"Le PS et l'UMP sont en situation de rupture interne"

François Bayrou, maire de Pau et Président du MoDem, était l'invité de Jean-Bourdin lundi 28 avril sur RMC & BFM TV. Retrouvez ici l'intégralité de l'entretien.

Jean-Jacques Bourdin : Alstom, 18 000 salariés en France, ce matin Arnaud Montebourg juge prématuré une nationalisation d’Alstom, vous aussi ? Vous êtes opposé à toute idée de nationalisation provisoire d’Alstom? 

François Bayrou: Je n’ai jamais été opposé, j’avais d’ailleurs soutenu Nicolas Sarkozy lorsqu’en 2004 il a procédé à cette nationalisation provisoire pour sauver cette entreprise qu’est Alstom. L’Etat lorsque la situation l’exige, a le devoir et le pouvoir d’intervenir. Il y a aujourd’hui pour l’Etat d’autres manières d’intervention. 

Il faut savoir qu’un investissement américain dans un domaine aussi sensible que l’énergie, prenons l’exemple d’Alstom. L’entreprise construit les turbines qui transforment la chaleur et la vapeur d’eau en électricité. Dans ce domaine, pour la France et pour l’Europe, c’est donc bien un secteur clé. L’Etat a le pouvoir de dire si il accepte l’investissement ou non. Le gouvernement a donc une responsabilité très importante ce matin. Il doit décider quel est son choix politique pour l’avenir. 

JJB : Dès lors, que doit-il faire ? 

FB : Il y a une aventure industrielle qui est citée en exemple dans le monde entier et qui fait la fierté des Français tout en créant des emplois, c’est Airbus. Airbus c’est la réunion d’entreprises françaises et allemandes autour d’un projet industriel commun dans l’aviation. 

Nous avons deux projets industriels ici, le premier c’est l’énergie avec les turbines et le deuxième c’est le TGV. Ces deux sujets doivent devenir deux nouveaux Airbus. Or il se trouve que nous avons avec Siemens un partenaire très proche de nous et qui peut permettre à l’Europe d’avoir une politique industrielle. 

Une dernière remarque à ce sujet, sur votre écran, il était inscrit que le sort d’Alstom serait réglé dans les 48 heures. Cela veut tout simplement dire que nous n’avons pas de politique industrielle, ce n’est pas en deux jours que doivent se prendre des décisions d’une telle importance. La France et l’Europe n’arrivent pas à mettre en place des stratégies industrielles pour l’avenir, c’est une faiblesse majeure.

JJB : Refaisons donc un peu d’histoire, en 2004, Nicolas Sarkozy sauve provisoirement Alstom avec de l’argent public de l’Etat…

FB : Argent que l’on a récupéré et avec plus d’un milliard de bénéfices ! 

JJB : Une partie d’Alstom a été revendue au groupe Bouygues, qui lui même n’a pas beaucoup investi dans Alstom. Sauver une entreprise pour un temps c’est bien mais par la suite que faut il dès lors faire ? 

FB : Une succession d’erreurs industrielles ont été commises et de mauvais choix ont été faits. Si Alstom est difficulté depuis 15 ans, c’est parce que ceux qui ont choisi de vendre Alstom du temps où il était avec Alcatel, ont en même temps décidé de vider la trésorerie de l’entreprise. 

Au moment de vendre, ils ont vidé de plusieurs milliards d’euros la trésorerie pour se constituer un portefeuille avec Alcatel. On sait hélas ce qu’il est advenu par la suite. Pour moi, Alstom est aujourd’hui le symptôme de l’absence de politique industrielle française et européenne. 

"Une succession d’erreurs industrielles ont été commises"

JJB : Le Gouvernement doit donc privilégier la solution Siemens ? 

FB : Le Gouvernement doit privilégier avec Siemens, en forçant un peu le trait. Et le gouvernement allemand a tout intérêt à aller dans le même sens. Nous devons privilégier une solution qui permettra de bâtir une entreprise efficace de taille mondiale, 100% européenne, dans l’énergie et le transport en train à grande vitesse. 

JJB : L’Etat doit-il rentrer dans le capital de l’entreprise ? 

FB : C’est au gouvernement d’en décider, vous savez bien le problème que je répète sans cesse. Nous avons creusé notre déficit de jour en jour, nous n’avons pas les moyens d’une intervention qui serait la bienvenue dans les circonstances actuelles. 

JJB : La France n’est-elle pas en train de se désindustrialiser totalement ? 

FB : J’ai fais ma campagne électorale sur le « Produire en France », j’ai défendu les règles qui devaient permettre de rebâtir cette puissance que nous avons eu il n’y pas si longtemps, mais que n’avons plus. Lafarge est parti en Suisse, Publicis est parti aux Pays Bas, une succession d’entreprises qui s’échappent car l’image de la France, au moins autant que sa réalité, est dégradée aux yeux de tous ceux qui font l’économie du monde d’aujourd’hui et ce pour deux raisons. D’une part, nous avons donné l’impression de poursuivre ceux qui réussissaient, et c’était une faute, fiscalement en particulier. D’autre part, nous avons un labyrinthe de règlements administratifs qui découragent les investisseurs. 

JJB : Sommes-nous devenus insignifiants économiquement ? 

FB : Je ne le crois pas. Je ne suis pas prêt à signer un aveu de défaite. Nous sommes dans une mauvaise passe depuis 15 ans, nous nous enfonçons peu à peu dans des difficultés de plus en plus grandes car nous sommes incapables de faire face à l’obligation de reconstruire ce qui doit l’être dans notre pays. Et comme nous n’avons pas non plus la volonté européenne nécessaire, nous faisons face à de très graves difficultés. 

JJB : Venons en au plan d’économies de Manuel Valls, si vous étiez député, le voteriez-vous ? 

FB : Ce plan va dans le bon sens. Cela dit, je ne suis pas sûr qu’il soit exact vis à vis des chiffres et qu’il aille assez loin dans les intentions annoncées. Ce plan demeure une orientation positive pour l’avenir.

JJB : Les deux députés MoDem vont donc voter en faveur du plan Valls ?  

FB : Le groupe centriste (UDI-MoDem) est devant une interrogation, si j’en étais membre je dirais qu’il faut donner un signe positif. Quand on est dans l’opposition, l’abstention est un signe positif, c’est l’inverse quand on est dans la majorité. Il y aura des députés qui iront jusqu’à voter pour, d’autres s’abstiendront, dans les deux cas cela sera un signe d’assentiment vis à vis d’un choix politique que je considère comme une révolution culturelle pour la gauche. 

JJB : Cela est-il suffisant, 50 milliards d’euros d’économies ? 

FB : En 2012 comme en 2007, j’ai défendu un programme d’une grande rigueur économique. Je vous ai dit que ce plan n’allait pas assez loin. Quand on ne fait pas les réformes assez tôt, on doit les faire plus durement quand on est au pied du mur. On aurait dû depuis 10 ans en France, ne pas dépenser plus que ce qui rentre dans les caisses. C’est en réalité du pur bon sens qui s’applique à chacun d’entre nous, et qui aujourd’hui nous prive de moyens d’actions importants, on l’a vu avec l’exemple d’Alstom. Si nous n’étions pas en surendettement, on aurait peut être eu les moyens d’intervenir. 

JJB : 50 milliards insuffisants, mais c’est déjà un premier pas donc. Vous parlez de révolution culturelle pour la gauche mais que dites vous aux retraités qui ne verront pas leur retraire revalorisées ? 

FB : Je leur dis tout simplement que l’insistance du gouvernement pour que les petites retraites ne soient pas atteintes est juste. Je crois que le gouvernement va annoncer un geste dans ce sens, c’est un signe positif. 

JJB : Sur le gel du traitement des fonctionnaires, vous êtes d’accord ? Même sur les plus bas salaires ? 

FB : Les fonctionnaires de la catégorie C, les plus bas de la fonction publique, vont être concernés par une amélioration de leur situation. Je trouverais ça juste. Vous vous rendez compte à quel point les marges de manœuvre sont faibles quand on ne s’y prend pas à temps. 

"Tard c’est trop tard", je l’avais dis au Président de la République lors de nos entretiens. Quand on se lance dans une situation hautement exigeante et qu’on ne prend pas les décisions, on se retrouve contraint à prendre des décisions encore plus difficiles. 

 "Tard, c’est trop tard, j'avais prévénu le Président de la République"

JJB : C’est la seule politique économique possible aujourd’hui ? 

FB : C’est la seule politique économique possible, oui. Bruxelles ne nous y oblige pas, l’euro fort non plus, les Etats-Unis ou la Chine non plus, c’est parce que nous France, nous perdons du terrain chaque jour face à nos concurrents. Deux pays européens seulement disposent d’une balance commerciale déficitaire, la Grèce et la France. Ce n’est en aucun cas la faute des autres, c’est uniquement parce que nous n’avons pas fait le travail nécessaire chez nous. A force de bercer l’opinion avec des songes creux et des promesses illusoires, on a conduit le pays là où il se trouve. Seule la vérité est révolutionnaire, je l’ai indiqué dans mon dernier ouvrage, De la Vérité en politique. 

JJB : François Bayrou, vous avez rencontré François Hollande ces deux dernières années ? 

FB : Oui, mais pas ces derniers mois. 

JJB : À aucun moment il ne vous a proposé quelque chose au niveau national ? A quel moment allez-vous revenir en politique au niveau national ? 

FB : Je suis en politique au niveau national autrement je ne serai pas à votre micro. 

JJB : Serez-vous, un jour ou l’autre, candidat à l’élection présidentielle ? 

FB : L’idée selon laquelle, seuls les hommes politiques vivant en vase clos entre l’Assemblée Nationale, Matignon et l’Elysée peuvent faire de la politique pour le pays, est une idée désastreuse.  Cela nourrit la coupure entre ce que les gens vivent tous les jours et ce qu’ils voient sur vos écrans. Cela leur paraît à mille lieux de la vie réelle, je m’en aperçois tous les jours de plus en plus. 

Vous me dites : « les Français ne vous croient plus », faisons des singularités si vous le voulez bien. La situation que nous vivons actuellement, je suis venu devant les Français pour leur dire, voilà vers où nous allons tout droit. Nous sommes contraints de tout reconstruire, notre direction politique, tout comme l’absurdité du clivage droite-gauche. 

En France, il manque un courant politique non sectaire qui soit capable de dire qu’il se passe quelque chose d’important pour le pays et non pas pour le parti. 

JJB : Cela est il possible selon vous avec une partie de la gauche qui a intellectuellement changé ? Une partie de l’UMP aussi a changé récemment. Cela peut-il exister ? 

FB : Les deux grands blocs sont en situation de rupture interne pour des raisons très profondes. Pour la gauche, son idée de fond est en train d’être contredite par la réalité du pays. Ceci va entraîner un tsunami de long terme. Son projet n’est plus adapté au temps du pays. On a pu le voir aussi à l’UMP avec cette tribune contre l’Europe défendues par une dizaine de députés de droite. L’UMP a essayé d’éluder la question européenne depuis longtemps.  

Il n’existe aucune possibilité de redonner à la France sa puissance et son bonheur de vivre, si l’Europe ne se fait pas. Depuis le Général de Gaulle, depuis Robert Schuman et Jean Monnet, on choisit les hommes politiques en conscience et non pas en allant au gré de l’opinion. L’union doit faire la force, il faut qu’on se soude et qu’on se serre les coudes. C’est vrai dans l’industrie, comme dans la défense et dans la recherche. Si on tourne le dos à cette idée là, nous irons vers des catastrophes irrémédiables pour le pays. 

JJB : Quand l’UMP dit que les élections européennes sont avant tout un référendum pour ou contre  François Hollande…

FB : Je ne le crois pas. Pour moi, c’est demander aux citoyens de répondre à la question, l’Europe est-elle notre force ou voulons nous lui tourner le dos. De notre côté, l’Europe est notre force ! 

JJB : Dernière question François Bayrou, les rythmes scolaires à Pau, cela se passe bien ? 

FB : J’interroge en ce moment, les membres de la communauté éducative de Pau. Ce que j’entends le plus souvent c’est la fatigue des élèves du fait de l’organisation de la journée. Une arrivée à 7H30 et donc un réveil à 6H30-45 quand la journée se termine à 18h, c’est pour des enfants jeunes une fatigue très importante. Répondre à cette question doit être un impératif pour nous. 

 

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