"Les institutions française à l'épreuve de la crise" avec le ministre Marc Fesneau et l'historien Jean Garrigues

Mercredi 29 avril, notre secrétaire générale adjointe Alice Le Moal a reçu, à distance, le ministre chargé des relations avec le Parlement, et ancien secrétaire général, Marc Fesneau, et l’historien Jean Garrigues pour un Grand débat sur l’évolution de nos institutions.

Un dialogue entre un praticien du politique et un historien ne pouvait qu’être enrichissant dans la période de bouleversements que nous vivons. Lorsque le général de Gaulle a institué en 1958 la Ve République, il s’agissait d’éliminer les erreurs des régimes précédents, purement parlementaires, en instaurant un exécutif fort. Ainsi, le président de la République, élu auparavant par 80000 personnes, est-il élu au suffrage universel depuis 1962. Sous la IIIe et la IVe Républiques, les assemblées jouaient un rôle majeur, qu’elles n’ont plus aujourd’hui. Progressivement, le pouvoir s’est en effet localisé, concentré dans la personne du président de la République. Et le chef de l’Etat se trouve relativement protégé par son premier ministre, qui porte la responsabilité. Précisément, ce sont les ambiguïtés de la Ve République qui en ont assuré la durabilité. Pour autant, des évolutions sont sans doute nécessaires pour rééquilibrer les pouvoirs et, notamment, renforcer le travail parlementaire. Surtout, avec le quinquennat qui, depuis 2000, noue étroitement l’élection présidentielle et les élections législatives, les députés sont comme entraînés par la vague présidentielle. D’où une certaine dépendance, source de déséquilibre. Le quinquennat conduit à des majorités parlementaires hypertrophiées, avec le risque d’un Parlement godillot. Aussi Jean Garrigues pointe-t-il les effets négatifs de ce rétrécissement du temps politique. Des élections avec une bonne dose de proportionnelle permettraient d’apporter un correctif à ces déséquilibres.

Le ministre Marc Fesneau le reconnaît bien volontiers : son ministère n’est pas le plus médiatique, le plus visible. Pour autant, son rôle est essentiel. Le ministère des relations avec le Parlement s’inscrit pleinement dans la logique de séparation des pouvoirs, puisqu’il assure l’interface entre l’exécutif et le législatif. Médiateur, Marc Fesneau fait en sorte que le gouvernement et le Parlement se parlent et se comprennent. En temps normal, cette tâche est déjà délicate. En temps de crise sanitaire et de confinement, elle est aussi ardue que nécessaire. Maillon invisible, mais niché au cœur de la machine, il doit faire œuvre diplomatique permanente. A distance, les ministres, les députés, continuent de débattre, mais le fait de ne plus se réunir physiquement au sein de l’hémicycle marque évidemment quelque chose de troublant.

Cette crise réinterroge les questions institutionnelles, cela questionne les députés sur leur rôle de législateurs. Comment assurer la médiation dans ces temps bouleversés ? Marc Fesneau le dit clairement : « Mon métier, c’est la prévisibilité ». Or, aujourd’hui, le calendrier est chamboulé, la prévisibilité n’est plus à 3 mois mais à 6 jours à peine. Entre le gouvernement et le Parlement, de nouvelles manières de dialoguer se sont mises en place, originales, plus horizontales.

Les temps de crise ont toujours été propices aux inventions, à la créativité. Nous sommes en plein tumulte, mais il faudra se souvenir, ensuite, des initiatives qui ont bien marché et qu’il s’agira, alors, de réintégrer dans le cadre législatif.

Les réformes institutionnelles, que le Mouvement démocrate défend depuis longtemps, tardent à être adoptées. Pourquoi ? Au début du quinquennat, c’est François Bayrou qui, ministre de la Justice, portait ce grand projet de réforme institutionnelle. C’est grâce à lui que la loi sur la confiance et la transparence de la vie politique de 2017 a été établie. Son départ a coupé une dynamique. A L’Assemblée, Jean Garrigues souligne que, sous François de Rugy, de nombreuses choses ont été entreprises pour renforcer le Parlement.

A l’heure où les Français ont de moins en moins confiance dans les institutions, même locales, la révision des institutions est fondamentale. Déjà, il y a un an et demi, la crise des gilets jaunes nous avait alertés sur un besoin de démocratie et de participation croissant. Plus de proportionnalité serait déjà un moyen pour aller vers plus de démocratie. Car les gilets jaunes se plaignaient essentiellement d’une mauvaise représentation.

Marc Fesneau comme Jean Garrigues ne souhaitent absolument pas voir la démocratie participative se substituer à la démocratie représentative. Mais, en accompagnement, en complément, plus de participation peut améliorer la qualité de la représentation. Dans ce sens, la reconnaissance du vote blanc serait une piste d’exploration, parmi d’autres. Une opposition bénéficiant de plus de latitude d’expression, de possibilités d’alliance, serait plus utile au jeu démocratique. Faire plus de place à des RIP (Référendums d’initiative partagée) serait une piste aussi.

Sur la réduction du nombre de parlementaires, Marc Fesneau est plus réservé. Pourquoi réfléchirait-on mieux à 100 qu’à 500 ? A l’heure où l’on demande davantage de proximité entre les élus et le terrain, le maillage territorial a son importance. Sous-entendre que les parlementaires ne servent à rien ne peut qu’alimenter encore le populisme. Marc Fesneau le rappelle : ce n’est pas le local, en soi, qui possède une vertu. On le voit avec l’exemple du système de santé décentralisé italien, qui a révélé de grandes failles, et le système décentralisé allemand, à l’inverse efficace. Opposer, systématiquement, le local et le national, en prêtant toutes les qualités à l’un et tous les maux à l’autre, est caricatural, c’est une mauvaise manière de raisonner. On doit concevoir les échelles par rapport à telle ou telle question, jamais dans l’absolu.

Plus que de décentralisation, souvent opérée de manière trop homogène, nous avons aujourd’hui besoin de différenciation. Jean Garrigues approuve : la France souffre d’une culture trop centralisée, trop jacobine. En Allemagne, la culture fédérale remonte à avant la République, au Moyen-âge déjà. Cette crise de la pandémie est quelque chose d’historique dans cette prise en charge de la différenciation territoriale, qui n’a jamais existé.

Dans la révision des institutions, c’est surtout la question du calendrier qui importe. La prévisibilité calendaire ne va pas. Tout comme l’hypocrisie de la procédure accélérée. Gérer le calendrier et le temps, voilà le point central. Le président de la République pourrait se saisir de cette question.

Les internautes ont posé de très nombreuses questions : sur le rôle du Parlement, sur les effets de la crise, sur la participation politique, sur la démocratie locale en temps de crise. La députée des Hauts-de-Seine Isabelle Florennes a suivi la débat et posté plusieurs contributions, notamment sur la nécessité de mieux articuler les calendriers politiques. Sur le rôle du Cese, Marc Fesneau et Jean Garrigues ne voient pas l’intérêt d’une fusion avec le Sénat : l’intérêt du Cese est bien de constituer une société civile organisée. La solution serait alors simplement de rendre plus représentatif son mode de sélection.

C’est d’ailleurs pour cela que la convention citoyenne a été adossée au CESE.

Les temps de crise créent de l’innovation par nécessité, souligne Marc Fesneau, il nous faudra capitaliser sur ces innovations et les remettre dans un cadre institutionnel.

Isabelle Florennes, députée des Hauts de Seine, insiste sur le fait qu'il faut profiter du travail mis en place actuellement par les parlementaires et le gouvernement pour entamer un travail parlementaire nouveau. Les parlementaires sont dans un laboratoire qui peut permettre des changements que nous souhaitions...

Tous deux, le praticien du politique et le spectateur engagé, reconnaissent la spécificité du Modem dans les temps actuels. Il y a des chantiers magnifiques à explorer : rendre la démocratie plus horizontale, accroître la participation citoyenne pour une meilleure représentation, fluidifier les process décisionnels locaux. Et surtout, en appeler à la responsabilité des élus comme des citoyens. Pour faire en sorte que ce temps troublé soit aussi fertile en innovations.

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