Lutter contre le racisme, l’antisémitisme, les discriminations

Pour le dernier Grand débat de cette saison, mercredi 17 juin, Alice Le Moal a invité la députée de l’Isère Elodie Jacquier-Laforge (Commission des Lois), la magistrate Magali Lafourcade (secrétaire générale de la Commission nationale consultative des droits de l’homme) et la chercheuse Kéren Desmery (spécialiste de l’éthique et de l’enseignement moral et civique, EPHE) pour discuter des racines du racisme, de l’antisémitisme et de toutes les formes de discrimination. Un débat salutaire, qui nous rappelle que la haine, la peur et l’ignorance sont en partie liées.

La mort de George Floyd a bouleversé le monde entier. Cet événement a-t-il enclenché une prise de conscience collective, de celles qui génèrent l’unité nationale, ou bien a-t-il, à l’inverse, révélé des fractures enfouies ?

Pour nos 3 intervenantes, spécialistes des droits de l’homme, une communauté nationale se définit de manière concrète et objective. Elodie Jacquier-Laforge la définit comme l’ensemble des habitants d’un même Etat. Magali Lafourcade, en juriste, revient sur la façon dont un nouvel ordre mondial est né d’un traumatisme : elle parle d’une famille humaine, sans distinction de race ou de religion. Kéren Desmery rejoint cette idée et emploie l’expression « communauté de destins ».

Comment combattre efficacement, durablement, un racisme qui semble souvent endémique ? C’est la mission que porte la CNCDH (Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme), qui a un rôle de conseil et de proposition. Le lendemain de notre débat, le 18 juin, Magali Lafourcade remet au Premier ministre le rapport annuel qui dresse l’état des lieux des discriminations et des moyens employés pour y mettre un terme. Le CNCDH est une institution française accréditée aux Nations Unies. Cette année, le rapport met l’accent sur le racisme anti-Noirs. Magali Lafourcade explique en détail la méthode de travail, qui analyse les préjugés. Les préjugés ne sont pas des actes. Mais ils en sont à la racine. Avec un agrégat de questions très complet, il est possible de distinguer ce qui relève du conjoncturel – comme l’unité nationale de la France de 1998, ou le fossé des émeutes de 2005 – et ce qui est d’ordre structurel – avec, en ce moment, comme un plafond de verre des niveaux de tolérance. Certains paradoxes apparaissent : si les Juifs semblent plutôt bien intégrés, ils n’en concentrent pas moins un nombre d’actes de haine élevé. Certaines tendances : plus l’on est jeune, et plus plus on est ancré dans la norme de référence de l’anti-racisme. Ou cet autre facteur : plus vous avez des relations transculturelles, plus vous êtes tolérant. On observe également une corrélation entre toutes les formes de haine et de préjugés : si vous n’aimez pas les Noirs, vous aurez plutôt tendance à ne pas aimer non plus les Arabes, les Juifs, les Roms, mais aussi les homosexuels, les LGBT, les gros, ou encore les femmes émancipées.

Pourquoi ? Probablement parce que ces haines viscérales viennent de la peur de l’autre. D’où un rejet violent, chez les personnes racistes, de ceux qui ne leur ressemblent pas. Il y aurait un lien entre la haine, la peur et l’ignorance. C’est ce qu’explique Kéren Desmery, dont le premier livre vient d’être publié : Education à la liberté responsable, les perspectives d’un enseignement moral et civique, avec une préface de Jean Baubérot. Le livre est consacré à la mise en place de l’EMC (Enseignement Moral et Civique) en France et aux difficultés rencontrées. Trop souvent, cet enseignement est laissé à la marge, lorsque le reste du programme est effectué. Les enseignants devraient recevoir une formation plus adaptée. Car l’enjeu est crucial : dès la petite enfance, le rapport à l’autre se construit. Entre les valeurs transmises par l’école, ce que l’on entend dans la cour, à la maison, ce qu’on lit sur internet, toutes sortes de préjugés peuvent naître. Parfois, de petits gestes, des regards, des choses non quantifiables se révèlent lourdes de conséquences. Cela rentre dans le champ des micro-violences, bien réelles. L’éducation a un rôle à jouer pour lutter contre les discriminations. On éduque à la liberté, à l’autonomie. Eveiller l’esprit critique chez les jeunes est salutaire.

La députée Elodie Jacquier-Laforge rappelle avec force que, si le réflexe de peur de l’autre est humain, le racisme ne constitue pas une opinion mais bien un délit. Sur le maniement des statistiques ethniques, nos 3 intervenantes s’accordent pour préconiser la prudence. Le risque d’essentialiser les personnes à une identité figée existe. Kéren Desmery renchérit sur la nécessité de savoir de quels outils l’on dispose pour obtenir ces statistiques, sur la méthode pour les interpréter. L’universalisme est, à ses yeux, une meilleure approche. Elodie Jacquier-Laforge revient sur le temps long de l’histoire des statistiques, montrant qu’elles peuvent soit servir à combattre les inégalités, soit à l’inverse stigmatiser les personnes en leur assignant une identité. Et si l’on souhaite aller dans la direction ds statistiqus ethniques, remarque Elodie Jacquier-Laforge, cela relève du niveau constitutionnel. Il faudrait réviser la constitution.

Comment apprécier le racisme au sein des institutions ? Magali Lafourcade récuse l’idée que la France serait un Etat raciste. Mais il y a du racisme dans tous les segments de la société française, et donc également au sein de l’Etat. Revenant sur les années 1980, où la revendication était d’abord de danser librement, en boîte de nuit, pour se transformer, avec les années, en prise de conscience des difficultés à trouver un logement, un emploi, elle décrit un processus, avec sa logique de fermeture et d’exclusion encore trop présente. L’ouvrage Fatima, moins bien notée que Marianne, de François Durpaire et Béatrice Mabilon-Fils  (2016) développe cette thèse et défend une laïcité d’inclusion.

Pour Magali Lafourcade, l’école demeure un lieu d’espoir, les enseignants étant plutôt bien formés aux stéréotypes de genre. Quant à la police, les pressions et le manque de formation sont criants. On ne parle pas suffisamment du manque d’encadrement de la police. Il est vrai que les contrôles au faciès existent. La couleur de peau augmente considérablement les chances de se faire contrôler, comme si la couleur de la peau renvoyait directement à une extranéité. Et si l’on observe ne serait-ce que le congrès des maires de France, ou telle profession prestigieuse, comme cardiologue, force est de constater que les minorités visibles sont encore peu présentes. Sur les discours de haine, sur la haine véhiculée par internet, Elodie Jacquier-Laforge estime qu’il y a encore à faire, au niveau de la justice, pour que la répression soit efficace.

Sur notre rapport à l’histoire, nos intervenantes soulignent qu’il faut connaître son passé pour s’orienter vers l’avenir. Connaître et comprendre ne signifiant pas tout admirer en bloc. Mais plus les esprits sont éclairés, et plus les hommes sont libres, affirme Kéren Desmery, qui enseigne également dans les prisons. Il faut aussi accepter, dit Elodie Jacquier-Laforge, que l’Histoire soit complexe. Que ce soit sur Jules Ferry et son appréciation du colonialisme, sur l’histoire de la guerre d’Algérie, sur celle du Rwanda, il est nécessaire de se plonger dans les archives et de ne pas occulter les parts d’ombre.

Magali Lafourcade observe une société civile de plus en plus fracturée, entre des ONG universalistes, des ONG qui soutiennent des causes plus communautaires, et des ONG identitaires. Ces divisions sont très dommageables car, face à cette désunion, les néo-conservateurs, eux, commencent à se structurer. Plus que jamais, le combat contre toutes les formes de racisme est nécessaire.

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