François Bayrou, l'invité de BFM Politique ce dimanche 12 décembre

François Bayrou était l'invité de Jean-Baptiste Boursier et d'Hedwige Chevrillon dans l'émission “BFM Politique” ce dimanche 12 décembre 2021. Nouvelle-Calédonie, présidentielle, covid-19 : retrouvez l'intégralité de l'interview en vidéo ainsi que sa retranscription. 

François Bayrou, je voudrais commencer par cette actualité à l'instant. On attend les chiffres définitifs. Ils seront affinés dans les minutes et les heures qui viennent. 96,28 % en Nouvelle-Calédonie pour le non à l'indépendance au cours de ce référendum. Quel est votre commentaire sur ce résultat ?

La première chose qu’il faut dire, c’est que c’était un engagement d'organiser trois référendums à la suite et que les trois ont répondu non ; le troisième avec l'abstention de ceux qui étaient pour l'indépendance.

Mais si vous faites un peu de calcul mental, c’est presque 100 % des voix parmi les 40 % à 45 % qui ont voté. Ce qui veut dire que le rapport de force n'a pas changé. Ceux qui sont contre l'indépendance, pour le lien avec la France, demeurent majoritaires ou légèrement majoritaires en Nouvelle-Calédonie et de ce point de vue, cela permet de régler une question qui était posée depuis longtemps.

Quel était le rapport de force ?

On n'est pas du tout au bout de cette question très importante. Quel type de lien peut-il y avoir entre un pays aussi précieux pour la France et pour qui la France est aussi importante ?

Il y a une forme de consensus, Monsieur Bayrou, sur le fait qu’il faut que la Nouvelle-Calédonie reste française, je parle dans la classe politique. Mais il y a eu des attaques très vives contre Emmanuel Macron, de la part de l’opposition, qui lui a reproché de ne pas vraiment prendre ce sujet à bras-le-corps et de le laisser un peu de côté.

Je crois que tout cela, ce sont des polémiques sans intérêt majeur. Pourquoi le Président de la République n'a pas pris la tête d'un clan ? Parce que sa responsabilité est d'être le Président de tous, y compris de ceux qui voudraient cette évolution du statut.

Deuxièmement parce qu’il ne voulait pas transformer un référendum sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie en un référendum pour ou contre le Président de la République.

Franchement, je trouve cela judicieux et juste, du point de vue du rapport entre la France et la Nouvelle-Calédonie.

Donc il a eu raison ? Pardon j’insiste.

Oui.

Dans quelques instants, nous allons évidemment vous interroger sur cette campagne présidentielle qui s'ouvre. Nous avons beaucoup de choses à vous demander, mais juste avant cela, parce que vous êtes aussi un élu local des Pyrénées-Atlantiques, maire de Pau, avez-vous des nouvelles à nous donner ce matin de l'état dans lequel se trouve le département des Pyrénées-Atlantiques qui a été très durement touché par les intempéries ces dernières 48 à 72 heures ?

Il y a eu des concentrations d'inondations, de précipitations, extraordinaires au sens propre du terme. La vallée d'Ossau, dans les Pyrénées, a reçu 185 millimètres d'eau en 24 heures. Cela a fait évidemment des inondations.

La solidarité de l'ensemble des communautés béarnaises s’est exprimée. On a mis à disposition du matériel. Très importants ont été aussi les problèmes du côté du Pays basque et du côté de Bayonne, par exemple.

On a évité le pire.

Gérald Darmanin était sur place hier soir. L'état de catastrophe naturelle a été déclaré. Il y a toujours une angoisse, Monsieur Bayrou, de la part des sinistrés, d’être sûrs d’être pris en charge, accompagnés, pas abandonnés par les pouvoirs publics.

Ils ne le seront pas.

Vous leur garantissez qu’ils ne le seront pas ?

Ils ne le seront pas. C'est la loi. Ce sont les décisions du Gouvernement.

Ce sont aussi les mécanismes de solidarité qui jouent dans un pays comme la France, et qui sont absolument essentiels pour notre projet national. Donc ils ne le seront pas.

Et on a fait beaucoup de travaux. J'ai eu autrefois la responsabilité d'être Président du Conseil général, on dit aujourd'hui le Conseil départemental, dans les Pyrénées-Atlantiques.

On a fait beaucoup de travaux pour le ralentissement de l'évacuation de l'eau, pour le fait qu’on puisse mettre en place des protections contre des inondations. La Nivelle et la Nive au Pays basque ont été mieux protégées et l'inondation là-bas n'a pas eu lieu aussi gravement qu'on pouvait le craindre.

Allez la politique maintenant ! Nous sommes, ce dimanche, à 119 jours du premier tour de l’élection présidentielle. Autant dire que ce n’est quasiment rien et que le temps va passer extrêmement vite.

Il s’est passé quelque chose, François Bayrou, on l’a bien vu. Valérie Pécresse est donc la candidate, celle qui a remporté la primaire des Républicains. La Présidente de la région Île-de-France a dit qu’elle voulait avec cette candidature « éviter l'immobilisme et l'extrémisme ».

Est-ce que vous dites c’est une bonne nouvelle et que la droite est de retour ?

Je n'ai jamais cru que la solution du pays, c’était droite contre gauche. Je n’ai jamais changé d'avis sur ce point. On voit l'état de désarroi de la gauche. Ce que vous appelez droite, c'est un tiers des voix d'opposition sur la droite du Président de la République avec des affrontements extrêmement lourds entre ces trois tendances.

Après le fond de l'affaire, c’est est-ce que ces projets sont réellement différents de ceux du Président de la République ? Si vous prenez l'histoire des dernières années, vous verrez que cette question se pose.

Donc il n’y a pas de différence fondamentale, selon vous, entre Valérie Pécresse et Emmanuel Macron, pour dire les choses ?

Il y a des différences, je vais en pointer une…

Il y en a sur le programme économique quand même.

Je vais en pointer une, économique, précisément. Il y a des différences, mais si vous regardez les prises de position des uns et des autres dans les quatre dernières années, ce que disent d’ailleurs souvent les adversaires de Valérie Pécresse, c’est que le moins que l'on puisse dire est qu’il y a eu des hésitations.

Donc cela veut dire par déduction, pardonnez-moi, qu’Emmanuel Macron est de droite ?

En rien.

Valérie Pécresse n'est pas de gauche, donc elle est de droite.

Pardon je ne veux pas vous faire de la peine.

Je vous en prie.

Mais vous ne m'enfermerez pas dans ce dilemme ou cet affrontement. J'ai toujours été depuis le premier jour de mon engagement, et sans manquer un seul jour, partisan du pluralisme en France.

Pour qu’il y ait un pluralisme il faut qu’il y ait en centre. Il faut que ce centre soit fort, original, différent de ce que vous appelez droite et qui extrêmement divisé, et de ce que d'autres appellent gauche.

Est-ce une bonne candidate Valérie Pécresse ?

Les militants LR et quelques autres ont dit que oui, donc je suis comme le Président de la République, je prends les concurrents comme ils viennent.

Mais j'ai une différence fondamentale. J'ai regardé le programme de Valérie Pécresse. Je connais ce programme, et grosso modo c’est le programme de Filon avec un peu plus, un peu moins ; un peu plus d'appel à la dépense et un peu moins de suppression d'aides aux Français.

 

Mais, je pense que ce programme est faux parce que ce que demande Valérie Pécresse c'est qu'on coupe dans les dépenses publiques, qu'on supprime 250 000 fonctionnaires.

Il faudra nous dire où parce que dans le même temps, elle demande qu'on crée des emplois de fonctionnaires et qu'on intervienne de manière extrêmement dure sur les retraites et sur les allocations des Français.

Je crois que cette manière de voir les choses qui consiste à couper, a priori, dans tout ce qui fait le contrat social n'est pas une bonne manière. Ce que je préconise moi, c’est qu'on pose la question à l'envers et qu'on se demande comment on peut produire plus pour soutenir le contrat social.

La question n'est pas de couper. La question est d'avoir un meilleur équilibre entre ce qu'on produit et les ressources de l'État, et ce qu'on dépense. Si l'on avait un pays dans lequel la production, c'est l’un des objets de la note que nous avons

Nous y reviendrons.

…Publiée, dans lequel la production, dans lequel l'efficacité de l'État

Les dépenses publiques en France sont énormes.

C’est vrai. C'est le contrat social, je vais y revenir. C'est notre contrat : l'école gratuite, la santé gratuite, la garantie chômage pour tout le monde, la retraite garantie pour tout le monde. Cherchez un pays autour de nous qui ait cela, vous n'en trouverez pas !

C'est l'idée que nous nous faisons du contrat social en France.

La question c’est que pour soutenir cette solidarité, nous ne produisons pas assez, nous ne développons pas assez le pays et l'État n'est pas assez efficace au service de la société…

On va revenir sur le commerce extérieur, mais...

…Et de la créativité. Je ne parle pas que du commerce extérieur.

Mais on va y revenir parce que c’est l’objet de votre dernière note.

Simplement, il y a un autre argument que Valérie Pécresse met en avant dans sa campagne présidentielle. C'est une femme. Il y aura plusieurs femmes candidates et des femmes qui ont des chances de gagner. Est-ce que vous dites « enfin » ou est-ce que cela ne relève que du symbolique ?

Non. Cela ne relève pas que du symbolique. La question de la place des femmes dans la politique est une question essentielle. Puis-je vous rappeler que c'est la première fois qu’il y a un Gouvernement où il y a plus de femmes que d’hommes ?

Depuis qu’il est Président de la République, il y a beaucoup moins de femmes, si je peux me permettre. Il n’y a toujours pas de femmes à Matignon et sur les postes clés ce sont des hommes.

Oui, enfin

Est-ce un bon argument de campagne une femme Présidente de la République ? Cela n'est jamais arrivé.

Je ne fais pas d’hommes ou de femmes un argument. J'ai toujours travaillé avec des femmes. C'est absolument public. C’est ainsi que j'ai construit mes équipes. Nous avons cinq ministres au Gouvernement, quatre sont des femmes.

Au poste clé, Jacqueline Gourault par exemple est numéro 1 dans le classement de nos ministres. Tout le monde sait ce que je pense.

Je pense que les femmes sont assez souvent plus fiables que les hommes, plus engagées, désintéressées assez souvent. Le contre-exemple existe aussi. Il y a vraiment des femmes politiques qui ont tous les défauts des hommes politiques et au-delà.

La France est prête à choisir une femme pour la présidence ?

Bien sûr, depuis longtemps. Je ne fais pas de différence entre les femmes et les hommes dans l'engagement politique. Je fais la différence sur le charisme, la capacité à entraîner, les idées, mais je ne catalogue pas ainsi, sauf que je veille scrupuleusement à la parité.

Monsieur Bayrou, la gauche est en difficulté, en tout cas dans les études. Pas un candidat de gauche n'est au-dessus de 10 %. Ils sont tous là et dans cet étiage refusent de se mettre d’accord sur une primaire populaire.

Anne Hidalgo le souhaiterait, Arnaud Montebourg également, les autres disent non. Est-ce une erreur ? Pour eux peut-être, mais pour la démocratie et la tenue de cette élection présidentielle et son enjeu ?

Deux choses. Anne Hidalgo, vous dites « le souhaiterait ». Tardivement.

Elle le souhaite aujourd’hui.

Elle était contre il y a encore 15 jours. C'est simplement quelle cherche une porte de sortie à une situation qui est une impasse absolue dans laquelle elle est enlisée et embourbée à 3 %, aux derniers sondages.

Quand on pense que c’est le Parti Socialiste, cela donne une idée de l'espèce de dévitalisation que ce courant connaît.

Ensuite, vous dites la gauche. Je fais la même objection que je faisais tout à l’heure à Hedwige Chevrillon.

Les gauches.

Trois gauches antagonistes et qui ne disent pas la même chose et qui ne veulent pas dire la même chose. Vous dites qu’il faut qu’ils se mettent d’accord...

Non. Je vous pose la question.

…Pour proposer un candidat. Je ne crois pas que cela puisse se faire sans abandonner l'essentiel de ce qui fait l'engagement politique. C'est-à-dire ce qu’on croit. On n'est pas en politique simplement pour obtenir des scores aux élections, parce que cela se casse toujours la figure.

La question c’est que croyez-vous ? Qu'avez-vous en dedans de vous qui s'adresse au pays ? Quelle est votre vision ?

La vitalité démocratique et du débat, Monsieur Bayrou, ne nécessite pas d'avoir une ou des droites fortes, une ou des gauches fortes, autour d'un centre que vous souhaitez indépendant ?

Si c'est le pluralisme, je suis d'accord.

C'est la démocratie.

Non parce que ce qu’on a voulu nous imposer depuis des années, cela n'est pas le pluralisme, c’est la bipolarisation. C'est résumer le débat à droite contre gauche. Il n'y a rien de plus fallacieux, de plus menteur, de plus mensonger que cette présentation. Parce que je ne confonds pas les sensibilités de droite

…si c’est pour être progressiste, on retombe dans une autre bipolarité.

Je n'ai jamais utilisé le mot de progressiste de ma vie.

Ce n'est pas le clivage actuel ?

Non. Les clivages sont beaucoup plus subtils et profonds que ceux-là et celui que je vous ai indiqué, c'est-à-dire les optimistes contre les pessimistes qui découragent le pays.

On peut maintenir notre niveau de contrat social, à la condition qu'on se décide à produire, à la condition qu’on se décide à rendre un pays qui est aussi avancé en matière technologique, scientifique, capable de produire les meilleurs, ou parmi les meilleurs satellites du monde, les meilleures fusées du monde, les meilleurs avions du monde, les meilleurs sous-marins du monde, y compris en nucléaire, des centrales de production d'électricité, comme il n’en existe que peu dans le monde.

Comment ce pays n'est-il plus capable d'équilibrer son commerce extérieur ou sa protection sociale ?

Parce que c’est cela la véritable…

Monsieur Bayrou, vous parlez du pessimisme. J’imagine que comme Emmanuel Macron, vous faites en creux allusion à Éric Zemmour. Il est désormais candidat à l'élection présidentielle. Après avoir eu une trajectoire ascendante un peu inédite sous l'histoire de la 5ème République, il y a eu une forme d’érosion puis une stabilisation.

Il y a eu d'autres trajectoires ascendantes.

De cette puissance-là, de l’avis de tous, en tout cas, elle est inédite. Je ne juge pas de sa qualité, j’observe juste la courbe.

Il y a eu Emmanuel Macron.

Peut-être en 2007, il y en avait une.

En revanche, il y a un fait qui est certain, Monsieur Bayrou, c’est que tout le monde veut débattre avec Éric Zemmour. Tout le monde propose à Éric Zemmour de débattre. Le dernier en date, c’est le ministre de l’Économie Bruno Le Maire qui l’a fait. Iriez-vous débattre avec Éric Zemmour ?

Si la question se pose, on l’examinera. Mais ce n’est pas cela mon reproche à Éric Zemmour. C’est un reproche que je fais d'ailleurs à des responsables politiques divers depuis longtemps.

Il y a deux attitudes lorsque vous êtes engagés en politique, notamment pour l'élection présidentielle.

Soit vous décidez d'organiser l'affrontement entre les Français en désignant des ennemis, des adversaires, des gens à abattre et ce qui est encore plus grave de la part de Zemmour c’est qu’il les désigne sur leur origine, sur leur religion. Et si on n'a pas étudié l'histoire de France sur ce que donnent les guerres de religion, alors on n'a rien compris à l'être profond du pays.

J'ai moi-même écrit beaucoup sur Henri IV et les guerres de religion ; je sais de quoi je parle et comment…

Il le sait à priori aussi, puisque beaucoup ont dit que la Reconquête, le nom de son parti, était une allusion à la Reconquista, la reprise de la péninsule ibérique sur les Musulmans.

Vous voyez, c'est le pire de ce que…

Vous illustrez ce que je trouve insupportable dans cette démarche.

Il n'existe aucune expérience dans le monde, écoutez bien ce que je dis, dans laquelle une démarche politique, organisant l'affrontement à l'intérieur d'un pays entre des communautés et des cultures, a conduit un pays au mieux. Cela a toujours été une catastrophe absolue. Cela a toujours conduit au pire et prétendre que l'on connaît l'Histoire et choisir cette voie-là, pour moi, c'est manquer simplement à sa vocation d’Homme, même pas à sa vocation de politique, mais à sa vocation d’homme et de père de famille parce que vous conduisez le pays vers le pire.

Ce que j'apprécie chez le Président de la République, c'est qu'il n'est pas sur cette ligne. Il n’est pas sur la ligne d'affrontement des Français. Il est sur la ligne de la réunion et du rassemblement des Français.

 

Monsieur Bayrou, cela n'est un secret pour personne que vous êtes extrêmement proche…

Ce n’est un sujet pour personne que je suis proche d’Emmanuel Macron.

Votre proximité avec le Président de la République est publique. Il sera très vraisemblablement candidat à sa réélection. Faites-vous parti des gens qui estiment qu’il doit comme d'autres avant lui, attendre le plus tard possible pour déclarer sa candidature ?

Si vous aviez posé la question à François Mitterrand, il vous aurait fait exactement cette réponse. Quand vous êtes Président de la République et que vous avez des responsabilités qui tiennent à votre fonction, ces responsabilités sont plus importantes que tout.

Le temps de la campagne viendra à son heure.

C’est-à-dire quand ?

Si je me souviens des déclarations de candidature de François Mitterrand, c'était à l’ultime minute, quelques heures seulement avant

La date de dépôt pour le Conseil constitutionnel, c’est le 6 mars, je crois.

Je pense qu’il se prononcera avant.

Vous avez envie de faire partie de l'équipe qui va l'accompagner au plus près ou cela n’est plus votre place ?

La question des équipes politiques n’est pas une question de nomination et de choix.

Je vous parle d’envie.

Ce sont des questions de lien. Je suis engagé et je n'ai jamais cessé une minute d'être engagé. Depuis que je suis entré dans le militantisme, dans l'adhésion à un courant de pensée, dont je n'ai jamais changé, pas une seule fois en beaucoup d'années.

Depuis que je suis entré, ma philosophie, ou ma vision des choses, est toujours la même. Je ferai tout ce que je peux faire pour aider au succès de ces idées, de cette vision du monde, et en l'occurrence, s’il se décide en ce sens, pour aider au succès de cet homme qui a assumé depuis cinq ans les chocs les plus rudes et en défendant la place de la France.

Si vous préparez la campagne, vous préparez aussi la suite avec la fameuse maison commune, Ensemble Citoyens! . C’est une manière de préparer l’après-macronisme, puisqu’il n’y aura pas de mandat Macron 3 ? C’est aussi une manière de préparer votre avenir ? Vous en avez toujours un ?

Il y a plein de questions dans votre question. J'en prends une. Il y a des gens nombreux qui pensent que si le Président de la République est réélu, c'est la fin de sa carrière politique.

Je n'appartiens pas à ce groupe d'analystes brillants. Ma vision est tout à fait différente. S’il était réélu, Emmanuel Macron à la fin du quinquennat aurait 48 ans. Cela n'est pas l'âge de la retraite.

Mais il ne pourra pas faire un troisième mandat.

Ah…

Pas tout de suite en tout cas. Il y a une subtilité constitutionnelle.

Il ne pourra avoir un troisième mandat tout de suite.

Consécutif.

Mais étant donné la place que désormais il a prise en France, en Europe et dans le monde, dans ce courant central que j'appelle, démocrate, étant donné cette place, je pense que sa voix comptera et qu'il sera pour les Français qui s'intéressent à l'avenir de leur pays, un repère. Donc c'est la première chose.

Deuxièmement, est-ce quEnsemble Citoyens! qui est ce rassemblement de toutes les forces qui veulent soutenir le Président de la République, et de toutes les forces qui demain veulent constituer un grand courant organisé de la vie politique française, est-ce qu’Ensemble Citoyens ! le prépare ? Oui. C'est le but dEnsemble Citoyens ! .

Cette étape de rassemblement est nécessaire et nous avons pris toutes les dispositions et toutes les règles pour qu’on puisse aller de l'avant, si on le souhaite. Je vais le dire mieux, pour que ceux qui veulent aller de l'avant puissent le faire, pour que ceux qui peuvent se réunir et qui veulent se réunir, puissent le faire.

C'est très important parce que l’effondrement de tous les courants politiques dont nous avons parlé, qui va de la gauche la plus à gauche à la droite la plus à droite, appelle une nouvelle forme d'organisation.

À titre personnel, Monsieur Bayrou, vous avez été très proche d'accéder au second tour de cette élection, c’est quelque chose que vous avez mis derrière vous ou dites-vous qu’il ne faut jamais dire jamais ?

Monsieur Boursier, je n’ai jamais rien mis derrière moi.

Donc c’est clair.

Parce qu’au moment où vous mettez quelque chose derrière vous, cela veut dire que vous tournez la page, que vous fermez un acte de votre vie, que vous passez à autre chose qui est distant et lointain.

Je ne suis pas fait pour le distant. Je ne suis pas fait pour le lointain. Je ne suis pas fait pour tourner les pages. Je suis fait et j’aime ce qui dure, les engagements qui durent.

Et quand on voit les problèmes du monde, hier, aujourd'hui et peut-être demain, alors on sait que la vie peut vous pousser à avoir des prises de risque et des responsabilités.

Donc ne jamais tourner la page.

On a compris plus ou moins le message, parce qu’on s’interroge sur comment vous voyez Emmanuel Macron avoir une troisième présidence ? Mais on aura le temps d'en parler.

Excusez-moi, ce n’est pas ce que j’ai dit. Comme vous l'avez dit à très juste titre, la Constitution fait qu'il ne peut pas y avoir

(Discussions croisées.)

J’ai dit que ceux qui croient qu'il disparaîtrait de la vie politique française, simplement parce qu'il ne pourrait pas se présenter une troisième fois, ceux-là à mon avis se trompent.

Il y a quand même l’élection présidentielle, mais il y a un autre enjeu…

Parce qu’il y a…

Je finis ma question, si vous le permettez.

Permettez-moi une demi-phrase avant.

Parce que je trouve que l’expérience est indispensable pour faire les hommes d'État et les hommes d'Histoire. Avoir traversé des choses difficiles, c'est vital pour ce type de fonction. Donc je ne crois pas que la parenthèse se fermerait.

Mais quand Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir, il n’avait pas d’expérience, en l’occurrence.

Oui.

On va parler des législatives, François Bayrou, parce que c’est un moment très important…

Il avait un peu d'expérience.

Un tout petit peu.

Il avait été ministre de l'Économie. Il avait été secrétaire général adjoint de l’Élysée. Vous faites des petits peu avec des choses conséquentes.

Concernant les législatives, redoutez-vous que dans cette maison commune, les élus du MoDem se fassent laminer peut-être par la République En Marche, par Édouard Philippe et surtout par le retour des Républicains qui est une véritable organisation militaire lorsqu'il s'agit des législatives ?

Avez-vous obtenu, François Bayrou, des garanties cette fois-ci ?

Dites-vous une chose, je ne redoute jamais rien. Je ne suis pas fait comme cela. La peur n'est pas ma manière d'être. En revanche, je me bats, j'organise les choses.

Là vous êtes en train de vous battre ? Parce qu'il y a quand même les investitures. C'est un point très important pour un parti.

Il n’y aura à mon sens pas de difficulté d'investiture. Il y en a eu la dernière fois.

Oui.

On les a traitées par une explication publique, comme on dit au rugby, virile, mais correcte. Il n’y aura pas de problème de cet ordre. Peut-être qu’on ne se rend pas compte.

Toutes les majorités, sans exception, sur les derniers quinquennats aux périodes présidentielles, se sont divisées, affrontées, méchamment opposées entre factions à l'intérieur de la majorité. Cela n’a pas été le cas…

Oui, mais là il faut faire de la place à Édouard Philippe.

Cela n’a pas été le cas.

Monsieur Bayrou, le pic de la 5ème vague est là. C’est Olivier Véran qui le dit ce matin dans la presse avec tout de même la crainte que ce pic soit à un plateau.

Chez les enfants, en revanche, les taux d’incidence sont en train d’exploser. On est à 1 000 cas pour 100 000 chez les 6-10 ans. Jean Castex estime que les vacciner est nécessaire. C'est un débat hautement explosif dans le pays. Quelle est votre position ?

D'abord sur l'évolution de l'épidémie, j’ai la chance de pouvoir suivre au jour le jour, j'allais presque dire heure par heure, l'évolution de l'épidémie à Pau.

C'est vrai que nous semblons avoir passé le sommet de la courbe. On était monté à 11 % de taux de positivité, on est redescendu à 9,5 % en quatre jours. C'est fascinant d'ailleurs de voir comme ces courbes sont logiques. Elles montent, elles paraissent

Puisque vous suivez cela quotidiennement, Monsieur Bayrou, faut-il vacciner les enfants ?

Permettez-moi de rappeler ce que j'ai déjà dit sur votre plateau. La pire crainte qu'on puisse avoir pour cette épidémie, c’est qu'elle se mette à atteindre les enfants de manière grave. Pour l'instant, ils sont très atteints en nombre, mais pas de manière grave. Ma hantise, c'est celle-là.

Deuxièmement, c’est aux autorités médicales de dire s'il faut vacciner et si le vaccin est utile à cet âge. En tout cas, il y a une chose que je sais, j'ai une fille urgentiste, je vois très bien son découragement.

Tous les gens, toutes les femmes et les hommes, y compris jeunes, qu'elle a en charge sont tous des non-vaccinés à 90 % ou 95 %. Que des gens s'ingénient à entretenir dans le pays, lidée quau fond on peut se passer de la vaccination : c'est criminel.

Ce sont des gens qui engorgent l’hôpital. L'hôpital risque-t-il de craquer selon vous ? On voit le plan blanc se multiplier dans le pays.

Oui, en tout cas il y a des risques, très importants. Mais si nous atteignons le sommet de la courbe et si nous passons les 15 jours qui viennent, puisque c'est à peu près le délai entre l'infection virale et l'hospitalisation, alors peut-être allons-nous connaître un répit.

Monsieur Bayrou, juste avant de vous interroger au sujet de la dernière note en date du Haut-Commissariat au Plan, un sujet d'actualité.

La parole se libère enfin. L'une des jeunes femmes qui met en cause Nicolas Hulot a décidé de porter plainte. Je m’adresse aussi à l’ancien ministre de la Justice et garde des Sceaux. La question de la prescription est un sujet central dans notre démocratie, mais aussi dans la façon dont ces sujets sont traités.

Faut-il regarder à nouveau le sujet de la prescription ? Je précise qu’il a évolué et qu’il a été porté à 30 ans pour les cas de viols sur mineur par le Gouvernement actuel.

Franchement, si vous supprimez la prescription dans un ordre juridique et judiciaire, vous allez à des catastrophes considérables.

Cela n'est pas gai de constater que des actes inqualifiables sont prescrits. Je ne parle pas de ceux-là, je n'ai aucune information. Mais si vous n'avez plus de prescription, alors il n'y a plus de vie en société possible.

Donc je pense que ce sujet doit être traité avec beaucoup de prudence.

Vous êtes Haut-Commissaire au Plan et vous avez publié une note notamment sur le commerce extérieur français vous tirez la sonnette d'alarme parce que c’est vrai que cela fait 20 ans que notre commerce extérieur est largement déficitaire.

S’effondre progressivement.

S’effondre totalement pour atteindre une situation dramatique, 75 milliards environ, c’est le chiffre que vous citez, notamment par rapport à l'Allemagne qui est pourtant notre partenaire industriel. Pourquoi sommes-nous dans cette situation ?

On ne va pas tout refaire, on n’a pas le temps, mais est-ce une absence de prise de conscience de la part des dirigeants politiques ?

Oui et c'est en train de changer.

La courbe ne s'inverse pas.

J'étais interrogé sur la prise de conscience. C’est en train de changer.

Pourquoi c'est comme cela ? On a considéré pendant longtemps que ce n'était pas grave. On a pensé pendant longtemps que ce qui comptait en économie, c’était la bonne santé des entreprises. Mais personne n'a regardé la bonne santé du pays et la bonne santé de la communauté économique que nous formons ensemble.

Et on a des succès qui sont inouïs.

Mais sur lesquels on s'est trop reposé.

Et on est incapable de traiter les choses du quotidien. C'est l'inspiration de cette note que je replace dans le contexte que je décrivais au début.

Nous sommes un pays qui a un contrat social extraordinairement solidaire et généreux, comme il n'y en a aucun ou quasi aucun dans le monde. Mais ce pays ne pourra pas soutenir le contrat social, s'il ne part pas à la reconquête des bases qui permettent de le financer.

Comme vous le dites, ce sont des bases…

Des bases qui permettent de produire.

Je reprends des absurdités que vous soulignez dans la note. La France est le premier exportateur mondial de pommes de terre, mais nous importons des chips. Nous exportons énormément de bois, mais nous importons les matériaux de construction et des meubles. On connaît les célèbres marques étrangères de meubles de maison.

À qui la faute ? Est-ce une absurdité de la mondialisation quelque part ?

Je crois que la responsabilité, s'il y en a une, est celle des principaux prescripteurs dans l'opinion française qui se sont résignés, comme je le disais, à penser que l'important c'était les entreprises et que les choix que faisaient les entreprises s’ils étaient pour leurs bénéfices, c'était très bien.

Personne n'a regardé depuis longtemps, pardonnez-moi de vous le dire, mais j’ai essayé d'introduire ce sujet dans le débat lors des élections présidentielles. J'ai fait une élection présidentielle autour de deux verbes, « produire et instruire », parce que je pensais que c'était les deux sujets principaux, mais à l'époque cela n'intéressait personne.

Grâce en particulier à ce que nous faisons au Haut-Commissariat, alors nous le voyons. Nous avons isolé plus de 900 postes de produits qui sont déficitaires de plus de 50 millions chacun. Vous en avez décrit un

La ratatouille.

Peut-être vous pouvez dire, comme dit Edwige, que si on prend les cinq légumes qui composent la ratatouille

Nous ne les produisons pas chez nous.

On a 700 millions de déficit sur la ratatouille. Vous n’allez pas me dire qu’on ne peut pas produire des poivrons et de la tomate. Tout cela est ridicule !

Ce que vous avez dit sur le bois et sur les pommes de terre qui sont, en effet, deux exemples que nous avons mis en exergue, mais qui ne sont pas les seuls et de très loin.

C'est très parlant.

Ils parlent. Autrefois à l'école, quand on était au collège, on apprenait ce qu'était l'économie des pays sous-développés. On disait « sous-développé » à l’époque. On a changé en des termes plus pudiques aujourd'hui.

L'économie des pays sous-développés, disait-on à cette époque, c’est que vous produisez des matières premières achetées par des pays étrangers et ils viennent vous vendre des produits finis.

Transformés.

Eh bien, pour le bois, c'est exactement cela.

Mais quelles suites pour ce constat fort ? Vous faites le constat que la France a à certains égards, l'économie d'un pays en voie de développement, donc c'est un constat très grave, mais ensuite c’est remis au placard.

Quelles suites seront données ? Vous faites des constats, mais…

Je propose deux démarches. La première, c'est que l'État prenne la responsabilité de réunir, y compris les entreprises privées et les grandes entreprises, autant que les moyennes et les petites, en prononçant des appels d'offres, si j’ose dire. En disant sur tel produit avez-vous une stratégie ? Et qu’à ce moment-là, on fédère et on mette autour de la table, ce qu'on ne fait jamais.

L'État annonce des décisions, mais le monde du privé y est totalement étranger. Il faut faire partager ce constat autant au privé qu’au public et cette fédération, cette capacité de fédérer les acteurs, est très importante.

J'ai fait une deuxième proposition. S'il y a vraiment des secteurs où nous n’avons pas les entreprises, alors réfléchissons à prendre des participations dans des entreprises étrangères pour implanter en France des unités de production.

Mais l'État est déjà actionnaire de quasiment toutes les grandes entreprises privées en France.

D'où l'efficacité qu'il peut y avoir à les convaincre et qu'on a oubliée depuis très longtemps. Quand je dis qu’on est en train de prendre conscience, le plan d'investissement France 2030 que le Président de la République a dévoilé, et qui est pour moi un début, est un indice de cette prise de conscience.

Mais il est insuffisant. Non ?

Oui. Il n'est pas encore suffisant, à mon sens.

Je pense que la dimension de l'investissement doit être plus importante. Mais je veux insister pour ceux qui nous écoutent parce que les mots passent vite et on prend moins en compte les réalités.

Investissement ne veut pas dire argent perdu. L'investissement, cela n'est pas des subventions et des carnets de chèques qu'on paye. L'investissement, cela veut dire qu'on attend un retour sur investissement, qu'on va développer des réseaux de production, des unités de production, une conscience nouvelle et on a tous les moyens de le faire.

Monsieur Bayrou, en parlant de produits français, il y a une spécialité que vous connaissez très bien, le foie gras. Y aura-t-il du foie gras à la table de Bayrou pour Noël ou le jour de l’An ?

Je vais vous dire. Je suis d'un pays qui adore le foie gras.

Vous avez vu que c’est devenu un sujet tabou. C’est une polémique. Que pensez-vous de la polémique qui a été lancée par plusieurs maires, dont ceux de Lyon et de Bordeaux ? Est-ce un mauvais procès ?

Ce sont des maires écologistes.

L’idée que tous les élevages sont des cibles est une idée désespérante, dangereuse et désastreuse. La France est un pays qui s'est illustré par son excellence dans ces domaines. Je ne suis pas pour qu'on supprime nos compétences d'excellence. Je suis pour qu’on veille au bien-être animal. C'est un très grand sujet.

Parce que c'est le gavage des oies et des canards qui est en cause.

Oui, mais pour quelqu’un qui connaît le sujet comme moi, le gavage d'aujourd'hui n'a rien à voir avec le gavage d'hier.

Je puis vous assurer qu’aujourd'hui ce gavage est doux. Il ne l'était pas autrefois.

Je voudrais vous entendre sur un autre sujet. C'est une petite question qui n’est pas complètement un clin d’œil. Avez-vous regardé l’élection de Miss France ?

Non.

C’est Miss Île-de-France qui a été choisie. Elle était d'ailleurs en direct ce matin sur BFM TV. Avez-vous suivi la polémique qui a entouré ce concours de beauté ? Notamment pour certaines associations, ce concours est rétrograde et misogyne. D'ailleurs les Miss candidates cette année avaient un contrat de travail.

Dites-moi, s'il faut suivre toutes les polémiques qui se déclenchent, non pas jour après jour, mais heure après heure, sur tous les sujets…

Il y avait plus de 7 millions de téléspectateurs, donc c’est quand même un moment important cathodique chaque année.

Donc, cela veut dire qu’un grand nombre de Français ne partage pas ce type de prise de position qui vise à tout idéologiser. Tous les sujets, tous nos modes de vie se retrouvent tout d’un coup passés au crible d'idéologies impérieuses qui veulent qu'on obéisse et qu'on se plie.

Je ne partage pas cette démission.

Merci beaucoup, François Bayrou d’avoir accepté notre invitation.

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