Vos questions à Jean-Louis Bourlanges : la démocratie en temps de crise

Jeudi 30 avril 2020, le député des Hauts-de-Seine Jean-Louis Bourlanges s'est prêté à l'exercice d'un entretien libre avec les internautes sur les temps bouleversés que nous vivons. C'est Sarah El Haïry porte-parole du Mouvement Démocrate qui s'est fait le relais de leurs interrogations. 

Un petit problème de batterie rend l’échange d’autant plus chaleureux. De son téléphone, Jean-Louis Bourlanges attend patiemment que la connexion soit stable pour répondre aux très nombreuses questions des internautes ? auditeurs ? "Des amis" préfère le député. Jean-Louis Bourlanges se dit frappé de voir les gens raisonner à l’émotion, à l’instantané. La réflexion n’a plus la légitimité qu’elle avait auparavant. Quand cette crise est apparue, un certain nombre de mécontents du système se sont engouffrés dans la brèche pour proposer tel nouveau système qu’ils défendaient, dans l’espace public, depuis des années. Or, nous avons surtout besoin de lucidité.

Jean-Louis Bourlanges nous confie avoir vécu ce qui nous arrive comme un moment de resserrement des contraintes qui vont peser sur nous. Nous sommes encore dans le bateau : pour l’instant, nous devons écoper. Imaginer que nous sommes déjà dans un bateau différent est illusoire.

D’une certaine manière, le discours du Premier ministre a constitué une douche froide pour les Français, qui ont compris que le déconfinement ne signifiait pas l’inverse du confinement. Aussi faut-il adopter l’attitude des Anglais en juillet 1940 : "On serre les dents, on serre les fesses, on fait son devoir". Des vertus moins répandues, peut-être, en France que la recherche de la gloire, de l’éclat, comme le décrivait le cardinal de Richelieu. Ce sont plutôt les vertus d’humilité, d’effort lent, patient, prosaïque que le moment requiert.

Jean-Louis Bourlanges précise que l’Etat n’est pas toujours la solution, mais peut se révéler le problème. Pour autant, l’Etat n’est pas non plus toujours le problème, il remplit une fonction assurantielle absolument irremplaçable. On le voit bien lorsque l’on se compare aux Etats-Unis. Mais l’Etat manque trop souvent d’agilité. Centralisée, la France a réagi moins vite que l’Allemagne, à la culture décentralisée, fédérale depuis avant même la république. Et, dans ce moment, la rapidité de réaction est un élément essentiel. Nous devons saluer une mobilisation héroïque de nos soignants, de nombreuses professions en première ligne, du monde associatif. La réactivité de pas mal de chefs d’entreprise a été remarquable également. Il y a eu de l’imagination, de l’inventivité. Une belle solidarité s’est révélée. Lors du déconfinement, chaque geste de chacun va être décisif.

Dans le département des Hauts-de-Seine, après le 11 mai, seuls 20 à 25% des transports fonctionneront. Les embouteillages, les personnes qui ne peuvent pas télétravailler, autant de conditions inégales. Dans le télétravail, l’isolement représente aussi un risque. Il n’y aura pas une situation semblable à une autre. Nous sommes vraiment dans l’inconnu, un peu comme les parachutistes du 6 juin 1944. Et nous ne pourrons pas nous en sortir sans les valeurs de solidarité publique et de fraternité. Comme le disait la reine d’Angleterre, nous devons cultiver un esprit de franche camaraderie. Il va, en effet, falloir nous adapter à ces situations totalement inédites.

En ce qui concerne les hôpitaux, Jean-Louis Bourlanges pointe la désorganisation, depuis des décennies. Tout un ensemble de dysfonctionnements, une mauvaise coordination sont à revoir, l’argent devant être dépensé à bon escient.

Sarah El Haïry pose la question du consentement à la restriction des libertés. Pour Jean-Louis Bourlanges, un travers français consiste à focaliser sur une petite question pour ne plus parler que de cela. Ainsi du tracking, qu’il voit comme un faux problème. Ni dangereux, ni efficace. Mais le problème des libertés est extrêmement important. Le confinement n’a pas été fait intelligemment. Le but était la distanciation physique, mais pas l’incarcération. Jean-Louis Bourlanges raconte quelques cas d’amis ayant été verbalisés de manière absurde, en pleine nature. Au lieu d’exercer des contraintes vexatoires, il faudrait bien plutôt en appeler à la responsabilité des citoyens. La restriction des libertés est acceptable si elle est limitée dans le temps et réversible. Lorsque l’on dit que l’on va pérenniser des éléments de l’état d’urgence, cela sonne de manière plus inquiétante. Il ne faut pas que cela dure, il faudra revenir au droit commun.

Mardi, sur le plan de déconfinement, nous n’avions pas à voter, le Premier minsitre a fait le choix du 50-1 (que Jean-Louis Bourlanges a contribué à inventer, lors de la révision de 2008, dans la commission présidée par Edouard Balladur). Mais il serait bon que le gouvernement pose la confiance, au titre de l’article 49-2. Cela permettrait de renouveler le pacte entre ce gouvernement, lesté d’une terrible charge, et les citoyens.

Aujourd’hui, le Parlement travaille à distance. Or, la loi cela se fabrique en proximité. Depuis 1958, les parlementaires sont trop souvent tenus par le gouvernement pour des sortes d’incapables ou de corrompus, tout juste bons à applaudir. Mais Jean-Louis Bourlanges nous invite à lire les échanges magnifiques entre Disraeli et Gladstone, par exemple, pour se souvenir à quel point l’élaboration de la loi peut être grande et belle. La délibération collective représente une alchimie précieuse.

Quels changements souhaiter ? Jean-Louis Bourlanges serait pour un renforcement du rôle du Sénat sur les questions territoriales, avec un bloc de compétences le plaçant à égalité avec l’Assemblée. Une dose de proportionnelle serait nécessaire pour que les oppositions soient convenablement représentées. Il faut également davantage de décentralisation.

Et l’Union européenne ? La démocratie représentative doit être préservée, à condition de comprendre que l’on ne fait pas fonctionner 27 peuples différents comme on le fait d’un seul Etat. L’Union européenne pourrait être une bonne démocratie, à caractéristique fédéralisante. Mais il faut croire que les Etats préfèrent un système qui fonctionne mal. Ce n’est pas l’Union européenne qui est paralysée, ce sont les Etats qui la paralysent. Lors des élections européennes de l’an dernier, il aurait fallu souligner ce problème. Aujourd’hui, les Pays-bas se montrent d’une radinerie et d’un manque de solidarité flagrants.

L’Europe aurait besoin d’une charte sur les compétences, sur l’organisation des pouvoirs. Car les institutions qui fonctionnent sont, sans surprise, les plus intégrées. Il y a pourtant tout, dans les traités, pour faire une vraie démocratie. Devant le temps qui file et la connexion instable, Jean-Louis Bourlanges nous promet un autre rendez-vous très bientôt pour parler plus longuement des traités européens.

La crise qui touche le monde entier ne doit pas nous conduire au repli et au protectionnisme : l’interdépendance est et doit demeurer la règle. Comme le disait Pascal, nous sommes tous embarqués sur le même bateau. Imaginez si l’Afrique se trouvait gravement atteinte, quelles seraient les conséquences sur le plan international. Nous sommes tous liés. Jean-Louis Bourlanges nous laisse méditer sur le paradoxe dit de Bossuet : "Dieu se moque des hommes qui chérissent les conséquences de ce dont ils maudissent les causes". A très vite donc, pour un autre temps d’échange sur les traités européens.

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