Grand Débat sur l'avenir de l'Europe

La fête de l'Europe implique de réfléchir ensemble à l'avenir de l'Union européenne, avec ses forces, ses doutes et son extraordinaire potentiel. La députée Marie-Pierre Vedrenne a dialogué avec deux invités : Mikayil Tokdemir, directeur de la Maison de l'Europe de l'Eure et Joachim Bitterlich, membre du conseil d'administration de l'Institut Jacques Delors.

Les 7 et 8 mai s'est tenu le sommet social de Porto. A Strasbourg, le 9 mai, le président de la République Emmanuel Macron a rappelé avec force que l'Europe doit aller "plus vite et plus fort". Si les déclarations sont indispensables, les actions concrètes doivent suivre. C'est tout l'enjeu de la future présidence française de l'Union européenne en 2022.

Quelles perspectives la présidence française de l'Union européenne peut-elle tracer ? Marie-Pierre Vedrenne souligne que le regard de Joachim Bitterlich, européen, allemand, sur la présidence française est précieux pour nous. Pour penser en européen, il faut ouvrir le regard. Joachim Bitterlich reconnaît que, bien souvent, le calendrier européen ne tient pas compte des calendriers nationaux. En 2022, le gouvernement français devra d'abord regarder vers l'Allemagne, où un nouveau Parlement sera élu le 26 septembre, puis un nouveau gouvernement, probablement entre les chrétiens démocrates et les écologistes.

La présidence française pourra-t-elle laisser la place à des sujets spécifiques ? La redéfinition du cadre de Maastricht, par exemple, sujet extrêmement difficile mais crucial. La pression sur la définition de la dette Covid constitue également une question essentielle.

Il faut regagner la confiance du citoyen. Avec la crise sanitaire, l'Union européenne a perdu une partie de la confiance des citoyens, à tort, car c'est surtout la gestion des Etats-membres qui a suscité la défiance. La Commission n'avait jamais négocié des contrats aussi importants que pour les vaccins. Pouvoir se les procurer de manière équitable est un défi à relever. Ce sont les gouvernements qui n'ont pas suffisamment veillé à la communication sur le vaccin, qui est tout de même un grand succès de start up.

Pour 2022, Joachim Bitterlich propose d'explorer 4 axes :

- Comment assurer à terme notre modèle d'économie sociale européenne ? Comment aller vers une politique commerciale plus claire de l'Europe ? Quels sont les domaines à développer avec les Etats-Unis et, en même temps, comment tenir compte au mieux de nos forces, de nos faiblesses et, surtout, de nos possibilités d'autonomie stratégique ? D'autres sujets, comme la protection de l'environnement, la digitalisation de l'Europe, le vieillissement des populations, méritent toute l'attention.

- Un deuxième grand sujet, la sécurité intérieure, est primordial. Comment faire de la coopération un succès, en matière de coopération de police, d'immigration. La politique de visas et d'asile, la protection des frontières de l'Union Européenne, l'Europe y travaille depuis les années 1980, jusqu'aux accords de Schengen. Pour Joachim Bitterlich, le verre n'est même pas à moitié plein. Aux yeux d'une partie des citoyens, les Etats ont perdu leur souveraineté.

- Troisième grand sujet : Une coopération plus étroite en matière de sécurité et de défense.

Depuis l'initiative franco-allemande de 1991, l'objectif demeure toujours loin. Le temps serait mûr, aux yeux de Joachim Bitterlich, grâce à l'ouverture des Etats-Unis, qui accepteront davantage un véritable pilier. Nous avons besoin d'un programme intensif, courageux, d'un engagement commun. Dans cette ouverture, la France et l'Allemagne doivent pouvoir œuvrer ensemble.

- Quatrième sujet :  Construire une polit commune vis-à-vis de nos voisins et à l'échelle internationale.

Si vous établissez un état des lieux, une chaîne est visible. Par rapport à la Chine, la Turquie, et bien d'autres, des incertitudes, des risques se font jour. Or, l'on ne peut pas centraliser toutes ces politiques à Bruxelles, mais il nous faut concerter nos forces.

Le pragmatisme et l'efficacité devraient permettre d'avancer, d'agir plus près des citoyens. Peut-être devra-t-on, dans certains domaines, avancer dans un cadre plus restreint, comme nous le faisons pour l'euro. La question des régions transfrontalières, entre la France et l'Allemagne, entre la France et l'Espagne, entre l'Allemagne et les pays du Benelux, est également décisive.

"Soyons sereins, ouverts, l'UE nécessite toujours un esprit révolutionnaire", conclut Joachim Bitterlich, se référant à Robert Schuman, Konrad Adenauer, François Mitterrand ou Jacques Delors. La construction européenne ne sera jamais parfaite, elle se développera toujours par le compromis, elle prêtera toujours le flanc à la critique. Essayons d'avancer en concertation sur l'essentiel, avec pragmatisme et efficacité, en rêvant, mais pas de trop.

"C'est peut-être mieux d'Europe que nous avons besoin" renchérit Marie-Pierre Vedrenne. Mikayil Tokdemir abonde dans ce sens. La Conférence sur l'avenir de l'Europe met en place un outil de démocratie participative. En s'appuyant longuement sur cet outil, en le prenant véritablement au sérieux, on peut espérer un progrès démocratique. La Maison de l'Europe de l'Eure a organisé un premier événement pour mobiliser des acteurs de terrain, Pôle emploi, la CAF, tous les publics qui ne voient pas encore ce que l'Europe représente et apporte. De cette consultation, il ressort que l'écologie revient à 80% auprès des citoyens, avec l'objectif d'un continent neutre en carbone à l'horizon 2050. Dans le monde rural, l'inquiétude s'exprime : l'écologie va-t-elle modifier la nature du travail? Mikayil Tokdemir y insiste : Pour intéresser et mobiliser les citoyens, il faut traiter des sujets de préoccupation du quotidien.

 

La Maison de l'Europe de l'Eure a reçu la visite des secrétaires d'Etat Clément Beaune et Sarah El Haïry, qui ont tous deux affirmé que la jeunesse doit porter l'Europe. C'est un enjeu d'avenir. Des missions Europe ont été annoncées, un programme Europe spécifique, pour que des jeunes parlent à d'autres jeunes, pour

mobiliser des ambassades dans le monde, pour mobiliser la jeunesse. Le corps européen de solidarité est un programme qui permet à la jeunesse de s'engager dans un service d'Etat à l'étranger, en ne déboursant rien du tout. Il s'agit d'équité, de justice sociale. Un jeune en mal-être, bloqué dans son existence, qui part un an à l'étranger, s'ouvre à l'altérité, et trouve plus facilement un travail lorsqu'il revient.

Susciter une envie de démocratie est à la fois nécessaire et difficile. Comment mobiliser les gens indifférents à l'Europe ? C'est un travail au quotidien, de leur montrer les chances que représente l'Europe.

"On voit bien toute l'interaction de la commune au monde, tout est interconnecté." ajoute Marie-Pierre Vedrenne. Si l'Europe fait œuvre de pédagogie, elle fera naître la confiance. Il nous faut une Europe plus forte. pour y arriver, il faut faire preuve de patience et de courage.

Joachim Bitterlicih fait part de son étonnement : Hier, il a entendu que seuls 3% des journaux télévisés français sont consacrés à l'Union européenne. Il faut faire quelque chose pour la communication au niveau européen.

L'Europe doit se ressaisir sur la base de ses forces, pas intégrer à n'importe quel prix, mais se concentre sur des priorités, se servir du meilleur et développer ces priorités ensemble. Si l'on additionne le plan de relance européen et les plans nationaux, on dépasse la somme mise par les Etats-Unis. A méditer. Avec les USA, le temps est mûr pour un meilleur partenariat. Les Etats-Unis seront un allié toujours plus proche que nous que la Chine qui peut être un partenaire mais restera toujours un concurrent, remarque Joachim Bitterlich. Etablir une réciprocité économique avec la Chine serait un vrai enjeu stratégique, pour l'instant non atteint.

La politique vis-à-vis de l'Afrique, où Europe doit se rétablir rapidement, doit être mise en œuvre. L'Afrique est notre voisin au Sid et actuellement ce sont les Chinois qui y arrivent. Nous nous devons d'établir une coopération d'égal à égal avec l'Afrique. Pour l'instant, nous comptons 27 politiques nationales avec l'Afrique, plus celle de Bruxelles. Ne serait-il pas temps de développer une politique plus concertée et plus visible ? Si nous continuons à mener des politiques égoïstes, c'est l'Afrique qui viendra aux portes de l'Europe.

Mikayil Tokdemir revient sur l'idée d'une Europe sociale. Il y a une forte demande de social. Pourquoi tant de différences entre les Européens ? Il nous faut agir en cohérence. Le plan de relance, une Europe de la santé, travailler pour changer le monde au niveau écologique, pour devenir une puissance face à la Chine, face aux Etats-Unis, autant de défis. Aujourd'hui, l'Union européenne demeure l'espace où il y a le plus de libertés au monde. Ce sont nos valeurs, sur lesquelles il ne faut pas transiger. Nous travaillons au quotidien sur ces valeurs, sur l'Etat de droit.

Joachim Bitterlich estime qu'il serait bon de créer un Fonds Monétaire Européen. La Banque Centrale Européenne remplit sa part du contrat mais il se trouve toujours des situations où l'Union européenne devra aider un Etat ou un autre en difficulté. Il existe un Fonds Monétaire International, il faudrait avoir cette même idée à l'échelle européenne.

Mikayil Tokdemir revient sur le but fondamental des Maisons de l'Europe : comprendre l'autre. Pour créer de la solidarité, pour œuvrer à des projets communs, il faut s'intéresser à la culture de l'autre. Avec les pays de l'Est, avec l'Afrique, nous ne devons jamais nous tenir dans une position de dominants à dominés, mais se considérer d'égal à égal. En ce moment, avec une collègue, il s'intéresse particulièrement à la Hongrie, et à la manière dont les jeunes y parlent d'Europe.

Marie-Pierre Vedrenne reconnaît que l'on a du mal aujourd'hui à retrouver le narratif européen. Or, c'est ce fil qui nous relie. Un récit commun, que l'on n'a pas à inventer de toutes pièces, nous l'avons en partage depuis des siècles. Encore faut-il le faire partager. L'Europe est née pour établir une paix durable. Des acquis comme l'euro ou Erasmus sont des jalons précieux. Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins. Avec le pacte vert, avec la décennie du numérique, une Europe de la santé, une Europe tournée vers l'Afrique, l'Union européenne peut donner le la pour l'avancée dans le monde. Comme l'a affirmé Jacques Delors, l'Europe de la solidarité, c'est l'épreuve de vérité.

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