🏛Débat sur la politique migratoire : intervention de Marielle de Sarnez à l'Assemblée nationale

MDS AN

Marielle de Sarnez s'est exprimée sur la politique migratoire de la France et de l’Europe en qualité de présidente de la commission des Affaires étrangères et en tant qu'oratrice du groupe Mouvement Démocrate et apparentés à l'Assemblée nationale, le lundi 7 octobre 2019. Retrouvez son discours. 

Pour la première fois, un débat est organisé en présence du Premier Ministre et de plusieurs membres du gouvernement.

Cette initiative mérite d’être saluée.

C’est la prise en compte d’un fait évident : la réponse à la grande question des migrations, elle ne peut plus être partielle, elle doit être globale. Elle ne peut plus dépendre d’un seul département ministériel mais d’une action d’ensemble, définie, explicite et fédératrice.

La question des migrations est une question à la dimension du siècle.

Le nombre des migrants a augmenté de 40 % en quinze ans. Celui des réfugiés a plus que doublé en moins de dix ans.

Cette évolution est globale. L’Europe est loin d’être la plus concernée. Le plus souvent la migration se fait en direction des pays voisins, les plus proches des zones de conflits, de catastrophes et de misère.

Cette évolution est durable. Aucune de ses causes, guerres, crises politiques, pression démographique, pauvreté, inégalités, changement climatique, ne disparaîtra à court terme.

Nous voilà donc devant une des plus lourdes responsabilités qu’une génération doive assumer.

Et il est juste de dire que les peuples ont le sentiment, pour ne pas dire la certitude, qu’il n’y a pas de politique définie conduite par les nations et les grands ensembles, sur la question des migrations.

Quand la puissance publique est impuissante, alors les peuples se retournent contre les responsables désarmés et prennent en même temps pour cible les migrants en un rejet qui touche à la couleur de peau, à l’origine, à la religion.

Il suffit d’énoncer ces faits pour comprendre à quel point nous avons besoin d’une vision d’ensemble, pour dessiner une politique publique qui prenne en compte les sensibilités de tous. 

D’abord les pays d’origine, parfois ambivalents. Ils sont désarmés devant la fuite des plus jeunes, souvent les plus instruits; mais ils bénéficient aussi d’une source considérable de revenus, via les transferts, 500 milliards de dollars par an au niveau mondial.

Ensuite, les pays de transit, qui servent de cadre à tous les trafics, aux dérives mafieuses, aux traitements inhumains, à la violence, et parfois au terrorisme.

Enfin les sociétés d’accueil, pour lesquelles la question de la capacité à intégrer de nouveaux arrivants dans de bonnes conditions est légitime, tant est ressentie comme pressante la question sociale et culturelle. 

Ma conviction est qu’il est possible de définir une politique en matière de migrations et de la faire partager aux Français comme à nos partenaires.

Et je veux énoncer ce que devraient être, à mes yeux, les principes d’une telle politique.

Premier principe : nous devons séparer la question de la migration économique de celle de l’asile.

Il y a un large accord dans la nation, et parmi ses élus, pour préserver et sanctuariser le droit d’asile.

Mais l’exercice de ce droit est menacé.

L’asile étant la seule voie ouverte aujourd’hui, les migrants s’y engouffrent quelle que soit la réalité de leur situation, d’où des taux de refus élevés, proches de 70%, et une confusion dans l’esprit de nos compatriotes entre migrants économiques et réfugiés.

Et, faute de règles communes au sein de l’Union européenne, un très grand nombre des demandes d’asile enregistrées en France sont en réalité des demandes refusées chez nos voisins. 

La conclusion, elle est évidente : l’urgence est à recentrer notre politique de l’asile, et à le faire dans un cadre européen harmonisé.

Je plaide pour que soit établie, entre pays européens, entre démocraties européennes de plein exercice, une reconnaissance mutuelle des décisions prises sur l’asile. Ainsi sera évité le réexamen des dossiers déjà traités par un partenaire européen.

Je plaide pour faire converger nos taux de reconnaissance. Deux demandeurs d’asile afghans sur trois reçoivent un statut en France, moins d’un sur deux en Allemagne, un sur trois en Suède. Rien ne justifie que des États de droit, des démocraties appliquant les mêmes textes internationaux et européens, arrivent à des résultats si divergents.

Et de la même manière, il nous faut faire converger nos procédures et nos pratiques. En matière d’accueil, d’aides, de conditions d’hébergement, d’accès au travail. Et en matière de délai de réponse. 

Pour des raisons d’efficacité bien sûr, mais avant tout pour des raisons humaines, ces délais doivent être réduits. Nous sommes encore aujourd’hui en France à plus de 12 mois. C’est beaucoup trop long. 

Il y a enfin le retour de ceux qui sont déboutés.

La situation n’est pas satisfaisante pour notre pays. Il nous faut une politique de retour plus efficace qui se rapproche des procédures pratiquées par de nombreux pays européens.

Enfin, il faut que nous Européens soyons solidaires. Solidaires des pays de destination, et des pays en première ligne pour le premier accueil. Aucun pays européen ne devrait pouvoir être abandonné seul face aux crises migratoires, comme ce fut le cas pour l’Italie et pour la Grèce.

La non-gestion de la crise migratoire par l’Union européenne a déjà eu un prix politique très lourd.

Quelles que soient les difficultés, nous devons bâtir une véritable politique commune de l’asile en Europe. Et le faire vite.

Et c’est pourquoi, deuxième grand principe, nous devons traiter au grand jour de la question des migrations économiques.

Actuellement, les migrants économiques entrent le plus souvent sur notre sol de manière illégale, ou s’y maintiennent de la sorte après expiration du visa, et puis ils survivent en situation irrégulière, et ils sont finalement régularisés.

Ce mode de fonctionnement pérennise l’installation illégale de migrants sur le sol français. Ceux qui sont en situation irrégulière ne vont évidemment pas faire des allers et retours volontaires avec leur pays d’origine.

L’hypocrisie générale en cette matière n’aide personne et paralyse la réflexion depuis trop longtemps.

Il est temps de dessiner une autre vision et de débattre enfin de l’ouverture de voies légales pour la migration du travail.

Notre dispositif légal en la matière, il est un des plus faibles de toute l’Europe, et il ne fonctionne pas. C’est parfaitement illustré par la fameuse liste des métiers en tension, jamais révisée depuis 2008. 

Nous pouvons, avec l’ouverture d’une voie légale d’accès pour les migrants économiques, concertée avec les partenaires sociaux, contrôlée par le Parlement, leur proposer un avenir qui ne passe pas par l’exode, mais qui favorise des allers retours positifs, avec des visas permettant des entrées et sorties multiples.

C’est un changement total de modèle qui entre en résonance avec la situation de nombreux pays africains qui offrent aujourd’hui des opportunités réelles de réinstallation après quelques années d’études ou de travail en Europe.

Ce nouveau dispositif marchera si nous conduisons une action déterminée pour faciliter la reconnaissance des diplômes étrangers, garantir la portabilité des droits sociaux, valider les acquis, adapter les formations.

Et si nous concevons une politique d’intégration qui marche, s’il est juste de dire que la participation de tous à la société qui les accueille exige de chacun le respect de nos valeurs fondamentales, il est juste aussi de dire que la politique publique française d’intégration ne fonctionne pas.

C’est bien l’ensemble de ces parcours qu’il faut repenser. Langue, logement, travail. Et là aussi il y a urgence.

Enfin, troisième grand principe, un partenariat nouveau avec les pays du Sud, en particulier avec l’Afrique, doit être initié. Avec une obsession, et une seule : redonner des perspectives d’avenir et de l’espoir à la jeunesse africaine.

Les inégalités entre pays pauvres et pays riches doivent être combattues sous une forme nouvelle. Il ne s’agit plus ici d’assistance ou d’aide au développement. Il s’agit de penser, avec les Africains, une stratégie qui serve d’abord LEURS intérêts.

Nous avons les uns et les autres, en Europe mais pas seulement, conduit des politiques qui ont eu des aspects négatifs.

Je pense aux accords qui ont permis à de nombreux pays, au premier rang desquels les pays européens, d’exporter massivement des produits à bas coût vers les pays africains, ce qui les a profondément déstabilisés.  

L’agriculture africaine a été la grande oubliée des politiques publiques. Je crois au contraire que l’autosuffisance alimentaire, qui a été l’un des grands objectifs initiaux de la construction européenne, constitue pour l’Afrique de demain un objectif essentiel.

Et l’Afrique continue de subir le pillage de ses ressources naturelles par de grandes puissances qui les exploitent et les transforment à leurs seuls bénéfices. Résultat, avec 30 % des ressources naturelles mondiales, l’Afrique subsaharienne ne produit sur son sol que 3 % de la richesse économique mondiale. Le monde, et ses institutions, ne peut plus accepter que ce continent soit ainsi pillé.

Ces ressources appartiennent aux Africains. C’est à eux qu’il revient de maîtriser et de transformer leurs matières premières afin de générer de la valeur ajoutée, de l’emploi, et de redonner espoir aux générations futures.

C’est bien une politique de rupture qu’il faut penser et mettre en œuvre, en étant à l’écoute de la jeunesse africaine et de ses justes aspirations à la démocratie. 

Chers collègues, la question des migrations touche à ce qu’il y a de plus essentiel.

Elle touche à la lutte contre les inégalités et donc à l’équilibre du monde.

Elle touche à la cohésion et à l’unité de nos sociétés.

Elle touche enfin à la capacité qu’auront demain les peuples de vivre ensemble sur une même planète.

C’est notre devoir et c’est notre responsabilité que d’y répondre.

Je vous remercie.

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