Aristide Briand, artisan de la loi de 1905 sur la laïcité, profondément centriste

Aristide Briand est un homme complexe, en politique comme dans la vie : né à Saint-Nazaire en 1862, homme de la mer comme de la terre, marin et paysan à la fois, provincial et parisien, il s’engage d’abord à l’extrême-gauche et, au fil du temps, se libère de tous les partis. Il incarne une forme d’équilibre, au centre de la vie politique.

Onze fois président du Conseil, vingt-cinq fois ministre : à l’Instruction publique, aux Beaux-Arts, aux Cultes, à la Justice, à l’Intérieur, aux Affaires étrangères, Aristide Briand s’illustre dans l’art de gouverner, c’est-à-dire d’œuvrer pour le compromis. Cette vocation de conciliateur le porte à constamment rechercher l’apaisement, le déminage des conflits politiques. Dans ces efforts pour dépasser les clivages stériles, Aristide Briand fait montre d’un tempérament modéré et ferme, pleinement centriste.

Aristide Briand a été, au fil d’un long travail de négociation, l’artisan de la loi de 1905 instaurant la séparation de l’Eglise et de l’Etat. « Si Aristide Briand a fait la séparation, la séparation a fait Aristide Briand », a-t-on coutume de dire. La loi de 1905 est une loi libérale, qui vise à apaiser les tensions et qui institue le modèle de laïcité français.

Président du Conseil le plus durable de la Première guerre mondiale, Aristide Briand dirige le gouvernement pendant dix-huit mois, de Verdun à Salonique.

Après la guerre, il lui tient à cœur de gagner la paix, une paix durable. Ainsi, lorsque Aristide Briand revient au gouvernement, à la conduite des Affaires étrangères, il n’a de cesse d’œuvrer pour la paix, soit pour l’Europe. A cette époque, faire la paix, c’était faire l’Europe, les deux objectifs étaient étroitement liés. Avec son homologue allemand Gustav Stresemann, Aristide Briand forme le premier couple franco-allemand. Ce désir de rapprochement avec l’Allemagne est essentiel, à un moment où ce pays fait encore figure de frère ennemi. Partenaires politiques, Aristide Briand et Gustav Stresemann cultivent une réelle amitié, de pays à pays et d’homme à homme. Les deux hommes recevront ensemble le prix Nobel de la Paix en 1926. Surnommé « le pèlerin de la paix », Briand obtient la conclusion des Accords de Locarno en 1925, l’entrée de l’Allemagne à la SDN en 1926, le pacte Briand-Kellog en 1928. En 1929-1930, Alexis Léger (alias Saint-John Perse), aux Affaires étrangères, rédige un mémorandum décrivant le projet d’une Union fédérale européenne. Le 5 septembre 1929, à la tribune de la SDN, Briand prononce le fameux discours où il évoque « la sorte de lien fédéral » à établir en Europe.

En 1930, Gustav Stresemann meurt subitement. Quelques mois plus tard, la crise économique de 1929 éclate, mettant un terme au rêve européen. L’Europe entre dans la tourmente. Aristide Briand se présente en vain à la présidence de la République en 1931, et meurt en 1932.

Loin de l’image d’opportuniste entre les camps opposés qu’on lui accole parfois, Aristide Briand s’est constamment attaché à construire des majorités parlementaires équilibrées, cherchant le compromis. Avec sa voix de violoncelle, il incarne à merveille le Parlement de l’éloquence.

Pour en savoir plus, nous vous recommandons la biographie intellectuelle d’Aristide Briand par l’historien Christophe Bellon (Université 133) : Aristide Briand, parler pour agir (CNRS éditions, 2016)