Christophe Blanchet : "La contrefaçon de produits de santé est un vrai sujet et une menace sérieuse"

Christophe Blanchet

Christophe Blanchet est député du Calvados. Il est l'auteur d'un rapport parlementaire sur la contrefaçon. Un problème qui contrairement aux idées reçues ne concerne pas uniquement l'industrie du luxe, mais de nombreux champs de la vie quotidienne. Interview. 

Votre rapport souligne que le phénomène de la contrefaçon est encore mal connu, et ses conséquences minimisées. Vous montrez les liens, avérés ou supposés, entre ce phénomène et le crime organisé, voire le terrorisme. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette criminalité en flux ?

Plutôt qu’un phénomène mal connu, la contrefaçon est surtout mal comprise de nos concitoyens. Pour la majorité des Français, la contrefaçon, c’est un sac-à-main d’une marque de luxe, et on ne peut rien y faire. Or, c’est bien plus que cela : aujourd’hui, tous les objets de la vie courante sont contrefaits, sans soucis des normes, ce qui pose un danger pour la planète et pour le consommateur. Ce n’est pas non plus négligeable ou seulement le problème des entreprises du luxe : c’est 10 milliards d’euros de perte par an pour l’Etat et quarante mille emplois détruits chaque année.

De même, la contrefaçon est encore vue comme artisanale. Mais cela fait longtemps que des usines entières, en Chine ou dans d’autre pays - voire des usines clandestines en Europe, produisent des copies contrefaisantes. La contrefaçon est aujourd’hui un phénomène de masse, industriel, dont les profits alimentent en premier lieu le grand banditisme. Car il est bien moins risqué et bien plus rentable aujourd’hui pour un mafieux de faire de la contrefaçon que du trafic de drogue. C’est aussi parfois du trafic de pure opportunité : quand on rodé au trafic de drogue, pourquoi aurait-on des scrupules à écouler quelques tonnes de cigarettes contrefaisantes ?

La contrefaçon aujourd’hui a donc atteint une dimension industrielle dans un monde globalisé. Pour notre pays, le premier visé en Europe, il s’agit d’un problème de perception, et non de connaissance. Les services de l’Etat ont commencé à prendre conscience de l’ampleur du problème, comme le montre le plan d’action des Douanes en la matière.

A l’heure actuelle, la contrefaçon de vaccins contre la Covid-19 représente-t-elle un risque important ?

La contrefaçon de produits de santé, et de vaccin contre la covid-19, est un vrai sujet et une menace sérieuse. J’ai rendu mon rapport début décembre, alors que les vaccins venaient d’être mis au point : en moins d’un mois, des annonces de vaccins frauduleuses avaient déjà été réalisées. Dès le début de mes travaux, en plein confinement, j’ai orienté une partie des recherches vers la contrefaçon de produits de santé : masques, gel, hydroxychloroquine… Tout était contrefait et l’angoisse des Français si forte que les conséquences auraient pu être terribles. Car un médicament contrefait peut vous tuer. Au mieux, il ne vous guérira pas.

Heureusement, nous avons un système de distribution de médicaments extrêmement contrôlé et les Douanes ont fait un travail exceptionnel. Je suis donc assez confiant quant au risque de voir un vaccin contrefait infiltrer le circuit de distribution en France.

Vous montrez les lacunes et insuffisances du droit de propriété intellectuelle et du droit de propriété industrielle face aux nouveaux enjeux numériques. Comment mieux adapter la législation ?

Il manque une grande loi de modernisation de la lutte contre la contrefaçon. La multiplicité des acteurs engagés, les différents niveaux de responsabilité et, surtout, l’ampleur du préjudice pour notre pays impose de nous retrousser les manches. C’est une chose à laquelle je réfléchi actuellement avec le Ministre de l’action publique Olivier Dussopt.

La présidence française de l’Union européenne à partir de janvier 2022 donne-t-elle un espoir pour une meilleure coordination à l’échelle européenne ?

La présidence française de l’UE l’année prochaine n’est pas un espoir : c’est un levier qu’il faudra impérativement actionner ! Lutter contre la contrefaçon en France est indispensable, mais ce sera insuffisant si ce n’est pas accompagné d’une réelle prise de conscience européenne. Or, le continent européen est aujourd’hui le premier continent copié, loin devant les Etats-Unis. Les européens subissent ce fléau ensemble : ils doivent y remédier ensemble. Tout du long de mes travaux sur mon rapport, j’ai écrit à plusieurs ministres et au Président de la République pour pointer du doigt le phénomène et en souligner la dimension européenne. J’ai aussi alerté le commissaire européen Thierry Breton et certaines orientations du Digital service act vont ainsi dans le bon sens. Je croise les doigts pour que cela ne soit pas oublié d’ici l’année prochaine.

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