp ou l'autre.
Comment s’appellera ce rassemblement ? Le Grand Centre ?
Non. Nous faisons un rassemblement au Centre, alors le Grand Centre a été une proposition. Mais le mot définitif n'est pas encore trouvé.
Avec un candidat unique à la présidentielle ?
Avec un candidat ou une candidate à la présidentielle, choisi par une procédure démocratique.
Et aux européennes ?
Et aux européennes une liste commune. Bien évidemment, François Bayrou et Jean-Louis Borloo auront un rôle fondamental pour pousser, impulser et être présents dans ce débat. Nous aurons les meilleurs candidats possibles pour incarner ce renouvellement européen que nous appelons de nos vœux. Parce qu'il va falloir changer cette Europe pour la refaire aimer de nos concitoyens.
Sur la situation de la Gauche, il y a tellement de sujets qu'on va essayer de les synthétiser dans une formule qui est celle du Figaro. Son titre ce matin est : "le naufrage". Est-ce qu'il y a un naufrage de Hollande ?
Nous avons un pays qui va mal, avec une autorité présidentielle qui ne s'exerce pas ou pas suffisamment. J'attends d'un chef de l'État qu'il rassemble, qu'il ait une vision, qu'on sache où il emmène les Français.
Mais là vous lui fermez une porte. Il aurait pu souhaiter, après les Européennes, se rapprocher du Centre et se débarrasser des Verts...
J'ai une différence avec une partie de l'opposition : je ne souhaite pas l'échec de mon pays. Je souhaite que mon pays se redresse et aille mieux. J'ai donc envie d'être dans une critique constructive, positive. Quand je vois quelque chose de bien, j'ai envie de le signaler. Ce que Manuel Valls fait, avec la réforme du droit d'asile, je trouve que c'est bien et nécessaire, que cela va dans le bon sens. Je n'ai pas envie de parier sur l'échec. Mais vous voyez bien que, depuis des décennies, nous avons eu des échecs consécutifs de chaque alternance et des déceptions consécutives. C'est de cela dont il faut sortir.
J'en reviens à la question concernant NKM. Allez-vous vous rapprocher d'elle à Paris ? Dans quelles conditions ?
Je veux être sur mon propre agenda. Nous allons aussi faire le rassemblement du Centre à Paris. Je crois que le Centre peut changer le visage de cette élection. Nous avons des thématiques à mettre sur la table. J'ai fait la proposition d'un Plan Marshall pour le logement, avec 100.000 nouveaux logements à 10 ans, avec des innovations comme des baux emphytéotiques pour faire baisser les prix ce qui est la première priorité, je crois qu'il faut que l'on réforme les règles d'attribution du logement social... Voilà une question concrète que j'ai envie de mettre sur la table.
Une question qui vous rapproche de NKM...
Si elle se rapproche de ce plan pour le logement, c'est formidable, tout comme si la candidate du Parti socialiste, Anne Hidalgo, y trouve de bonnes idées ! Le Parti socialiste a fait un communiqué pour dire que c'était un bon plan et l'UMP a dit qu'il allait dans le bon sens. Tant mieux ! Je pense qu'il faut du renouvellement à Paris. D'abord dans les idées et c'est ce que j'essaye de porter dans les semaines qui viennent en détaillant mon projet. Après, la question du renouvellement ce n'est pas seulement changer d'équipe, mettre Y à la place de X. Il faut changer la gouvernance de Paris pour en faire une gouvernance moins partisane, plus proche des sujets concrets du quotidien des Parisiens. Ce n'est pas un parti politique qui doit en remplacer un autre.
Avec le rassemblement du Centre, vous allez contribuer largement à déterminer qui sera le vainqueur...
Oui, mais j'espère contribuer aussi largement à faire évoluer la campagne et à être utile dans la campagne. Le moment venu, nous dirons quel est selon nous le rassemblement qui est le mieux placé pour faire ce renouvellement politique dont Paris à besoin.
Il nous reste une minute. Une question sur Jean-François Copé et le droit du sol. Cette réforme vous paraît-elle nécessaire ?
J'ai une conviction : ce n'est pas en courant après les thèses du Front national, en ouvrant la porte à toutes les démagogies, que nous arriverons à le faire baisser. Je crois même l'inverse : il faut être sur nos valeurs et être nous-mêmes. Il y a une urgence, qui est de lutter contre l'immigration illégale. Nous devons faire respecter la loi et l'État de droit, d'où la réforme du droit d'asile. Nous ne pouvons pas demander à des gens de rester quatre ou cinq ans dans l'incertitude. S'ils sont dans l'illégalité, il faut que l'on accélère les procédures. Deuxième urgence : que l'Europe s'empare d'une vraie politique migratoire. Imaginer que nous pourrions rester entre nous pour régler cette question est absolument utopique. Il faudra aussi renouveler un partenariat avec l'Afrique.
Pour finir, en un mot... Il va tout de même rigoler Nicolas Sarkozy, quand il va se présenter en 2017 avec François Bayrou de nouveau à Droite.
François Bayrou est au Centre. Jean-Louis Borloo est au Centre. Ce qui, je vous l'accorde, n'est pas facile dans la Ve République. Mais ce nouveau mouvement du Centre est la seule alternative au Front national.