Réforme des retraites : "l'universalité ne doit pas être confondue avec l'unicité"

Nicolas Turquois

Nicolas Turquois, député de la Vienne, vient d'être nommé co-rapporteur de la loi sur les retraites. Il explique pour le Mouvement Démocrate la nécessité de cette réforme.

Mouvement Démocrate -  Vous venez d’être nommé co-rapporteur de la loi sur les retraites, chargé précisément du titre 1 "la définition du système universel". Peut-on dire qu’il s’agit du socle de la réforme ?

Non seulement il s'agit du socle du futur système universel, mais aussi de ses fondations. Le Titre 1 fixe les objectifs, les missions et les grands principes qui irriguent l'ensemble du nouveau système en construction. C'est aussi la partie dans laquelle sont traités les paramètres de calcul des retraites, tel que la fixation des valeurs du point ou encore la revalorisation des pensions. 

Cela fait plus d’un an et demi que vous travaillez sur le dossier des retraites : comment expliqueriez-vous, très simplement, la nécessité de cette réforme ? 

C'est une réforme nécessaire à plusieurs titres : 

  • Au vu du contexte dans lequel s'inscrit notre système de retraite. 

Certes le système actuel est à peu près à l'équilibre mais il faut faire un constat. Des évolutions structurelles majeures traversent notre société depuis la fin de la guerre. Le principe de répartition selon lequel les actifs d'aujourd'hui paient les pensions d'aujourd'hui implique un certain équilibre démographique. Pourtant, le ratio cotisants / retraités ne cesse de diminuer. Nous étions 4 actifs pour 1 retraité en 1960, nous sommes aujourd'hui 1,7 actif pour 1 retraité. Les carrières d'aujourd'hui sont moins linéaires qu’auparavant, ce qui entraîne une multiplication des affiliations, et donc au final des pensions plus compliquées à calculer. Quel actif d'aujourd'hui peut prédire le montant de sa retraite ? Sans oublier le phénomène de "masterisation" des études : on étudie de plus en plus longtemps donc l'on cotise de plus en plus tard pour la retraite, sans compter les débuts de carrière parfois difficiles. Enfin, il est indéniable que le taux de natalité diminue, et la population vieillit, ce qui soulève un vrai enjeu de renouvellement des générations. À titre d'exemple, le taux de natalité était de 20,6% en 1950, contre 11,4% en 2017. Les femmes font moins d’enfants et les font plus tardivement. 

  • Au vu de la complexité du système de retraite actuel : 

Il est difficile de comprendre les différents types et niveaux de pensions qui existent aujourd'hui, complétés par des mécanismes de solidarités (minimum vieillesse, pensions de réversion etc). Ils sont en réalité le fruit d'une histoire complexe. L'effet conjugué de la révolution industrielle et l'émergence de grandes entreprises françaises a permis le développement de mécanisme d'assurance vieillesse par corporation. Mais après la deuxième guerre mondiale, le Conseil national de la résistance formule le vœux d'un système de sécurité sociale qui soit universel. L'une de ses expressions sera la mise en place d'un régime général des retraites, sans toutefois intégrer la totalité des régimes spéciaux et autonomes pré-existants. C'est ce qui explique le foisonnement des régimes actuels, caractérisés par des modes de fonctionnement et de calculs disparates (par annuité, par points, etc). De ce fait, à carrière égale, un chauffeur de bus de la RAPT à Paris bénéficiera d'une retraite notoirement différente d'un chauffeur de bus de Vitalis à Poitiers par exemple. C'est une injustice à laquelle il faut répondre. 

D'ailleurs, si le système actuel est globalement équilibré, il ne l'est pas du tout dans certaines corporations alors qu'il est excédentaire dans d'autres. Et à chaque fois, ce sont des facteurs démographiques qui expliquent les différences. Là où la démographie de la corporation est en difficulté (ex : agriculture), le système délivre soit de faibles retraites, soit l'Etat doit abonder le dispositif. À l'inverse, les corporations dynamiques en termes de démographie (ex : avocats) accumulent des réserves. D'où l'importance de mutualiser.

De nombreux Français craignent d’être perdants dans cette réforme : que leur répondriez-vous ?

C'est une crainte légitime qui n'est pas fondée. Par nature, l'avenir, est incertain. Qui peut être sûr que demain il n'aura pas à faire face à une période chômage ou à un accident de la vie (maladie) ? Cette réforme protègera beaucoup mieux nos concitoyens dans ces situations. Et puis, un autre aspect, c'est qu'aujourd'hui nos concitoyens ne croient plus dans le système actuel devenu illisible et incompréhensible. Il en découle une grande appréhension sur le montant auquel chacun aura droit à la retraite. Pour l'anticiper au mieux, la meilleure solution est l'information. C'est d'ailleurs un point essentiel du projet de loi puisque son article 12 améliore sensiblement l'accès des assurés aux informations relatives à leur situation personnelle et au fonctionnement du futur système universel. Rien de plus facile que d'évaluer le montant de sa retraite avec un système par point !

En outre, l'universalité ne doit pas être confondue avec l'unicité. Ce n'est pas parce que les grands principes seront identiques pour tous qu'aucun particularisme ne sera envisagé. Par exemple, les critères de reconnaissance de la pénibilité au travail seront élargis pour permettre une meilleure prise en compte des spécificités. Et dans ce projet, nous élargissons la prise en compte de la pénibilité à la fonction publique, ce que n'avait pas fait la réforme Touraine.

De même, les transitions entre le système actuel et le futur système universel de retraite sont lissées jusqu'à 15 ou 20 ans de façon à rendre indolore les éventuelles évolutions de cotisations. 

Si l'on élargit la réflexion, le fait de décorréler la situation financière (excédentaire ou déficitaire) et le ratio démographique d'un régime en particulier, rend l'ensemble plus fort en cas de crise.

Prenons deux exemples : les agriculteurs, caractérisés par un fort vieillissement de leur population. Dans ce contexte, garantir un niveau de pensions satisfaisant est un défi que nul n'a réussi à relever. En revanche, imaginons que demain les informaticiens souhaitent créer une caisse dédiée aux pensions de la profession. Ils sont un nombre élevé d'actifs, plutôt bien rémunérés, et un nombre très faible de retraités. Leur caisse serait immédiatement excédentaire car il y aurait bien plus de cotisants que de bénéficiaires.

Il est très difficile de prévoir les métiers de demain, ainsi que l'évolution des pyramides des âges par métier. Avec la révolution numérique, personne ne peut savoir si les métiers d'aujourd'hui existeront encore demain. Mutualiser permet de s'affranchir de ce risque.

En d'autres termes, tout seul on va plus (sauf en cas de crise), mais ensemble on va plus loin (même en cas de crise) !

Sur quels points est-il encore nécessaire de dialoguer et de négocier ?

Cette réforme est d'abord le cadre qui permettra de nombreuses réflexions et évolutions à l'avenir : sur la pénibilité, sur la fin de carrière, sur le divorce, sur le handicap, sur les minimums de pensions... Le fonctionnement en point du système et la notion même de régime universel donnent beaucoup de souplesse pour aborder ces sujets-là pour tous les Français. Plus besoin de faire bouger 42 régimes particuliers !

À court terme, de nombreux points restent encore à ce jour ouverts à la négociation, et pourront être modifiés ultérieurement par le législateur. Par la complexité des thèmes abordés tout d'abord, mais aussi du fait que certaines décisions ne peuvent passer et ne doivent pas être traitées sans compromis préalable avec instances représentatives. C'est pourquoi le projet de loi fait référence à des ordonnances prises ultérieurement. Le cas des enseignants est à cet égard un exemple symptomatique : la revalorisation de rémunération implique de regarder de près les corps, les grades, et les grilles indiciaires, qui recoupent des situations très diversifiées. 

Thématiques associées

Je reçois la lettre d'information du Mouvement Démocrate

Engagez-vous, soyez volontaires

A nos côtés, vous serez un acteur de nos combats pour les Français, pour la France et pour l'Europe.

Chaque engagement compte !

Votre adhésion / votre don

Valeur :

Coût réel :

20 €

6,80 €

50 €

17 €

100 €

34 €

Autres montants

Qu'est ce que la déclaration fiscale sur les dons ?
Filtrer par