Monique Sémavoine : "Je ne pourrais pas administrer un autre village que le mien ou être conseillère départementale d’un autre canton. Car nos racines font ce que nous sommes."
Monique Sémavoine, Maire de Mazères-Lezons en Béarn, 1ère Vice-Présidente de la Communauté d’Agglomération de Pau Béarn Pyrénées brigue un second mandat de Conseillère départementale des Pyrénées-Atlantiques, avec au centre de sa vision les liens qui nous unissent à nos racines, notre culture, notre terre. Portrait.
Mazères-Lezons est un petit village de 2 000 âmes aux portes de Pau, encadré au nord par les berges du Gave, les prairies et les champs de maïs, et au sud par les coteaux boisés, derniers plissements des Pyrénées. C’est l’un de ces « villages-rues » béarnais, où les grands-mères autrefois surveillaient - assises sur les marches du perron – les enfants jouant au ballon sur la rue principale. La mairie abritait l’école (une classe unique), à deux pas du presbytère et de l’église, de l’épicerie et du café -principal lieu d’activité et d’animation du bourg. Une image d’Épinal de la France de nos campagnes totalement bouleversée durant les années 70, lorsque l’on rogna les trottoirs pour laisser place à la route, que le village devint un passage étroit où l’on ne marqua plus l’arrêt qu’au cœur des ralentissements automobiles. C’est là que grandit la maire de Mazère-Lezons, une enfant du pays. Elle débute aujourd’hui son troisième mandat et brigue à nouveau celui de Conseillère départementale du canton de Pau-3 au prochain scrutin.
Monique Sémavoine doit son parcours politique à ses racines. Pas tant par reproduction d’un schéma familial culturellement citoyen et engagé -son père, maraîcher, fut maire du village il y a 40 ans de cela– que par l’intime conviction que l’on écrit mieux le chemin de sa vie quand on a des racines fortes et profondes. Et elle vient de là :
"Je ne pourrais pas administrer un autre village que le mien ni être conseillère départementale d’un autre canton. Ce n’est ni par passéisme ni nostalgie, non : je crois profondément que nos racines font ce que nous sommes, mes racines font ma force."
Elle débute sa carrière dans le fleuron aéronautique de la région, Safran, à la direction des ressources humaines, avant de devenir douze années plus tard chef de cabinet du Président du Conseil départemental – son ancien professeur de français – François Bayrou.
Elle décide, quinze ans plus tard, d’entrer en politique pour se mettre au service de sa commune. "C’était en 2007, juste avant les élections municipales de 2008. Je n’aimais pas comment ma commune était devenu un puzzle de lotissements. Alors je me suis dit : Et si je m’occupais moi-même de mon village ?", s’amuse Monique Sémavoine. Son objectif : recréer un centre-bourg pour faire battre le cœur de cette commune devenue au fil des décennies un village-dortoir endormi en périphérie de la capitale béarnaise.
Pour ce faire, elle entreprend d’abord de réconcilier des clans. Elle œuvre sur tous les temps : l’immédiat, le moyen terme, le temps long. Elle s’attaque pendant deux mandats à son grand projet aujourd’hui sur le point d’aboutir : la création d’un centre-bourg pour ressusciter la vie et la convivialité villageoise. "Ce projet au temps long" vise à faire sortir de terre un cœur de village sur 2,5 hectares de terrain. Dans cet espace central conçu comme "un parc habité", une centaine de logements à la parfaite mixité sociale, respectueux de l’architecture locale et de la transition écologique, seront construits autour de la nouvelle place centrale du village. Cette place est conçue pour aimanter toute la vie communale avec : une petite halle pour les producteurs locaux, un café-brasserie multi-services (avec relais-poste, presse, buraliste), un cabinet médical, un Relais d’assistantes maternelles et une crèche. Les deux premiers mandats ont permis parallèlement de réformer le PLU puis le PLUi – avec une attention particulière à la valorisation environnementale. Le troisième mandat en cours est celui de la naissance du projet : "On espère poser la première pierre cet automne."
Pourquoi s’être lancée dans un mandat départemental ?
Le jeu du hasard. En 2015 Josy Poueyto se présente comme conseillère départementale dans le canton de Pau-3 et demande à Monique Sémavoine d’être sa suppléante. Elles sont élues. Devenue députée en 2017, Josy Poueyto laisse son siège à Monique Sémavoine qui quitte le Conseil régional de Nouvelle Aquitaine pour rejoindre le Parlement de Navarre au sein de la majorité départementale. La nouvelle Conseillère départementale exprime à Jean-Jacques Lasserre, actuel Président du Conseil départemental, son intérêt pour les questions d’éducation, de culture et d’identité béarnaise mais en excluant de piloter des projets, étant déjà très occupée par sa commune et par la communauté d’agglomération. Mais elle se voit finalement confier la délégation pour la culture et la langue béarnaise, et se lance dans la construction du nouveau schéma de politique linguistique et culturelle, porté par un budget annuel d’un million d’euros. Là encore, avec ce dossier, c’est toute son enfance qui rejaillit. "Quand j’étais petite fille, seuls les aînés se parlaient en béarnais. C’était pourtant la langue maternelle de nos arrières grands-parents. C’était encore celle que les anciens parlaient au café de mes grands-parents, en jouant à la belote. Ils parlaient béarnais entre eux aussi quand il y avait autour d’eux des oreilles d’enfants, sourit-elle. Alors mes sœurs et moi, nous ouvrions grand nos oreilles en faisant mine de ne rien saisir. Et c’est pourtant dans ce bain linguistique de la vie quotidienne que nous apprenions, sans effort, à comprendre cette belle langue et à apprendre ses subtilités savoureuses et intraduisibles », se souvient-elle, avant de conclure : « redonner leur chance et leur place à nos langues régionales c’est préserver un trésor aussi précieux que les langues anciennes, c’est faire vivre la richesse du patrimoine culturel de la France et la France en a besoin… parce que nos racines font notre force".