đAutonomie du grand-aÌge : " le maiÌtre mot est la preÌvention", interview du dĂ©puté Cyrille Isaac-Sibille

Cyrille Isaac-Sibille, dĂ©putĂ© du RhĂŽne, secrĂ©taire de la commission des affaires sociales Ă l'AssemblĂ©e nationale, propose un plan de prĂ©vention pour favoriser un vieillissement en bonne santeÌ physique et mentale, au sein dâun domicile adapteÌ. Entretien.
Vous portez des propositions "Grand Ăąge et autonomie". A quels besoins souhaitez-vous reÌpondre?
Le vieillissement est un processus continu et progressif dâalteÌration naturelle qui commence toÌt dans lâaÌge adulte. Au deÌbut de lâaÌge muÌr, de nombreuses fonctions corporelles, cognitives et psychologiques peuvent commencer aÌ deÌcliner progressivement.
Vieillir et conserver un bon eÌtat de santeÌ geÌneÌral neÌcessite dâadopter certaines habitudes saines. AÌ savoir :Â
- âSuivre un reÌgime alimentaire eÌquilibreÌ
- Pratiquer de lâactiviteÌ physique (meÌme douce comme la marche) reÌgulieÌrement
- âRester actif en maintenant des activiteÌs sociales.
Plus nous deÌveloppons ces habitudes toÌt, mieux câest. Le passage aÌ la âretraiteâ est un point dâeÌtape et lâoccasion de rappeler les bons gestes et les habitudes de vies aÌ adopter.
Vous eÌtes meÌdecin. Est-ce votre expeÌrience qui vous conduit aÌ formuler ces propositions ?
Fortement sensibiliseÌ par le vieillissement du fait de mon exercice professionnel et dâeÌlu local, jâai pu constater que le plus terrible pour les personnes aÌgeÌes pouvait eÌtre lâisolement social.
Quâest-ce que les reÌgimes de "care"?
Vivre aussi bien que possible!
Le "care" aux aiÌneÌs neÌcessite de "prendre soin" des personnes qui se trouvent dans lâincapaciteÌ dâeffectuer des activiteÌs de la vie courante (Henrard, 1992). On peut le concevoir comme constituant un "reÌgime" (Bettio, Simonazzi & Villa, 2006) parce quâil est fondeÌ sur une articulation systeÌmatique entre des pratiques institutionnelles, organisationnelles et individuelles (au niveau familial) qui ont toutes en commun dâavoir un impact direct sur la façon dont lâaide et les soins aÌ domicile aÌ lâeÌgard de personnes aÌgeÌes sont fournis. Ce reÌgime couvre les soins parameÌdicaux, les soins personnels, les taÌches domestiques et lâaccompagnement social.
Pourquoi preÌconisez-vous un parcours de preÌvention pour favoriser lâautonomie des personnes aÌgeÌes, sâinspirant du modeÌle de la petite enfance ?
Le vieillissement est physiologique et non pathologique. Le grand aÌge neÌcessite un accompagnement des actes quotidiens de la vie, du logement, des aidants et une aide pour lutter contre la solitude.
Lâaccompagnement doit commencer toÌt, par des deÌmarches de preÌvention primaire (habitudes de vie), secondaire (surtout prendre en soins certains facteurs de risques), tertiaire une fois que les maladies sont deÌclareÌes voire quaternaire pour eÌviter la iatrogeÌnie (entraiÌneÌe par la prise de nombreux meÌdicaments), ceci âdeÌs la retraite âafin dâanticiper lâentreÌe ineÌvitable (et souhaitable) en bonne santeÌ dans le grand aÌge.
La question du maintien de lâautonomie dans les aÌges avanceÌs de la vie se rapproche de celle de la prise en charge des enfants. Dans les deux cas, il est question de deÌpendance, dâaide et de soins, de care,â mais aussi de reÌpartition de la charge entre proches, parents et socieÌteÌ (collectiviteÌs territoriales, systeÌmes de protection sociale, Etat).
Nous devons nous inspirer dâun modeÌle qui a fait la preuve de son efficaciteÌ : la politique petite enfance.
Le parcours âpetit enfanceâ se caracteÌrise par une prise en charge deÌs les premiers jours avec lâexistence de visites meÌdicales obligatoires, la preÌsence de personnels qualifieÌs et certifieÌs, des modes de garde diversifieÌs (domicile et eÌquipements) et des aides aux familles (congeÌs parentaux, enfants malades ...)
Comment parvenir aÌ une autonomie du grand-aÌge ?
Le maiÌtre mot est la preÌvention.
Il nous faut reculer au maximum la perte dâautonomie et ainsi la prise en charge de la personne en perte dâautonomie. Parcours durant lequel la personne devra eÌtre consideÌreÌe comme une personne citoyenne.
Le vieillissement nâentraiÌne pas systeÌmatiquement des deÌpendances lourdes : les chercheurs sâaccordent pour constater que le deÌclin de lâautonomie ne concerne quâune minoriteÌ de personnes treÌs aÌgeÌes.
Et souvent il ne reÌsulte que de lâinadeÌquation entre les capaciteÌs de lâindividu aÌgeÌ et son environnement. Une large fraction des citoyens aÌ cheveux blancs reste autonome.
Ces constats ameÌnent aÌ une conclusion eÌvidente : il est plus inteÌressant dâaxer les mesures dâaccompagnement autour du "bien vieillir", câest-aÌ-dire preÌparer, pour tous, le meilleur avenir possible. Par exemple en permettant aux aiÌneÌs de rester aussi longtemps que possible en bonne santeÌ, actifs et autonomes avec la meilleure qualiteÌ de vie.
La perte dâautonomie est plus souvent eÌvolutive que brutale ; elle peut eÌtre freineÌe, voire eÌviteÌe, moyennant des actions meÌdicales, techniques, humaines mais aussi environnementales et de manieÌre geÌneÌrale graÌce aÌ âdes actions de preÌvention cibleÌes, coordonneÌes et deÌs la retraite, voire plus toÌt.
La preÌvention pour le grand aÌge doit eÌtre organiseÌe pour que les citoyens puissent identifier clairement leur interlocuteurs et un parcours de preÌvention grand-aÌge.
Pour cela il est neÌcessaire dâorganiser :
- la gouvernance de la preÌvention grand-aÌge,
- clarifier les missions de chacun,
- deÌfinir les responsables,
- deÌsigner lâopeÌrateur afin que les familles puissent lâidentifier,
- son financement.
Le souhait de "rester chez soi"Â induit des ameÌnagements de lâhabitat et un accompagnement par des personnels compeÌtents et reconnus ?
Il existe deux voies "classiques"Â offertes aux personnes aÌgeÌes, que sont le maintien aÌ domicile et lâheÌbergement institutionnel. Il serait plus judicieux de consideÌrer un veÌritable continuum entre ces deux eÌtats, meÌnager des transitions douces pour eÌviter les ruptures et promouvoir la qualiteÌ de vie.
Objectif : favoriser le "chez soi" le plus longtemps possible et anticiper lâheÌbergement "au moment opportun".
Au niveau des politiques publiques, il faut favoriser les villes ou quartiers "amis des aiÌneÌs"Â en mettant en place des politiques publiques transversales afin dâassurer lâarticulation entre le logement, les espaces exteÌrieurs, lâacceÌs aux services et les mobiliteÌs des aiÌneÌs.
Vieillir dans des conditions qui favorisent lâautonomie, le bien-eÌtre et la participation implique de prendre en compte lâenvironnement graÌce aÌ des logements adaptables, situeÌs dans des environnements favorables avec des services adapteÌs, bien desservis par les transports en commun.
Comme le preÌconise le rapport Libaulât, promouvoir lâhabitat alternatif est une des prioriteÌs :
- La personne aÌgeÌe doit se sentir "chez elle"Â quel que soit son lieu dâhabitation,
- EÌtre en capaciteÌ de proposer des solutions individuelles et adapteÌes aÌ la situation de la personne avec des recommandations dâeÌvolution de son lieu dâhabitation.
- DeÌvelopper des formes alternatives au logement individuel et de financement.
Aujourdâhui, les meÌtiers dâaide aÌ domicile sont deÌconsideÌreÌs. Quels sont les enjeux de formation et de reconnaissance de cette filieÌre ?
ReconnaiÌtre financieÌrement et rendre plus attractifs les meÌtiers qui demandent un vrai professionnalisme en :
- CreÌant une filieÌre "vieillissement", sanitaire et meÌdico-sociale, en miroir aÌ la filieÌre infantile (pueÌricultrices, animateurs jeunes enfants, peÌdiatres, psychologues...), et non plus uniquement des aides de vie (EVS) qui ne peuvent envisager aucune eÌvolution de poste
- Structurant les interventions aÌ domicile (administration de meÌdicament, toilettes..) via une formation diploÌmante pour les personnels
- Coordonnant les interventions aÌ domicile avec les soins infirmiers (SAD/SIAD). Favorisant les temps collectifs et mieux valoriser les savoirs professionnels
- Faisant eÌvoluer les compeÌtences et les formations pour preÌparer les professionnels aux nouvelles attentes.
Pensez-vous quâau-delaÌ de son approche sociale ces propositions pourraient favoriser la croissance ?
L'accompagnement des personnes aÌgeÌes va demander la creÌation de nombreux emplois, services et technologies qui ne peuvent quâeÌtre favorables aÌ lâeÌconomie !