Envie de France, la boussole républicaine de Sarah El Haïry

À 32 ans, Sarah El Haïry fait partie du gouvernement : pleinement consciente de cette responsabilité, la jeune femme nous parle à cœur ouvert de son engagement pour une France solidaire, humaniste. Pourquoi maintenant ? A une blessure, une réaction s'impose. Juste après l'assassinat de l'enseignant Samuel Paty, une visite ministérielle à Poitiers le 22 octobre 2020, à la rencontre de jeunes, a révélé une certaine incompréhension. 

Or, Sarah El Haïry ne se résigne pas aux constats d'impuissance. Pour se réconcilier, se comprendre, il faut se parler. Transmettre les valeurs de la République est essentiel. Les valeurs, d'égalité des chances, de liberté, de fraternité et de laïcité, concernent chacun d'entre nous. Elles appartiennent à tous et s'apprennent. C'est le rôle de l'école et de la République de tisser ce lien, lorsqu'il a été rompu.

D'où vient l'énergie qui anime Sarah El Haïry ? Prise directement à partie par certains jeunes qui l'ont renvoyée à des origines qu'elle aurait trahies, la ministre s'est sentie profondément attristée par cette vision étriquée de l'appartenance à une communauté. Des appartenances, elle a en plusieurs, qui s'ajoutent les unes aux autres et n'entrent pas en concurrence entre elles. Le cœur est assez grand pour cela. Ses parents, tous deux marocains, ont été naturalisés français. Elle est née à Nantes, puis s'est installée au Maroc avec sa mère, qui y a refait sa vie auprès d'un homme italien et catholique, lui-même père de plusieurs enfants, dont deux juifs. Aussi Sarah El Haïry a-t-elle vécu dans un climat où les religions, non seulement s'écoutaient, mais se fêtaient ensemble. Lorsqu'elle évoque les trois religions, dans le livre, ce sont les plats, les gâteaux qu'elle décrit d'abord.

La bonté enveloppante, c'est sa grand-mère qui la lui a prodiguée, modèle de femme croyante et bienveillante. Et le courage de se battre, de se relever, c'est à sa mère qu'elle le doit, elle qui n'a pas hésité à repartir de zéro en France, près de Metz, avec ses deux enfants. Ce départ a fait suite à un traumatisme : les attentats terroristes au Maroc en 2003. Sobre et terrible, le chapitre est bouleversant.

La lutte contre l'islamisme radical représente une priorité aux yeux de Sarah El Haïry. Parce que cette idéologie mortifère, cette hydre, menace intrinsèquement notre société, en s'attaquant à ses fondements, en particulier à la laïcité. Plus encore qu'une loi libérale, la laïcité est aux yeux de Sarah El Haïry une valeur précieuse :

"Il y a une idéologie, en l'occurrence l'islamisme, qui n'est pas du tout la religion musulmane, et qui, depuis plusieurs années, fracture l'écrasante majorité des sociétés musulmanes en profondeur (...) Son caractère transfrontalier, sa volonté de fragiliser des valeurs essentielles et de saper les fondements des démocraties, dont la nôtre, cette façon de s'attaquer à la laïcité, de propager (...) cette insupportable haine de l'Autre. (...) Il ne s'agit même pas d'exprimer une position politique, il est question, face à l'islamisme, quelles que soient notre origine, notre couleur partisane, nos convictions philosophiques, de rejeter cette idéologie dangereuse." (pp. 35-36)

Parler d'immigration, parler d'identité est nécessaire, et Sarah El Haïry revient dans un chapitre entier sur les réticences françaises à entrer dans certaines discussions pourtant salutaires. L'ouverture aux autres, l'engagement associatif, la foi dans les vertus du débat, autant de valeurs que Sarah El Haïry a reconnues et expérimentées au Mouvement Démocrate. Profondément libérale, la jeune femme croit dans l'escalier social qui demande effort et soif de perfectibilité. En retour, la société a des obligations fondamentales : faciliter les initiatives audacieuses, les accompagner et protéger, notamment les plus fragiles. Cet optimisme, cette passion raisonnée, l'ont poussée à écrire ce livre, court et éclairant, sur nos valeurs républicaines et nos liens solidaires.