François Bayrou, invité d'Adrien Gindre sur LCI

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité d'Adrien Gindre sur LCI ce dimanche 3 juillet à 18h00.

- Seul le prononcé fait foi -

François Bayrou, bonsoir.

Bonsoir.

Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation. Nous avons beaucoup de sujets à évoquer avec vous.

D'abord la question d'un certain remaniement. On a compris que le Président de la République et la Première ministre y travaillaient ce matin, à la mi-journée sur LCI, la présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, Aurore Bergé, disait que c'était dans les heures qui viennent, pouvez-vous me confirmer ce timing ?

Cela dépend ce que l'on entend par les prochaines heures.

C'est probablement dans les prochaines heures et dans les jours prochains. Je ne suis pas dans le secret des dates. Je sais qu'ils y travaillent et donc on voit bien qu’il y a une période assez courte entre la décision et la déclaration de politique générale que la Première ministre fera devant l'Assemblée nationale.

Ce sera bien avant mercredi, avant le discours de politique générale ?

On pourrait imaginer beaucoup de stratégies. Il y a des petits secrets comme cela qui sont difficiles à comprendre et à saisir.

Les ministres qui viennent d'être élus sont en même temps députés, or, comme vous savez, on ne peut pas être les deux en même temps et donc les ministres, lorsqu'ils sont au gouvernement, ne peuvent plus voter pendant un mois à l'Assemblée nationale. Alors si, par hasard, on avait besoin de leur vote, on pourrait peut-être imaginer qu'il y ait un chevauchement, mais je n'ai pas partagé la réponse à cette question.

Vous dites que vous n'êtes pas dans le secret des dieux, mais j'imagine que vous avez été consulté, j’imagine qu'en tant que partenaire, Président d'un des principaux partis de la majorité, vous discutez.

Est-ce que par exemple vous souhaitez dans cette nouvelle équipe qu'il y ait une plus grande représentation du MoDem ? On rappelle que vous avez aujourd’hui Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire et la secrétaire d'État Justice Bénin, mais qui a été battue, qui va devoir quitter le gouvernement.

Vous seriez surpris si je vous disais non.

Non, mais je préfère vous l’entendre dire, cela va mieux en le disant, c’est plus à vous qu’à moi de le dire !

Je pense que la composition d'un gouvernement obéit à des principes et un de ces principes, c'est l'équilibre entre les forces qui soutiennent le gouvernement. Je ne dis pas la proportionnelle stricte, je n'évoque jamais des idées de chantage ou de bras-de-fer, tout cela est ridicule, cela appartient à des Républiques passées, mais si les choses sont bien faites, il doit y avoir un équilibre et chacun doit retrouver une part de son soutien dans le déploiement de l'action.

C'est logique, c'est simple et j'imagine que c'est le but que tout le monde doit atteindre, en tout cas, bien sûr, je suis là pour y veiller.

Vous y êtes attentif. Je le disais à l’instant, dans les problématiques qui se posent au Président de la République et à la Première ministre, il y a d'abord le remplacement des ministres battus aux législatives. Il y en a trois dans ce cas-là : c'est le cas d’Amélie de Montchalin, de Brigitte Bourguignon, de Justine Bénin et le cas de la nouvelle présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet qui a d'ores et déjà quitté le gouvernement.
Est-ce que, quand on dit « remaniement », François Bayrou, on parle du remplacement de ces quatre femmes-là – point - ou est-ce qu’on parle du remplacement de ces quatre femmes-là et de la constitution d’une équipe renouvelée, différente, plus adaptée aux circonstances ?

C'est une page nouvelle qui s'ouvre. Je sais bien que tout le monde voit cela comme la continuation des pages précédentes, et cet entre-deux des élections était un peu sibyllin de ce point de vue.

Je pense que c'est une page nouvelle qui s'ouvre et je pense que le Président de la République et la Première ministre vont en profiter pour donner une coloration au gouvernement parce qu'il y a, vous le savez, des postes qui vont être abandonnés, des postes qui n'étaient pas pourvus.

Le transport, le logement…

Évidemment, il y aura une coloration du gouvernement un peu différente et j'espère une énergie parce que ce dont on ne se rend pas compte, c'est que les questions qui vont être devant nous aujourd'hui en France, en Europe, et dans le monde, sont les questions les plus graves que nous ayons rencontrées depuis 50 ans.

Vous avez raison, c'est un contexte très particulier.

Vous dites : une coloration, qu'est-ce que vous entendez par coloration ?

À quelle condition ce remaniement sera-t-il réussi à vos yeux ?

Je ne pose pas de condition aux formations du gouvernement, je sais ce que je pense, je pense qu'il est bon qu'il y ait des personnalités politiques, j'ai déjà expliqué cela plusieurs fois, c'est-à-dire des personnalités qui ont en tête que les problèmes du pays ne se découpent pas dossier par dossier.

La réponse n'est pas dans le dossier. La réponse, c'est dans l'énergie, la capacité d'entraînement, la puissance nécessaire pour s'adresser au pays, le faire adhérer à un effort qui va être considérable, je dis bien considérable et, cela, c’est cette faculté d'entraînement qui est le devoir politique du gouvernement.

Je pense qu'il faut aussi ne jamais perdre de vue l'objectif d'élargissement.

Politique pour le coup.

Oui.

Reprenons ce que vous venez de dire. Quand vous dites : un gouvernement du politique, est-ce que cela veut dire avec des personnalités ayant une expérience d'élus locaux par exemple ? Est-ce que ce sont des personnes qui ont un logiciel particulier ? À quoi cela tient ? Est-ce que cela tient au parcours ou à la personnalité ?

La vocation politique, ce n'est pas seulement la capacité d'analyser sujet par sujet la situation du pays, pas seulement constituer un dossier.

La vocation politique, c'est s'interroger sur les raisons profondes qui font qu'un pays comme le nôtre est dans une crise si grave que celle que l'on rencontre.

Qu'est-ce qui fait que, par exemple, aujourd'hui - tout le monde le note - il y a dans la société française une espèce d'abandon, pour beaucoup et principalement ou assez souvent dans les jeunes générations, du désir d'un certain type de travail ?

Pourquoi est-ce qu’il y a des centaines de milliers d'entreprises qui ne trouvent pas, dans un pays où il y a pourtant tant de chômeurs ?

Et, cela, on y répond en fonction de qui on met au gouvernement ?

Oui, en tout cas, il faut au gouvernement des personnalités ayant comme cela des antennes, ayant une faculté…

Je voudrais juste que vous m’éclairiez. Si on évoque par exemple le ministre de l'Éducation Pap Ndiaye, il vient de la société civile, il a fait son entrée en politique à l'occasion de son entrée au gouvernement, on ne peut pas dire qu'il a commis des faux pas aujourd'hui parce qu'il ne s'est encore rien passé dans son ministère.

Est-ce qu’il a le profil dans la période actuelle, quelles que soient ses qualités intellectuelles, son parcours, le fait que ce soit un homme brillant ?

Est-ce qu’il est armé pour faire face à ce qui arrive, lui qui par exemple n'a jamais mis un pied à l'Assemblée jusqu’ici dans sa vie ?

Ce n'est pas l'essentiel. Ce n'est pas un technicien de l'éducation. Il n'est pas dans les innombrables fonctions, réparties, réseaux existants des habitudes décennales dans le monde de l'éducation.

Moi, je mets de l'espoir en lui et, pourtant, vous connaissez ma sensibilité.

Vous avez été ministre de l'Éducation.

J’ai été ministre de l'Éducation longtemps et ma sensibilité, c'est la sensibilité républicaine du retour le plus rapide possible et le plus important possible aux fondamentaux, à ce qui va donner à chacun des élèves la liberté de juger, la liberté de penser, la liberté de s'exprimer et la liberté de juger, et Pap Ndiaye a un parcours personnel auquel je suis extrêmement sensible.

Il ne vient pas des milieux de pouvoir, il ne vient pas des milieux privilégiés, il ne vient pas des milieux de ceux que les concours de l'administration ont habitués depuis toujours à se dire qu'ils seraient un jour chefs de quelque chose.

Ce n'est pas du tout son profil. Son profil est un profil universitaire et, avec le parcours qui est le sien, son origine familiale, la province, avec le parcours qui est le sien et la remarquable réussite académique qui est la sienne, moi je crois qu'il peut comprendre.

On l'a accusé d'être wokiste. Je ne crois pas du tout cela. Je ne pense pas qu'avec son parcours, il puisse ne pas être républicain, autrement dit, l’idée de l'universalisme républicain, l'idée que l'Éducation s'adresse à tout le monde pour le faire monter le plus haut possible et pas pour découper la société en groupes qui seraient indépendants les uns des autres et donc moi je mets de l'espoir en lui.

On verra si c'est justifié, bien sûr.

Pour vous, il peut avoir les qualités pour le poste.

Quand je disais à l'instant le parcours politique, il y a des noms d'élus locaux qui ont circulé ces derniers jours ; c'est toujours très hasardeux de citer des noms avant un remaniement, mais par exemple le président de la région Grand Est Jean Rottner, Christelle Morançais, Présidente de la région Pays de la Loire, Gil Averous, maire de Châteauroux, ont tous les trois appelé à bâtir un corps de gouvernement avec Emmanuel Macron, on a même entendu également le nom du député LR Philippe Juvin, il se trouve que les quatre noms que je viens de citer ont la caractéristique d’être tous les quatre issus de LR.

Vous disiez tout à l'heure il faut continuer d'élargir.

Est-ce que d'aller chercher dans ce type de profil chez LR des élus locaux pour certains d'entre eux, ce serait une bonne piste ?

Des élus qui ont l'intention de participer à l'œuvre de reconstruction. On a deux reconstructions, ou deux raisons de reconstruire.

La première raison, il y a 30 ans que dérivent nos institutions et notre manière de gouverner, 30 ans au moins et il y a deuxièmement les crises successives que nous venons de rencontrer, le Covid, les gilets jaunes - dans l'ordre les gilets jaunes et le Covid - et la guerre avec les désastres économiques qui sont en gestation.

Cela fait deux grands chapitres qui obligent à la reconstruction et que tous veulent y participer ou que de nombreux élus veulent y participer, je trouve cela très bien.

Je vais même aller beaucoup plus loin. Je pense depuis longtemps que, dans une situation comme celle-là, nous sommes co-responsables de l'avenir, pas seulement la majorité.

Tous partis politiques confondus.

Tous les partis politiques, majorité et opposition sont co-responsables de l'avenir et s'il y en a un certain nombre qui se présentent comme étant uniquement négatifs, uniquement destructeurs, uniquement critiques, ils manquent au devoir.

Vous dites, le dépassement politique doit continuer.

Oui, à condition aussi qu'il ne soit pas seulement de façade, que ce ne soit pas seulement un habillage, ce qui veut dire qu'il faut que, du point de vue politique aussi, le gouvernement se sente, se vive en situation de construction de quelque chose de totalement inédit.

L'époque dans laquelle nous entrons est sans exemple dans les décennies que nous venons de vivre.

Vu ce que vous décrivez, des circonstances, des profils, des qualités nécessaires, on a du mal à faire une longue liste de personnalités. Est-ce que, pour vous par exemple, le temps n'est pas venu de revenir au gouvernement ? Vous l'avez dit au début du premier quinquennat ?

Je ne suis pas en situation de faire cela, ce n'est pas mon idée.

J'ai la responsabilité de ce que l'on appelle le Plan, je pense que cela peut être très utile dans la période qui vient.

En tant que Commissaire au Plan.

Notamment si on prend au sérieux cet idéal de refondation que le Président de la République a exprimé. Qu'est-ce cela veut dire la refondation ? Cela veut dire à peu près exactement ce que je viens d'énoncer devant vous, c'est-à-dire : on a des problèmes comme on n'en a jamais eu. Devant ces problèmes on reste très souvent avec les logiciels anciens pour et contre, gauche-droite, ce qui est à mon sens aujourd'hui tellement loin de la réalité.

Vous voulez les dépasser, on l’a bien compris.

Et puis avec les logiciels classiques, des fonctions dans le jeu démocratique : syndicats, partis, associations, groupes de pression.

Si on prend au sérieux l'idéal que le Président de la République a exprimé, c'est-à-dire d'un partage entre toutes les forces qui fondent la démocratie française, démocratie politique, démocratie sociale, démocratie d'opinion, démocratie associative, si on prend au sérieux cet idéal-là, alors c'est une œuvre qui vaut la peine. Elle est très difficile et, pour cela, je veux bien aider.

Vous dites : je ne suis pas en situation.

Est-ce que, de votre point de vue, le fait que vous ayez été mis en examen dans l'affaire des assistants parlementaires du MoDem au Parlement européen reste un handicap ?

Monsieur, je vais vous dire quelque chose. Cette affaire est partie depuis plus de 5 ans.

Et elle n’a pas avancé.

Et elle n'a pas avancé et, moi, je vous dis, les yeux dans les yeux, en toute franchise comme c'est le nom de votre émission : c'est une affaire dans laquelle il n'y a rien et on a maintenant des décisions de justice pour le montrer.

Alors, on peut la faire traîner des années, cela, c'est possible, mais il n'y a rien de moralement répréhensible et rien qui ait été fait, et je m'engage en vous le disant.

Alors, cela peut traîner…

Dans ce remaniement, François Bayrou, il y a aussi des cas personnels épineux. C'est le cas par exemple du ministre actuel des solidarités Damien Abad. Une enquête a été ouverte mardi pour tentative de viol après qu’une plainte a été déposée. Il y a eu plusieurs accusations qui ont été relayées par la presse, le ministre dément.

Est-ce qu’il doit rester au gouvernement au nom de la présomption d'innocence ou est-ce que c’est la libération de la parole des femmes qui doit primer ?

Ni l'un ni l'autre. Mon point de vue n'est pas celui-là.

Vous vous souvenez que moi-même, de ma propre volonté, avec Marielle de Sarnez qui était à l'époque ministre des Affaires européennes, nous avons quitté le gouvernement. On n'était pas mis en examen.

Non.

Il y avait à peine une enquête préliminaire. Et vous voyez à quel point tout cela a été orchestré tout à fait par hasard on dirait - entre vous et moi vous savez bien que, dans la vie politique, il n'y a absolument jamais de traquenards et de pièges ; ce sont des âmes trop nobles pour se livrer à cela… - mais laissons de côté tout cela…

On sent l’ironie dans vos propos.

Oui. Et pourquoi avons-nous quitté le gouvernement ?

Pas du tout parce que nous étions coupables, il sera prouvé que nous ne l'étions pas, bien que cela dure depuis des années. Uniquement pour une raison, c'est quand vous êtes l'objet d'accusations qui sont comme cela brutales, violentes, entretenues, vous ne pouvez plus exercer votre fonction sereinement. J'étais ministre de la Justice, vous vous rendez compte des difficultés qu'aurait eues un ministre de la Justice dans ces situations-là ?

C’est compliqué pour Damien Abad aujourd'hui.

Je pense que dans la réflexion qui doit être la sienne et celle de la Première ministre et celle du Président de la République, cette question de la capacité à exercer pleinement sa fonction lorsqu'on est l'objet d'accusations même injustes, cela doit évidemment participer à la réflexion.

Est-ce que cela vaut également pour la Secrétaire d'État Chrysoula Zacharopoulou qui a été visée par des plaintes, même chose, pour viols ou pour violences, mais dans le cadre de sa pratique de gynécologue qui est sa profession ?

Je m'avance parce que je ne connais pas le dossier. Je n'ai que de l'estime pour Chrysoula Zacharopoulou qui était députée européenne. Mais si on se met maintenant en France à accuser de viols ou de gestes, je ne sais quoi, une gynécologue, comment voulez-vous faire un examen gynécologique ?

L'association de tous les gynécologues français s'est réunie, s’est exprimée en disant : nous sommes à tout instant menacés de ce genre de drame.

Un examen gynécologique implique en effet que le médecin soit avec sa patiente dans un rapport d'observation. Comment veut-on faire ?

Est-ce qu’on va pénaliser, criminaliser absolument tous les gestes qui sont de cet ordre-là ?

Vous savez, il y a eu des drames, il y a eu des morts autour de cela.

Donc je suis pour que, sauf si j'ignore des aspects de ces choses, mais j'ai parlé Chrysoula Zacharopoulou, je suis pour que l'on arrête les dérives obsessionnelles dans lesquelles on se sent engagés.

Les gynécologues sont-elles menacées de ne plus pouvoir exercer leur métier ? Vous vous rendez compte dans quel genre de folie on est, s'il n'y a pas autre chose, mais comment y aurait-il autre chose ?

Donc il y a là quelque chose qu’en effet je trouve dangereux et risqué et je ne mets pas tous sur le même plan.

Il y a quelque temps, vous l'avez rappelé en début d'émission, vous aviez dit : il faut une équipe politique. Cela passait dans votre esprit y compris par Matignon et par le ou la Première ministre. Élisabeth Borne dit ne s'être pas sentie visée par cette critique. Elle a quand même précisé que vous vous étiez expliqués, qu'elle vous avait reçu à Matignon.

Qu'est-ce qu’il y avait besoin d'expliquer, François Bayrou ?

Vos confrères ont interprété cette déclaration que je vais encore défendre devant vous comme une attaque ad hominem, comme une attaque personnelle contre la Première ministre. Ce n'était absolument pas le cas. Je le lui ai dit et je pense qu'elle l'a compris.

Nous ne sommes pas dans des circonstances ordinaires. Ce n'est pas un gouvernement ordinaire après une élection ordinaire et après une réélection ordinaire.

Nous sommes dans la période la plus risquée, la plus critique, la plus porteuse de menaces que notre pays ait connue, à mon sens depuis la guerre, car à la fois les obstacles qui sont devant nous, les orages qui viennent, les ouragans qui nous menacent sont de dimension jamais connue récemment et, en même temps, notre pays est dans un état de profonde fissure, fracture, j'avais envie de dire délabrement.

Il y a des secteurs entiers qui ne retrouvent plus leurs repères. C'est vrai dans la santé, c'est vrai dans l'éducation, c'est vrai dans notre démocratie, c'est vrai dans la manière dont se conduisent les élus, c'est vrai dans la violence que la société exprime, c'est vrai dans une sécession d'une partie du pays qui a entraîné l'abstention par exemple.

En tout cas, vous êtes réconcilié avec Élisabeth Borne, il n’y a pas de souci.

Nous n'avons jamais été fâchés. Est-ce que vous pouvez comprendre que l'on puisse sans, notation personnelle, essayer de faire entendre et de faire triompher si possible une vision de la situation ?

Il ne s'agit pas des questions de : je préfère untel, plutôt qu’unetelle.

Il y a toujours des questions de personnes en politique, mais ce n'est pas des questions de préférences personnelles. Ce sont des questions lourdement politiques.

Être à la hauteur des circonstances. Cette semaine la Première ministre Élisabeth Borne va prononcer un discours de politique générale à l'Assemblée nationale, a priori mercredi, en tout cas c'est le timing que l'on a en tête.

Vous confirmez ce timing ?

Je ne suis pas à Matignon.

Vous n’avez pas eu la confirmation de votre côté, ni vous ne démentez pas.

Il y a une question qui va se poser. On va venir au fond dans un instant. Vous avez déjà largement évoqué les circonstances.

Est-ce qu’elle doit se soumettre à un vote de confiance à cette occasion ? On a bien saisi qu'elle avait le choix ; tous les premiers ministres n'ont pas eu le la même attitude, sauf que cela donnera une coloration, une connotation différente à ce début d'action.

On lit des analyses différentes. Moi, j'ai le souvenir par exemple de Michel Rocard.

Michel Rocard n'avait pas la majorité, je suis bien placé pour le savoir parce qu'on l'aidait quand il fallait, nous le groupe centriste indépendant de l'époque.

On l'aidait quand il fallait, j'étais un tout jeune député, mais je m'en souviens très bien, et il ne s’est pas soumis à un vote de confiance.

Pourquoi ? Parce que quand vous vous soumettez à un vote de confiance, vous avez le risque, limité je crois, que l'Assemblée nationale vote la défiance, auquel cas le gouvernement est par terre.

Ce n'est pas la principale raison. La principale raison c'est que, quand vous vous soumettez à un vote de confiance, les oppositions critiques vont scruter pour savoir qui, en s'abstenant, vous a laissé obtenir la confiance.

En l'occurrence, une abstention des républicains ou du rassemblement national.

Par exemple. Vous voyez toutes les interprétations et vous voyez que les oppositions qui auraient envie de s'abstenir, elles craignent d'être taxées de complicité.

J'ai souvent expliqué, il y a une des innombrables lois de Bayrou dans cette affaire-là ; une abstention, quand vous êtes dans la majorité, c'est un vote contre, quand vous êtes dans l'opposition c'est un vote pour.

Vous faites un pas dans une direction qui normalement n'est pas la vôtre.

Vous dites : il ne faut pas se mettre dans cette situation ?

Moi je dis que je comprends très bien Michel Rocard qui ne l'a pas fait, je crois Pierre Mauroy aussi et il y a d'autres Premiers ministres.

Je ne suis pas sûr qu'au début de la Ve République cela ait été fait.

C'est une habitude qui a été prise, elle peut être utile, mais moi je comprends très bien le refus des interprétations et donc je suis plutôt pour que la Première ministre et le Président réfléchissent ensemble à ce sujet.

Cela aurait naturellement le sens d'un défi politique, d'un management politique, mais il y a aussi des risques pour les oppositions.

Vous rappeliez les circonstances exceptionnelles dans lesquelles on est. On a bien vu que le Président de la République essayait aussi de donner des réponses différentes. Il a évoqué il y a quelques semaines le CNR, le Conseil National de la Refondation, c'était avant que l'Assemblée nationale soit élue par les élections législatives, mais on entend l’idée qu’il pourrait revenir, ce CNR, comme une chambre de discussion pour préparer la loi avant qu’elle soit présentée au Conseil des ministres, comme une concertation préalable.

Est-ce une idée qui, de votre point de vue, aurait du sens ou est-ce qu’on doit assumer de laisser l'Assemblée discuter et amender la loi ?

Le lieu où se discute, où s'amende et où se vote la loi, c'est le parlement dans ses deux chambres. Je rappelle qu’en plus il y a un Conseil Économique et Social, mais le Président de la République a une idée ou une intuition, on va dire cela, qu'il a depuis longtemps. J'ai beaucoup parlé avec lui de ce sujet, je sais ce qui est dans son esprit.

Dans son esprit, il y a que nos institutions ont probablement acquis un caractère trop routinier, qu’on ne les entend plus, et que, elles, peut-être, n'entendent pas parfaitement le pays.

Regardez à quel point les débats que l'on a sont ridicules.

Vous pensez à quoi ?

Vous avez vu le débat sur l'attribution des postes à l'Assemblée nationale, les uns disant : vous avez été trop indulgents avec le rassemblement national.

Pour nos téléspectateurs, ce que vous évoquez, c’est le fait que le RN ait eu cette semaine des vice-présidences à l'Assemblée nationale pour la première fois de l'histoire, grâce à l'apport de votes de la majorité présidentielle.

Pas seulement.

Entre autres.

Vous dites : il y a des accusations sur la place qui a été faite au rassemblement national et il y a des accusations symétriques sur la place qui est faite à la NUPES, à qui on a donné, entre guillemets, disent les opposants, disent les critiques, « une place excessive » en acceptant que leur représentant devienne Président de la commission des finances.

Mais on ne comprend rien.

C'était le rôle du RN d’avoir des vice-présidences et le rôle de la NUPES d'avoir la présidence de la Commission des finances ?

On ne comprend rien à l'institution parlementaire.

Dans l'institution parlementaire, c'est le nombre de vos élus qui vous donne, à la proportionnelle, des responsabilités dans l'Assemblée.

Tous les postes clés - il y en a une vingtaine - sont codifiés et attribués au nombre de points. Vous avez un portefeuille de points en fonction de vos députés, 90 députés pour le rassemblement national, 130 pour la NUPES.

Et lui permettre d'accéder au pouvoir…

Mais non. J'entends bien cette antienne.

Est-ce que vous avez entendu ce que j'ai dit ?

Bien sûr, mais je vois que certains, y compris de la majorité…

Est-ce que vous voulez bien m'écouter ?

C'est automatique. Vous avez un certain nombre d'élus, vous avez droit à un certain nombre de points qui vous donnent droit à un certain nombre de postes, et c'est bien normal.

Je ne vais pas, moi qui ai défendu la démocratie sous toutes ses formes depuis des années au point de proposer une banque de la démocratie, la proportionnelle dans toutes les élections et les signatures pour l’élection présidentielle, venir vous dire qu'il faut traiter les élus différemment selon leur étiquette.

Quand vous êtes élu, vous êtes représentant du peuple français et donc c'est le respect strict des règles démocratiques qui permettent de vivre en France un débat apaisé, sans cela c'est dans la rue que cela se traite.

Vous avez évoqué le cas d’Éric Coquerel, le nouveau Président de la commission des Finances, député de la France Insoumise.

Je sors un instant de la question politique. Il y a des accusations qui ont été portées contre lui cette semaine, d'abord par l'essayiste et militante féministe Rokhaya Diallo puis un signalement fait auprès d’une commission interne à la France Insoumise sur des comportements potentiellement inappropriés en direction des femmes.

Est-ce que, de votre point de vue, cela remet en cause sa place à la tête de la commission des Finances ?

Je ne connais rien à cette affaire. Je n'ai aucun élément de ces accusations. Monsieur Coquerel participe du débat public. Je ne l’ai pas rencontré souvent. Je n'ai aucune information et donc ce n'est pas à moi de m'exprimer sur ce sujet.

D'un point de vue politique, le Président de la commission des Finances, vous l’avez rappelé, que ce soit un élu de la France Insoumise, cela fait l'objet de certaines inquiétudes dans votre camp.

Pas dans mon camp, dans les milieux économiques.

Dans la majorité, on va dire.

Non, pas seulement.

Est-ce qu’il faut le craindre ou est-ce que vous dites : Non, un Président de la commission des Finances fera son travail comme n’importe quel autre, quel que soit son bord politique.

Un Président de la commission des Finances, il est responsable parce qu'il a beaucoup de pouvoirs et il peut assez facilement bloquer un débat ou en tout cas augmenter le risque de blocage d'un débat.

Il y a beaucoup d'artifices dans la manière dont les assemblées fonctionnent et donc j'espère, moi, qu'il y aura sur tous les bancs, ceux de la France Insoumise, ceux du Rassemblement National, ceux des oppositions moins extrêmes et ceux de la majorité qui a son rôle aussi, j'espère qu'il y aura une attitude responsable.

J'espère que tout le monde va se rendre compte. Il y a des moments dans l'histoire des peuples où, si l’on continue la routine des a priori et des simplismes, on trahit l'intérêt général.

C'est un moment comme celui-là que nous sommes en train de vivre.

Cela veut dire qu'il faudra aussi que la majorité accepte de faire des concessions à ces oppositions qu'elle donne des gages, qu’elle fasse des pas.

Ce n'est même pas donner des gages. Il faut que tout le monde accepte les règles du jeu de la vie parlementaire qui font que l'on confronte des opinions et que l'on accepte de débattre ensemble, y compris en changeant les textes.

C'est pourquoi la nécessité d'une démarche politique, quand vous êtes au gouvernement ou responsable à l'Assemblée nationale est si vive et si forte.

Par exemple, quand la gauche dira aux députés à l'Assemblée nationale : on veut le smic à 1500 €, on veut une baisse des taxes sur le carburant.

Est-ce que vous direz…

Je parlais de responsabilité. Est-ce que ce sont des choix responsables ?

Parce que cela coûterait trop aux finances publiques ou aux entreprises ?

Mais parce que notre pays est en situation de déséquilibre et la première chose qu'il faudrait se fixer comme objectif, c'est que ce pays dont nous avons la charge et qui a confié les mandats, se remette à produire, se remette à créer des richesses parce qu'il ne s'agit pas seulement de distribuer. Vous distribuez quoi ?

Vous distribuez comme on disait autrefois de la monnaie de singe, des chèques en blanc, et cette idée d'un pays dans lequel il n'y aurait plus qu'une seule question, c'est distribuer, est à mon sens un élément du déséquilibre national que nous sommes en train de vivre.

Il faudra faire des concessions, de votre point de vue ?

Il en faut toujours en faire. Vous n'en faites pas vous, dans votre foyer et dans votre chaîne ?

Si, mais il se trouve que vu l’état de la situation du pouvoir d’achat des Français, on voit mal où vont être les sources d’économie dans les semaines à venir.

Eh bien, je suis persuadé qu'il y en a parce que la première source de rééquilibrage, ce n'est pas seulement des économies, c'est que tout d'un coup l'action de l'État, des pouvoirs publics, de la puissance publique se met à être utile au service du pays, de la société, se met à aider plutôt qu'à freiner, se met à soutenir les sources d'innovation qui existent et de prises de conscience qui existent.

C'est un changement des relations nécessaire entre ce qui est puissance publique et ce qui est la société.

Le drame que l'on vit, vous le savez bien, c'est que la société a le sentiment que la puissance publique, les autorités publiques, lui sont totalement étrangères, qu'ils sont là pour faire appliquer un certain nombre de règles et de normes, aveuglément, alors qu’il faut au contraire, il faudrait que désormais toute la société se sente soutenue par ce que nous avons construit ensemble.

Et vous voyez à quel point il s'agit de réformes profondes et de prises de confiance profondes.

Merci beaucoup François Bayrou d’avoir été notre invité et d’être venu faire le pari de la raison, on l’a entendu, car c’était un appel à la raison ce soir cet entretien avec vous.

C’est un appel à l’enthousiasme, et à l’engagement.

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