Crise des migrants : "une absence d’anticipation incroyable de la part des responsables politiques européens"

À l'occasion de la visite du pape François sur l'île de Lesbos où les migrants échouent, Marielle de Sarnez a critiqué sur Europe 1 "l'absence d'anticipation incroyable de la part de tous les responsables politiques européens".

Bonjour Marielle de Sarnez.

Bonjour.

Vous étiez à Lesbos au mois de janvier. À l’époque, les réfugiés pouvaient encore emprunter la route des Balkans et se rendre éventuellement en France, en Allemagne ou au Royaume-Uni. Aujourd’hui cette route est bloquée, ces réfugiés sont bloqués, avez-vous honte de la politique européenne ?

Je pense qu’il y a eu une absence d’anticipation absolument incroyable de la part des responsables politiques européens dans leur globalité. Cela fait cinq années que nous avons la guerre en Syrie. Moi je suis allée voir des camps de réfugiés à la frontière de la Turquie il y a quatre ans, en Jordanie il y a trois ans, au Liban il y a deux ans… Cette situation ne date pas d’aujourd’hui, ni de l’année dernière ! Il y a eu un manque d’anticipation absolument total des responsables politiques européens et puis il y a eu cette réaction d’Angela Merkel qui à un moment a dit « écoutez, j’accueille et j’accueille tout le monde ». Nous sommes donc passés d’une Europe fermée et à une Europe ultra ouverte mais en fait ça n’a pas été géré, ça n’a pas été organisé. Le résultat, c’est que nous nous sommes trouvés dans des situations extrêmement difficiles, pour le réfugiés évidemment et aussi pour l’Europe.

Le pape François aujourd’hui va passer quelques heures à Lesbos pour réconforter ces migrants, pour aller au contact de cette pauvreté, de cette détresse, comme ne l’ont pas fait un certain nombre de responsables politiques. C’est un acte politique fort mais qui est terrible pour la classe politique.

Oui et rappelons qu’il l’a toujours fait le pape. Il a été à Lampedusa aussi en 2013 donc au fond je trouve qu’il est tout à fait dans sa mission : lancer un cri d’alarme, faire preuve de solidarité mais qui a évidemment des conséquences politiques ! C’est une interpellation pour l’ensemble de la classe politique. Moi, je crois depuis le début qu’il y avait vraiment des solutions. Oui, il faut que l’Union européenne accueille des réfugiés syriens, c’est notre devoir et d’ailleurs pas seulement l’Europe mais aussi les pays du monde entier ! Le Canada l’a fait récemment, très bien - exactement ce que je propose depuis des années - : il est allé dans les pays où sont les réfugiés syriens, en Turquie, en Jordanie, au Liban, il a examiné les demandes d’asile dans ces pays et il a donné l’autorisation à un certain nombre de venir et ceux-là ont pu prendre l’avion pour venir ! 25.000 réfugiés syriens sont donc arrivés au Canada. Chez nous, en Europe, quand vous êtes un jeune réfugié syrien, vous voulez quitter votre pays parce qu’il n’y a aucune perspective, jusque maintenant vous étiez obligé de passer dans la main de passeurs criminels abominables, de payer 3.000€ par adulte, 1.000€ par enfant, 50% de moins quand il y a la tempête parce que le bateau ou la petite barque a encore moins de chance d’arriver et vous partez avec votre famille très souvent avec des gilets de sauvetage qui étaient des faux ! On a vécu une situation terrible !

Et aujourd’hui qu’est-ce que la France fait ? On est prêt à débloquer des fonds pour fixer les réfugiés dans les pays frontaliers, c’est-à-dire que l’on délègue notre droit d’asile.

D’abord, cela fait cinq ans que nous devrions aider ces pays-là qui nous le demandent - le Liban, la Jordanie, la Turquie - et aider aussi la Syrie - c’est-à-dire l’ONU - parce qu’il y a un traitement humanitaire des déplacés en Syrie et là aussi cela manque sacrément de moyens.

La France n’aide pas aujourd’hui ?

Pas suffisamment. On devrait aider à la résolution de la crise politique majeure en Syrie. Je trouve que nous sommes absents. Sont présents États-Unis et Russie mais l’Europe est aux abonnés absents de la résolution du conflit en Syrie. Il va bien falloir trouver une solution politique parce que c’est la seule perspective possible !

J’ai vu une intervention de votre part il y a quelques jours, on vous sent passionnée et au fait de ces questions. Au parlement européen, lorsque vous prenez la parole, lorsque vous dites que l’Europe doit assumer et ne plus déléguer, il n’y a quasiment personne dans l’hémicycle. 

Oui, ce sont des débats parlementaires qui durent depuis des heures et des heures.

Oui, mais c’est important.

Bien sûr, c’est vital ! On a eu des débats au parlement européen cette semaine sur des questions cruciales, sur la question des réfugiés, sur la question du terrorisme puisque l’on a voté le PNR européen. Ce qui compte c’est que les choses avancent. On a passé un accord avec la Turquie. Est-ce que c’était bien de parler avec la Turquie ? La réponse est oui. C’est un pays qui est juste en face et évidemment concerné. Mais en même il ne faut pas déléguer notre droit d’asile à la Turquie et il ne faut pas déléguer non plus le contrôle de nos propres frontières à la Turquie ! C’est aux Européens d’assumer leurs missions ! C’est aux Européens d’assumer leur propre sécurité et leur accueil !

On sait hélas que des terroristes s’infiltrent dans ces cortèges de migrants. C’est une faille qui peut exister si on délègue nos frontières !

Tous les grands espaces démocratiques du monde ont des contrôles à leurs frontières ! Les États-Unis ont des garde-côtes. Moi je demande depuis des années que l’Europe se dote d’un corps de garde-côtes ! Nous sommes obligés d’organiser les choses.

Et Frontex, ce n’est rien ?

Frontex, ce n’est pas rien, c’est quelques bateaux qui aident ici ou là et les États membres ne donnent pas l’argent pour que Frontex fonctionne. Aujourd’hui, c’est 90 millions annuels, c’est largement insuffisant. Rappelons une chose que j’ai envie de dire à votre micro : bien sûr que le pape va témoigner de sa solidarité vis-à-vis des réfugiés et des demandeurs d’asile. Au passage, il faut que l’on harmonise ce que l’on appelle le droit d’asile en Europe puisqu’il est différent dans certains pays, mais il va aussi témoigner sa solidarité vis-à-vis des habitants de Lesbos et c’est important de le rappeler ! Moi, je suis allée là-bas et il n’y a eu aucune violence à Lesbos malgré l’arrivée continue de réfugiés syriens à peu près tous les jours. J’ai parlé longuement avec le maire, la population est absolument formidable. Eux-mêmes sont d’anciens réfugiés, ils ont quitté la Turquie dans les années 1920 et ils ont une capacité d’accueil que j’ai trouvée humainement remarquable !

On parle de cette pression migratoire en Grèce mais aussi et toujours en France. La une du Figaro évoque notamment les villes de Dieppe, Cherbourg, Saint-Malo avec des élus, ce ce littoral qui déplore le silence du gouvernement et qui n’ont de cesse de demander une action coordonnée de l’État - manifestement ça ne vient pas -. Vous leur donnez raison à ces élus ?

Il faut une action coordonnée de l’État et il faut aussi franchement que la Grande-Bretagne ouvre les yeux ! Quand on a des migrants qui sont là et qui ont un lien avec la Grande-Bretagne, qu’ils ont quelqu’un de leur famille, franchement les autorités de Grande-Bretagne devraient être là aux côtés des autorités françaises pour cogérer la situation avec nous. Ils ne peuvent pas comme cela se détourner d’une problématique qui les concerne au premier chef

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