Grand débat : les Français à l’étranger face au Covid-19

Mercredi 6 mai, nos Grands débats ont rayonné plus loin que d’habitude. Alice Le Moal a mis en relation, à distance, des Français de l’étranger, confinés aux quatre coins du globe : Bulgarie, Madagascar, Colombie, Angleterre, Pologne.

Frédéric Petit aime à dire qu’il est le député des Fées : des Français établis à l’étranger. Une jolie formulation pour une mission essentielle, assurer les liens entre les Français partis fonder ailleurs une entreprise, une famille, et qui peuvent restés liés à leur pays d’origine. Près de 3 millions de personnes, dont les situations sont très diverses, les expatriés ne constituant pas le modèle unique. Familles bilatérales, contrats courts, étudiants étrangers, nomades, autant de modes de vie différents. Alice Le Moal a demandé à nos 5 intervenants de nous faire part de leur expérience de confinement à l’étranger.

Florence Wijsbroek vit en Bulgarie, à Sofia, depuis 6 ans jour pour jour aujourd’hui. Elle y dirige le Balkan Sustainable Development Institute. Au lycée français de Sofia, près de 800 élèves sont scolarisés, l’éducation représentant une véritable force de frappe. L’éducation et l’entreprise sont les piliers du rayonnement français à l’étranger. La Bulgarie, confinée jusqu’au 13 mai, commence à se déconfiner progressivement, avec une réouverture des parcs et des restaurants. Pour autant, les écoles demeurent fermées jusqu’en septembre. Et 61% de la population accorde sa confiance au gouvernement. Une chaîne d’information a été créée sur zoom, pour suivre les nombreux décrets, pas toujours lisibles en temps réel. Florence Wijsbroek met l’accent sur la soudaine poussée de xénophobie qui s’est fait sentir contre les Français.

En Colombie, Konstantin Kühn (référent Amérique latine du MoDem) souligne quelques paradoxes. Les pays d’Amérique latine devraient, a priori, être touchés de façon à peu près similaire. Or, c’est loin d’être le cas. Entre la Colombie, assez peu atteinte, et le Brésil, bien davantage, l’écart est grand. La rapidité de réaction des dirigeants n’a pas été la même. Au Vénézuéla, on peut s’interroger sur la fiabilité des chiffres. Mais l’on voit que les pays autoritaires, que l’on pensait moins bien armés, coupés du marché mondial, trouvent des capacités de réaction. Nous ne nous y attendions pas forcément. En Colombie, l’épidémie n’a pas encore atteint son pic. Des programmes sociaux ont été mis en place, ceux qui existaient ont été renforcés. Bien sûr, ce n’est pas comparable aux aides instaurées en France ou en Allemagne.

Installée depuis 22 ans au Royaume-Uni (avec quelques années en Ecosse), Marianne Magnin travaille dans le secteur des arts plastiques (et est membre du bureau de la FFE MoDem, et de plusieurs autres associations). Comment se passe la vie au temps du virus à Londres ? L’Angleterre est l’un des pays les plus touchés, avec une concentration dans les espaces urbains, et pour les minorités ethniques et les populations les plus pauvres. Aujourd’hui, la question des droits à l’accès à un revenu minimal est encore un problème. Le gouvernement a mis du temps à réagir, on a constaté de grosses carences dans le matériel sanitaire. Plus de 30000 décès ont été officiellement constatés, mais sur la seule base des tests. Le Brexit était jusqu’alors en phase de négociation sur les termes de la sortie de l’Union européenne. Marianne Magnin suspecte le gouvernement de vouloir sortir en hard Brexit pour en masquer les conséquences, sous le couvert de la crise sanitaire. Il y a comme un déni d’action.

Conseiller consulaire, Jean-Hervé Fraslin habite Madagascar. Le continent africain compte pour l’instant un millier de décès. Ce sont les deux extrêmes, l’Algérie et l’Afrique du Sud qui sont les plus touchées. Madagascar enregistre 158 cas, et 0 décès. La population est très jeune, 50% a moins de 20 ans. Les mouvements d’avion ont été plus rares. Et les frontières ont été fermées assez tôt. Mais des voyageurs de passage se sont trouvés bloqués. Autre préoccupation d’importance : si le virus se propageait, l’état des infrastructures sanitaires, très peu développées, ferait craindre le pire. Aussi convient-il, dès maintenant, de prévoir des transferts possibles entre hôpitaux et de concevoir un plan sanitaire d’urgence.

A Cracovie, Frédéric Petit note un phénomène inquiétant : les clusters, qui dénotent une non-maîtrise de la part des politiques publiques. Et, certains citoyens, comme les Roms, acceptent plus difficilement le confinement. Frédéric Petit insiste bien sur la sociologie des Français hors de France, qui sont loin de se réduire aux seuls expatriés. Le premier adversaire de la démocratie, ce n’est pas le tyran, c’est la foule. Pour quelqu’un qui vient, comme lui, du monde de l’entreprise, cette maxime prend tout son sens : mieux vaut une stratégie moyenne bien exécutée plutôt qu’une excellente stratégie mal exécutée. Même si l’on peut se dire que l’on aurait fait les choses autrement, nous n’en sommes plus au temps des critiques mais à celui de l’action. Réflexion, pondération, mesure, valeurs essentielles au Mouvement Démocrate.

Frédéric Petit remarque, avec une image forte, que le problème de fuite démographique des Balkans affecte toute l’Europe : on ne peut pas dire, je suis en bonne santé, c’est mon poumon qui a un cancer… C’est un problème qu’il faut traiter en Européens. Si nous laissons s’installer, en Europe, un déséquilibre dans les mobilités politiques, ce sera une faute politique.

Les internautes interpellent nos invités sur plusieurs sujets. L’éducation, d’abord. Tous reconnaissent le rôle capital de l’éducation, les écoles françaises représentant une source d’influence évidente. Jean-Hervé Fraslin rappelle que sa vocation d’élu est d’ailleurs née de son engagement au service d’une école. A Madagascar, le lycée français de Tananarive est bien connu. En province, 16 belles écoles sont gérées par des parents d’élèves. Aujourd’hui, cette crise déboussole certaines familles démunies, qu’il faut accompagner dans les procédures pour obtenir des bourses, des aides.

Les lycées français à l’étranger sont homologués par l’Education nationale française, procédure réitérée tous les 3 ans. En termes financiers, il y a un effet de levier : pour un budget de 400 millions d’euros, ce rayonnement éducatif vaut ensuite quelque 3 milliards. Ces établissements respectent bien entendu le droit local. Aussi les lycées français ont-ils réouvert la semaine dernière en Allemagne.

A une question portant sur le confinement des étudiants à l’étranger, Frédéric Petit répond que l’on n’est pas toujours en position de maîtrise. Si le pays d’origine refuse les retours, l’étudiant ne peut quitter y revenir. Certains enseignants en Chine confinés ailleurs, par exemple, ne peuvent plus revenir malgré la reprise des cours. Plusieurs questions lui étant posées sur des cas de personnes bloquées à l’étranger, le député rappelle que son mail est public et qu’il examine attentivement chaque cas particulier.

Sur le plan économique, Marianne Magnin rappelle que les Français représentent, en Angleterre, un vivier enrichissant. Des ponts se sont créés entre les deux pays, comme avec d’autres pays. Il importe de se souvenir que nous sommes tous interconnectés. Konstantin Kühn approuve, et émet le souhait que cette crise ait, aussi, un effet fédérateur. Jean-Hervé Fraslin, dont l’entreprenariat est le cœur de métier, indique bien qu’il existe différents types d’entrepreneurs : des grosses entreprises côtées au CAC 40, et en lien permanent avec la France ; de moyens entrepreneurs, souvent familiaux et en lien avec d’autres entreprises françaises ; et puis les petits investisseurs, très intégrés, qui transmettent leur savoir-faire sur 2 ou 3 générations. Toutes ces entreprises ne sont pas toujours prises en compte dans les radars de l’administration, qui peine à les recenser. Dès lors, ce n’est pas forcément celles qui en ont le plus besoin qui bénéficient des dispositifs d’aide. Oui, réagit Frédéric Petit, l’administration manque souvent d’inventivité. Il faut aider les gens à aller chercher des moyens locaux. Cela doit passer par les élus locaux.

A une question sur le géoblocking, qui empêche les diffusions de programmes de télévision en raison des droits d’auteurs, Frédéric Petit répond que, là, les choses se sont heureusement débloquées assez vite. Il n’est pas normal qu’il y ait, en France, un audiovisuel intérieur distinct de l’audiovisuel extérieur. Ces dernières semaines, France télévision a fait un énorme travail, programme par programme, pour essayer de débloquer les droits d’auteurs mondiaux.

Nos 5 Français de l’étranger ont conclu sur une note d’espoir, saluant les belles initiatives de solidarité. « Restons ensemble, restons solidaires, transmettons à nos enfants les valeurs qui comptent » a lancé Florence Wijsbroek. Konstantin Kühn espère dans la force de cohésion des réseaux. Marianne Magnin rappelle la consonance du mot communauté. Jean-Hervé Fraslin souligne que les 2 piliers demeurent l’école et l’entreprise. Deux mots chers au Mouvement Démocrate, sourit Frédéric Petit, qui en ajoute un 3el’Europe. Et qui nous invite à suivre notre soif d’aventure pour rejoindre ces Français établis à l’étranger, partis suivre leur rêve.

Thématiques associées

Je reçois la lettre d'information du Mouvement Démocrate

Engagez-vous, soyez volontaires

A nos côtés, vous serez un acteur de nos combats pour les Français, pour la France et pour l'Europe.

Chaque engagement compte !

Votre adhésion / votre don

Valeur :

Coût réel :

20 €

6,80 €

50 €

17 €

100 €

34 €

Autres montants

Qu'est ce que la déclaration fiscale sur les dons ?
Filtrer par