Droit de la consommation : "Arrêtons la frénésie législative et pensons une refonte globale"

S'il salue les avancées pour la protection du consommateur, Robert Rochefort regrette que le projet de loi Hamon soit avant tout "la transposition de la directive européenne votée il y a deux ans" et non "une refonte" globale.
Les Échos - Comment jugez-vous le projet de loi porté par Benoît Hamon ?
Robert Rochefort - On ne peut pas dire que cette loi révolutionne le droit de la consommation. Elle comporte certes des éléments importants, comme l’action de groupe, mais elle ne refonde pas le droit de la consommation. Il y a une frénésie législative sur ce sujet. Concernant, par exemple, le crédit, on n’a même pas fini d’intégrer la loi Lagarde et d’en tirer le bilan. La consommation est devenue un phénomène tellement important et disparate que chaque nouvelle loi en traite surtout des aspects sectoriels.
La France avait-elle besoin d’une nouvelle loi ?
La France n’est pas à la traîne sur le sujet. Le système de protection du consommateur est de très bon niveau. Nous avons voté au Parlement européen, il y a deux ans, une directive sur la protection du consommateur, portant notamment sur la vente à distance. Le projet de loi Hamon est dans une large mesure la transposition de cette directive.
La mise en place de l’action de groupe est-elle une avancée ?
Certes. La France se situe en fait dans la moyenne européenne. La moitié des pays ont adopté ce dispositif (Grande-Bretagne, Espagne, Portugal, Italie, Suède, Allemagne), les autres ne l’ont pas. En revanche, la France est allée plus vite que l’Union européenne, qui le reporte régulièrement. Or, plus on attend, plus il sera difficile d’harmoniser les dispositifs au niveau européen.
Le champ d’application de l’action de groupe est-il satisfaisant ?
Oui, le projet de loi privilégie le système de « l’opt-in » (qui ne concerne que les personnes qui manifestent leur volonté de mener une action) – à l’opposé de l’« opt-out » (comme c’est le cas au Portugal). Or, c’est l’« opt-in » qui sera sans doute retenu au niveau européen. Il exclut aussi, avec raison, la santé. Enfin, il réduit l’initiative aux associations de consommateurs, ce qui évite le piège de la judiciarisation à l’américaine. Vu les oppositions nombreuses en France, Benoît Hamon a eu raison de créer dans un premier temps un dispositif prudent.
Regrettez-vous que le fichier positif, qui recense les personnes détentrices de crédits, soit pour l’instant retiré du projet de loi ?
Non, car je n’y étais pas favorable. La mesure vaut surtout par son aspect spectaculaire. Mais elle possède des effets pervers. Elle ne se justifie pas en France, où le crédit à la consommation est sous-développé, contrairement à l’Allemagne ou à la Grande-Bretagne. Le fait que la plupart des pays européens l’aient adoptée ne signifie pas qu’elle soit efficace. Les cas de surendettement sont surtout liés à des accidents de la vie.
Que manque-t-il dans cette loi ?
Il manque des engagements plus clairs en matière d’étiquetage des produits et de labels.