Grand débat : les défis des Outre-mer

Mercredi 13 mai, la secrétaire générale adjointe du Mouvement Démocrate, Alice Le Moal, a jonglé avec les fuseaux horaires pour animer un débat avec 4 représentants des Outre-mer. Des territoires au cœur de notre action, mais dont la réalité est souvent mal connue.

Dans cette période de crise, le monde entier est touché par la pandémie. Parler de la situation dans nos Outre-mer s’imposait. Ce sont 11 territoires, caractérisés par une grande hétérogénéité. Sur les plans économique, démographique, social, dans leurs statuts même, les situations sont loin d’être semblables. Et les évolutions sont très contrastées, entre les territoires qui progressent démographiquement, comme La Réunion ou la Guyane, et ceux qui déclinent, comme la Guadeloupe ou la Martinique. Trop souvent, on peut avoir des Outre-mer une image de carte postale qui, plus encore qu’un cliché, tient de la caricature.

Nos intervenants venaient de territoires différents : Justine Bénin, députée MoDem de la Guadeloupe, Jean-Pierre Philibert, président de la FEDOM (Fédération des entreprises d’Outre-mer), Carine Sinaï-Bossou, présidente de l’ACCIOM (Association des Chambres de Commerce et d’Industrie des Outre-mer), Pierrick Pignolet, chef de projet Développement durable, à la Réunion.

Éloignés de la République, les Outre-mer occupent néanmoins une place importante au cœur de notre nation. La diversité culturelle, la richesse environnementale représentent de réels atouts. Jean-Pierre Philibert et Carine Sinaï-Bossou soulignent, tout au long du débat, le dynamisme et l’inventivité des Outre-mer. Si l’on a souvent l’image de territoires dépendants de la métropole, ils ne demandent qu’à conquérir leur autonomie. Pas une autonomie au sens politique seulement, car les liens avec la métropole sont très forts : non, ce qu’ils désirent acquérir, c’est la capacité à s’émanciper, à se faire confiance.

Lorsque la crise sanitaire s’est amplifiée, les mesures gouvernementales n’ont pas été adaptées à la réalité des Outre-mer, où les TPE, très nombreuses, ne comptent parfois pas un seul salarié. Le tissu économique est très différent d’en métropole. Le fonds de solidarité ne correspondait pas à la réalité des Outre-mer. Au départ, les mesures gouvernementales ne correspondaient pas aux attentes : il a fallu se battre pour faire entendre la voix des Outre-mer.

La crise actuelle vient s’ajouter aux crises économiques et sociales que connaissaient déjà ces territoires. Nos intervenants sont d’accord : Faire du cousu main territoire par territoire s’avère nécessaire. Il faut adapter les lois aux réalités des territoires.

Les Outre-mer n’ont pas été épargnés par la pandémie. En Guadeloupe, 150 personnes ont été contaminées. L’incendie du CHU a compliqué la situation, obligeant à répartir les malades dans différents territoires. S’ajoutent au Covid-19 des cas de dengue, de chinkungunya. A Mayotte, où le virus circule beaucoup, la circulation demeure inquiétante, car les infrastructures sont fragilisées. Mayotte est le département le plus pauvre de France.

Mayotte n’est d’ailleurs pas déconfinée et connaît une augmentation de cas. En effet, à l’Est, une commune frontalière avec le Brésil constitue un nouveau cluster. Mayotte ayant été confinée très tôt, elle est maintenant bloquée en phase 2. Mais la situation n’en est pas moins problématique.

Dans tous les Outre-mer, il y a un vecteur commun : le tourisme. De très grandes inquiétudes pour la saison d’été et jusqu’à l’hiver pèsent sur l’économie. Le président de la Chambre de Commerce et de l’Industrie de Guadeloupe est allé jusqu’à employer le terme de « dévastation » de l’économie. Pour relancer le tourisme, lever la quatorzaine serait nécessaire. Le virus s’est diffusé par les aéroports, là où la situation insulaire aurait pu, au début de la pandémie, constituer un atout.

Le secteur du BTP est durement touché, lui aussi. En grande difficulté, ce secteur repose largement sur une reprise de la commande publique. Les collectivités ne pourront pas œuvrer seules pour la relance, l’aide de l’Etat est absolument nécessaire. En Guyane, des discussions avec le préfet ont permis aux entreprises du BTP de continuer à travailler pendant le confinement, dans un strict respect des règles sanitaires. Il a pourtant été très difficile de se procurer des masques et du gel. De justesse, près de 252000 masques ont été achetés par la Chambre de Commerce et de l’Industrie. Du gel a pu être fabriqué à partir de sucre de canne. Heureusement que le BTP a pu continuer, car nous entrons maintenant dans la saison des pluies et des cyclones.

Dans les Outre-mer, les retards d’infrastructures sont considérables. Juqu’aux arrivées d’eau qui posent problème. Rattraper ces retards est une question d’équité. La crise sanitaire produit un effet de zoom sur des inégalités déjà existantes. 3 problèmes majeurs se font sentir :

  • Un chômage exponentiel
  • Des entreprises soumises à la commande publique
  • Un tissu de très petites TPE

Les Outre-mer ont besoin d’un vrai plan de relance économique, adapté à la réalité de ses territoires, dans leur diversité. Pour les TPE, une exonération totale des charges sociales et fiscales serait nécessaire, ainsi qu’un soutien renforcé pour le tourisme et les petites compagnies aériennes.

Jean-Pierre Philibert le rappelle, la question de l’autonomie est au cœur de l’avenir des Outre-mer. Aucun de ces territoires n’a les moyens d’une autonomie totale. Pas même la Polynésie, qui est pourtant la seule à avoir la compétence législative et à pouvoir voter des « lois pays ». Mais il s’agit de s’émanciper. Aimé Césaire l’avait formulé, en 1946 déjà, dans un fameux discours à l’Assemblée nationale, il faut équiper, encore et toujours équiper :

« Si vous voulez que les Antilles et la Martinique se tirent du mauvais pas où les a conduites la vieille politique héritée du pacte colonial, il n'y a qu'un moyen : les équiper ; les équiper, pour qu'elles produisent davantage et à meilleur compte, et échappent ainsi aux conséquences de la dévaluation ; les équiper, pour qu'elles cessent d'être à la charge de la métropole ; les équiper, pour résorber le chômage de nos jeunes gens, pour élever le niveau de vie des ouvriers, pour garantir aux masses laborieuses le travail et la sécurité sociale. »

Ainsi, en Guyane, depuis les manifestations de 2017, la population réclame plus d’hôpitaux, plus d’écoles.

Il faudrait également que soient mieux reconnus les handicaps dont souffrent les Outre-mer, avec un risque sismique, un risque volcanique, un risque cyclonique. La responsabilité du gouvernement, c’est de donner les outils, la capacité à ces territoires, pour qu’ils puissent se faire confiance. Plus de démocratie locale, de discussions, avant les lois votées à Paris, aussi. Petite incise de Justine Bénin sur les retraites : dans les Outre-mer, le sujet a été vécu sur un mode anxiogène, car il n’y a pas eu d’explication claire.

Le retard perpétuel des infrastructures doit être rattrapé. La sécurité pose question également. Sur les enjeux du développement durable, les Outre-mer peuvent, dans certains domaines, montrer la voie de manière encourageante. Ainsi de l’énergie. L’an dernier, a été inauguré en Martinique une centrale, Galion 2, à côté d’une sucrerie : c’est la première biomasse, qui produit aujourd’hui 15% du réseau électrique. La question de la transition énergétique, Pierrick Pignolet le souligne, est essentielle. Dans le domaine des huiles essentielles comme de la pharmacopée, les Outre-mer ont aussi un rôle leader à jouer. Pierrick Pignolet emploie l’expression « déconfitâtonnement » pour caractériser la période actuelle.

Quels espoirs pour les Outre-mer ? Les politiques publiques doivent s’orienter vers l’essentiel : la santé, l’éducation, l’innovation. Justine Bénin rappelle avec fierté que les jeunes des Outre-mer rayonnent de par le monde. C’est une jeunesse guerrière, très résiliente. Jean-Pierre Philibert souligne les compétences de ces jeunes : prenant pour exemple Martinitech, une start up digitale très performante, ou le très beau film J’ai perdu mon corps, primé à Cannes et aux Oscars, réalisé dans un studio d’animation de la Réunion. En Guyane, la filière bois est absolument remarquable.

La vitalité des Outre-mer est manifeste. Pierrick Pignolet conclut sur une note touchante, avec une interrogation essentielle : Malgré les regards, l’histoire, les crises, peut-on s’autorise à être heureux ? « Ba mwen en ti bo » lance-t-il alors en antillais, « On s’accroche et on ne lâche pas ! ».

Thématiques associées

Je reçois la lettre d'information du Mouvement Démocrate

Engagez-vous, soyez volontaires

A nos côtés, vous serez un acteur de nos combats pour les Français, pour la France et pour l'Europe.

Chaque engagement compte !

Votre adhésion / votre don

Valeur :

Coût réel :

20 €

6,80 €

50 €

17 €

100 €

34 €

Autres montants

Qu'est ce que la déclaration fiscale sur les dons ?
Filtrer par