Attaques de requins à La Réunion : "Au drame humain s'ajoute une catastrophe économique"
Thierry Robert a appelé à cesser "d'accabler les victimes" d'attaques de requins à La Réunion et demandé à l'État de "prendre des mesures de prélèvement et de régulation", mardi sur i>télé.
i>télé - Thierry Robert, vous êtes Maire de Saint-Leu et député MoDem de La Réunion. Comment expliquer qu’une telle attaque puisse arriver à cinq mètres seulement du rivage ? C’est un scénario qui pouvait paraître totalement improbable.
Thierry Robert - Tout simplement : ce qui devait arriver, arriva. Nous avons aujourd’hui à La Réunion une prolifération de requins, de requins bouledogues entre autres. Certains ont toujours critiqué les surfeurs en disant qu’ils étaient imprudents. Aujourd’hui c’est un baigneur, une jeune fille de quinze ans qui est décédée. Cela était prévisible, qu’on le veuille ou pas.
C’est la deuxième attaque mortelle due à un requin depuis le début d’année à La Réunion. Cette fois-ci comme vous le disiez ce n’est pas un surfeur mais une jeune fille qui a été tuée. On imagine que sur place l’émotion est immense.
L’émotion est immense et la colère l'est aussi, puisque cela fait déjà près de onze attaques de requins en moins de deux ans. Aujourd’hui, il y a de l’incompréhension. Il y a beaucoup de paroles et des réunions de crise à chaque décès mais, réellement, concrètement, nous ne voyons aucune action réelle qui puisse essayer de ralentir ce phénomène, cette prolifération de requins et ces attaques.
Comment expliquer que la plage n’était pas surveillée ?
C’est une plage qui n’est pas surveillée. Elle se situe sur la commune de Saint-Paul, commune voisine de Saint-Leu. Apparemment, à cet endroit, les gens qui habitent juste à côté vont de temps en temps se baigner. Apparemment aussi, il n’y avait pas d’indication qui interdisait l’accès à la plage. Je crois que, aujourd’hui, on est toujours en train de critiquer les personnes décédées, on est toujours en train de trouver des excuses en disant que c’est de leur faute, qu’elles l'ont cherché en quelque sorte. Arrêtons de nous cacher derrière notre petit doigt : il y a un véritable problème à La Réunion avec les requins. Il faut prendre des mesures, l’État est responsable.
Lesquelles ?
Il faut prélever les requins, les réguler…
Autoriser la pêche ?
Oui, autoriser la pêche, mais qu’on ne pourra pas commercialiser. On enverra ensuite la viande de requin à l’équarrissage. C’est ce que j’avais moi-même proposé en tant que Maire de la ville de Saint-Leu. Nous avions sorti un arrêté municipal, sauf que cet arrêté a été attaqué par des associations. Nous avons perdu au tribunal administratif, nous avons pris la décision d’aller au Conseil d’État. Nous avons un avocat à Paris, maître Spinosi, qui va nous défendre sur ce sujet. Nous allons même peut-être aller un peu plus loin. Cet après-midi, je dois le rencontrer et nous allons envisager d'aller sur le terrain judiciaire, juridique, parce qu’aujourd’hui, quand nous discutons et que nous proposons, nous ne sommes pas entendus. L’Etat doit maintenant assumer ses responsabilités. Le tribunal administratif a dit récemment, il y a trois semaines à peu près, que je n’étais pas responsable pour agir mais que l’État était responsable. Il faut bien qu’à un moment donné nous puissions ne pas rester les bras croisés mais prendre de vraies décisions puisque l’économie, le tourisme, pâtissent de cette situation là.
Justement, quelle conséquence directe sur le tourisme ?
Un exemple simple : à Saint-Leu, nous avions un magasin qui s’occupait de réparer les planches de surf, son chiffre d’affaires a baissé de 70%. Les restaurants, les hôtels, c’est la même chose. C’est une catastrophe sans précédent pour La Réunion. Déjà que la situation économique est extrêmement tendue, avec des sociétés qui ont une dette fiscale et sociale qui avoisine le milliard d’euros, rajouter cela c’est se mettre la corde au cou. Il faut que le gouvernement, l’État, puisse prendre vraiment la mesure des difficultés et nous aide à sortir de cette impasse.
Les élus de La Réunion partagent votre position ?
Certains la partagent, d’autres pas. Je pense que c’est un sujet qui devrait plutôt nous rassembler et non pas nous diviser. Je sais qu’il y a des échéances prochainement mais l’intérêt aujourd’hui c’est de faire en sorte qu’il n’y ait plus de morts.
Vous avez quand même qualifié La Réunion de "garde-manger pour les requins".
La réserve marine. Entre Saint-Paul et Saint-Leu, il y a ce qu’on appelle "la réserve marine" qui a été mise en place il y a quelques années. Cette réserve attire aujourd’hui les requins. C’est un véritable garde-manger, effectivement, je le répète. Son périmètre doit être revu et corrigé. Le ministre de l’Outre-mer, Victorin Lurel, s’est engagé il y a un peu plus d’un an avec moi dans son ministère, non seulement à participer au financement de l’achat de viande de requins mais en plus à revoir le périmètre de la réserve marine. Aujourd’hui, on est resté aux paroles, on n’est pas passé aux actes.