Affaire Tapie : "Que l'Etat soit partie civile démontre que l'arbitrage était illégal"

François_Bayrou-FB

François Bayrou a dénoncé une procédure d'arbitrage "illégale", lundi sur France Inter. "L'État n'avait pas le droit de demander à des arbitres privés de traiter de l'argent des contribuables", a-t-il expliqué.

Patrick Cohen – Avez-vous lu le livre plaidoyer de Bernard Tapie, Un scandale d'État, oui ! Mais pas celui qu'ils vous racontent ?

François Bayrou – Non.

C'est le même éditeur que vous.

Il ne m'a pas été envoyé.

Il y dénonce une bande organisée qui veut sa perte. C'est vous le chef de bande, François Bayrou ?

C'est très drôle. Enfin, ce serait drôle si ce n'était pas un peu triste. Nous en arrivons au point où, au terme d'années de manipulation, Bernard Tapie croit que ceux qui veulent défendre les principes et la loi ont des méthodes de voyou. Or, ce n'est pas vrai. Ceux qui ont voulu défendre les principes et la loi, d'abord sont très peu nombreux...

C'est la bande dont il parle. Jean Peyrelevade, l'ancien président du Crédit Lyonnais, Charles de Courson, le député centriste...

Voilà.

Et vous.

Et quelques universitaires et journalistes. Ce sont simplement des gens qui ont cru, un peu envers et contre tout, que la démocratie pouvait répondre à ce genre de dérives. Un peu envers et contre tout parce que, au cours de ces années, très souvent, j'ai pensé, et ceux qui m'entouraient ont pensé, que l'on n'y arriverait pas. Que c'était tellement enfoui sous les apparences, sous les puissances du pouvoir, qu'il y avait tellement de verrous fermés au-dessus de cette histoire, que rien n’apparaîtrait jamais. Ce n'était pas une raison pour arrêter. Il fallait montrer à quel point c'était illégal. Car c'était illégal parce que, je le rappelle, l’État n'a pas le droit de demander à des arbitres privés de traiter de l'argent du contribuable.

Ça, ça n'a pas été validé par la justice administrative.

Vous allez m'écouter...

Mais c'est la vérité.

Non, vous allez m'écouter. Je vais vous apporter la preuve, c'est très simple. La justice administrative a dit "Le CDR, c'est privé". Le CDR, c'est-à-dire l'héritier du Crédit Lyonnais chargé de liquider tout ce qu'il y avait de pourri dans le bilan du Crédit Lyonnais. On nous a dit que c'était une entreprise privée. Je pose une seule question : qui, aujourd'hui, se porte partie civile ?

Le CDR, l’État.

L’État se porte partie civile, c'était donc bien, selon toute évidence, de l’État qui s'agissait. C'est le contribuable qui a payé jusqu'au dernier centime. L’État n'a pas le droit de faire appel à des arbitres privés, c'est un des principes du droit public en France. Mais, pour revenir à un deuxième aspect de la question. Bernard Tapie dit qu'il est attaqué. Ce n'est pas Bernard Tapie qui est attaqué. Pour ma part j'ai toujours fait la différence à votre micro, cent fois, sur ce sujet.

Oui, vous l'avez écrit dans votre libre Abus de pouvoir, Tapie n'est pas le sujet de cette affaire.

Voilà. Ce sont les responsables qui, à l'intérieur de l’État ont voulu et organisé cette incroyable manipulation sur laquelle aujourd'hui les juges, parce que des juges libres et une presse libre font avancer les choses, sont en train de faire la lumière.

Manipulation ou pas, l'enquête est en cours, ce sera à la justice de l'établir. Il reste encore à démontrer que Bernard Tapie n'a pas été spolié par le Crédit Lyonnais lors de la vente d'Adidas et ne méritait pas d'être indemnisé. Cela, aucune décision de justice ne l'a établi à ce jour.

Je comprends que vous défendiez cette thèse, moi je vous dis des choses simples. C'est Bernard Tapie qui a demandé au Crédit Lyonnais de vendre son entreprise et c'est lui qui a fixé le prix. C'est lui qui a dit au Crédit Lyonnais de le vendre à ce prix-là. Pour une raison évidente, c'est qu'il l'avait vendue à ce prix à une entreprise américaine quelques semaines avant et l'entreprise américaine, une fois les comptes vérifiés, est partie en courant. Car cette entreprise, à ce moment, était en faillite.

Mais je ne fais que constater les choses, il n'y a aucune décision de justice.

Vous plaidez une thèse.

Ce n'est pas une thèse, c'est un fait.

Moi, je vous donne des faits, ce sont des faits simples. Si les tribunaux avaient établi ce que vous dites, il n'y aurait rien eu à dire. Mais vous vous rendez compte que, parce que la justice avait refusé cette thèse que vous défendez. Je vous rappelle que la plus haute juridiction française, la Cour de Cassation, en formation plénière – il faudra aussi un jour se demander pourquoi elle a décidé en formation plénière – a dit qu'il n'y avait pas de base légale à l'indemnisation. La formation plénière, je dis ça pour nos auditeurs, ça emporte une conséquence, c'est que la décision prise s'impose à toutes les cours de justice en France ultérieurement. C'est une décision irrésistible. Elle a dit qu'il n'y avait pas de base légale à l'indemnisation.

Non, elle a dit que le Crédit Lyonnais et le SDBO n'étaient pas une seule et même personne morale.

Vous vous trompez absolument. Elle a dit qu'il n'y avait pas de base légale à la décision prise. Vous le vérifierez.

Je l'ai vérifié hier soir.

Non, vous ne l'avez pas vérifié.

J'ai lu l'arrêt de la Cour de Cassation et croyez-moi c'est assez fastidieux. C'était une cassation partielle. Nous n'allons pas refaire le débat juridique, nous l'avons fait la semaine dernière ici même avec Jean Peyrelevade et Thomas Clay.

Et il a dit la même chose que moi. J'ai écouté votre émission. Mais ce n'est pas le seul sujet.

Nicolas Sarkozy, pour vous, est le principal responsable de ce dossier, vous l'avez écrit dès 2008 et 2009, François Bayrou. Mais vous n'avez pas le mobile. Vous n'avez jamais imaginé que, de bonne foi, Nicolas Sarkozy, Christine Lagarde et leurs services ont pu penser qu'en agissant ainsi, ils défendaient au mieux les intérêts de l’État ?

Tout est possible dans une affaire pour laquelle on ne connaît pas les détails. Ce que je sais, c'est que l’Élysée a été impliqué au point que Bernard Tapie a eu vingt-deux rendez-vous à l’Élysée avant que cette sentence ne soit prise. Vingt-deux rendez-vous, vous connaissez quelqu'un qui a vingt-deux rendez-vous à l’Élysée ? Moi je n'en connais pas et je connais beaucoup de responsables politiques qui n'ont pas eu ce nombre de rendez-vous. Nous verrons, ce qui est en cours maintenant, c'est que la justice est en marche, qu'elle a prononcé des mises en examen pour un chef d'inculpation extrêmement lourd. De ce point de vue, c'est, je l'espère, irréversible. Nous verrons ce que les juges diront, ce que les cours de justice diront. Le rôle des lanceurs d'alerte que nous étions, ceux qui ont dit "attention, il se passe quelque chose qui n'est pas normal", ce rôle est rempli.

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