Sarah El Haïry, invitée de Léa Salamé sur France Inter 

Sarah El Hairy inter

Sarah El Haïry, Secrétaire d'État chargée de la Jeunesse et de l'Engagement, était l'invitée de Léa Salamé, mardi 14 octobre 2020, sur France Inter. Retrouvez son interview. 

LEA SALAME - Après Elisabeth MORENO hier, vous êtes un autre nouveau visage du gouvernement Castex, qu'on ne connaît pas encore. Vous avez 31 ans, vous êtes née exactement le même jour de la même année que Gabriel ATTAL que vous avez remplacé au secrétariat d'Etat de la Jeunesse. Ça, je trouve ça très drôle. Vous avez grandi entre la France et le Maroc, vous avez été élue députée MoDem de Loire- Atlantique en 2017. On avait évidemment envie de vous entendre en cette journée spéciale jeunesse sur Inter, et d'abord Sarah EL HAÏRY, vous rêviez de quoi quand vous aviez 20 ans ? Est-ce que vous rêviez d'être ministre à 30 ?

SARAH EL HAÏRY - Je rêvais de changer le monde. Je rêvais d'un avenir qui était construit, qui était plus juste, une économie plus engagée. Moi j'ai fait mes premiers pas dans des associations, entre des caravanes médicales et des écoles ou des bibliothèques d'école qu'on construisait ou qu'on rénovait. J'ai foi en la capacité de l'homme à transformer ce qui l'entoure, et c'est ce qui a commencé à me construire, et c'est ce qu’aujourd'hui finalement je fais, c'est la jeunesse et l'engagement, et ça commence par l'engagement.

LEA SALAME - Et ça commence par l'engagement, on va en parler. Mais d'abord le Covid, que pensez-vous du discours culpabilisateur des jeunes qu'on entend depuis quelques semaines, « vous avez fait n'importe quoi cet été, c'est à cause de vous si vos grands-parents sont en réanimation, maintenant la fête , c'est terminé ». Vous êtes d'accord avec ça ?

SARAH EL HAÏRY - Vous savez, ce Covid il a bousculé tout le monde, toutes générations confondues. Par contre, ce qui est sûr et ce qui est certain, c'est qu’on ne s'en sortira pas, si on commence à stigmatiser, si on commence à diviser notre société. On n'est jamais plus fort que quand notre société est unie. A ce jeu-là, tout le monde y perd. Ce qui est sûr, c'est que si notre jeunesse, elle ne se sent pas engagée, au combat contre ce virus, oui, on ne s'en sortira pas. Si d'autres, une autre partie de notre génération, passe son temps à la stigmatiser, eh bien elle ne créera pas cette petite flamme, cette petite flamme de la responsabilité, cette petite flamme qui fait que, oui, le matin tu te lèves, et quand tu es jeune, tu as plus d'interactions sociales, c'est vrai.

LEA SALAME - Oui, enfin sauf que là tu n’as plus d'interactions sociales, si j'ose dire. Après avoir été coupés de leurs amis pendant le confinement, ils font une rentrée universitaire en virtuel, ils n'ont plus le droit de faire la fête, de voyager, de se toucher, de s'embrasser, et pour pouvoir trouver du travail c'est encore plus la galère que normalement. On a parlé de génération sacrifiée, vous êtes d'accord avec ce terme ?

SARAH EL HAÏRY - Non, ce terme, il me met en colère pour une raison toute simple, c'est que cette génération-là, cette jeunesse-là, c'est elle qui nous bouscule dans nos vies, c'est elle qui réinvente la manière de manger, la manière de travailler, qui rappelle ses aspirations et notre responsabilité vis-à-vis de la planète, et en fait elle n'est pas sacrifiée. Est-ce qu'elle est... elle est bousculée, oui bien sûr qu'elle est bousculée, mais elle a en elle cet ADN des solutions, c'est en eux, c'est eux qui pendant le Covid ont créé des applications pour aider nos grands-parents ou les personnes les plus isolées. Alors on a deux manières de voir : soit on leur dit, l'avenir il est devant vous, et les solutions c'est vous, l'avenir de notre pays il est entre vos mains, ne désespérez pas. Et c'est tout mon rôle, c'est toute ma responsabilité que de garder cette confiance. Ce n’est pas un...

LEA SALAME - Mais là, ils désespèrent, on va recevoir de jeunes femmes tout à l'heure à 08h20, la solitude, la perte du lien, une jeune femme me disait il y a quelques jours : « mon ordinateur est devenu mon meilleur ami ». Est-ce qu'on mesure suffisamment, est-ce que le gouvernement, vous mesurez suffisamment les effets psychologiques de cette crise sur cette génération ?

SARAH EL HAÏRY - Ils sont violents. Ils sont violents et ça laissera des traces très longuement, mais des plus petits, j’ai envie de dire, aux plus âgés, toutes générations confondues. En fait on a tous notre lot. Pour les jeunes, pour cette jeunesse, et je pense à une particularité, c'est ceux qui ont passé le bac, qui n'ont pas eu ce beau moment rituel, vous savez, on se retrouve, ceux qui rentrent en première année de fac, qui n'ont pas cette belle rentrée où tu te fais des copains, ceux-là évidemment on leur demande de piocher au plus profond d’eux. Quand tu arrives pour la première fois dans une cité universitaire, et que tu n'as pas de copains, oui c'est plus dur. Alors, je n'imagine même pas quand tu es célibataire, comment tu crées une vie affective ? Tout ça, c'est la réalité de notre jeunesse.

LEA SALAME - C'est pour ça qu’on dit génération sacrifiée, Sarah EL HAÏRY.

SARAH EL HAÏRY - Mais, soit on dit « elle est sacrifié », et rien ne se passe, soit on lui dit : en fait, oui ton présent n'est pas comme les autres, par contre tu peux provoquer d'autres choses, et c'est là où les apéros zoom, c'est là où la solidarité, et je l'ai vu à Rouen, je l'ai vu à Metz, je l'ai vu à Aurillac, cette jeunesse qui finalement eh bien, vous savez, elle contourne, elle contourne ce Covid, parce qu'il faut qu'on vive avec, on ne sait pas combien de temps nous vivrons avec.

LEA SALAME - Oui, alors...

SARAH EL HAÏRY - C'est pour ça qu'elle n'est pas sacrifiée, parce qu'être sacrifié c'est être mort, alors que non, ils sont bien vivants, ils sont bien, ils sont, ils sont au contraire créatifs et innovants.

LEA SALAME - Oui, et on va voir s’ils vont contourner ou pas, on ne va pas se mentir Sarah EL HAÏRY, le couvre-feu qui se profile c'est au fond une mesure anti-jeunes, pour qu'ils ne sortent plus, qu'ils ne se mélangent plus dans les bars ou dans les fêtes, pour que les jeunes restent à la maison, en clair, et qu'ils ne transmettent plus le virus aux plus âgés. C'est ça qui préside à l'idée du couvre-feu. N'est-ce pas trop violent ?

SARAH EL HAÏRY - Aucune mesure n'est contre une partie de notre population. Est-ce que s'il y a, je n'ai pas l'information, est-ce qu'il y aura ou pas un couvre-feu, si ça venait, si cela venait à avoir lieu, ce n’est certainement pas pensé contre une partie de notre pays. Encore une fois, tout à l’heure je vous disais que c'était en étant dans l'unité. Vous savez, quand vous avez 40 ans et que vous sortez du boulot, vous avez aussi besoin des fois de boire un verre et de voir des copains, et si vous ne les voyez pas dans un bar ou dans un restaurant, eh bien en général vous faites un dîner à la maison. C'est toute notre jeunesse. Aujourd'hui, cette lutte contre ce Covid, la seule manière de la gagner, c'est finalement de ne pas s'auto-stigmatiser, et de dire, ensemble, eh bien oui, en fait, ça nous coûte une partie de nos vies sociales. Ce n'est pas facile. C'est vrai, se laver les mains tout le temps, porter un masque, ne pas pouvoir se fait la bise, se prendre dans les bras, c'est des choses qui nous manquent, et à eux peut-être un peu plus.

LEA SALAME - Alors, le travail, 750 000 jeunes sont entrés en septembre sur le marché du travail, des aides massives ont été débloquées par le gouvernement, plus de 6 milliards d'euros ont été mis sur la table pour pousser les entreprises à embaucher des jeunes, mais les entreprises jouent-elles le jeu, Sarah EL HAÏRY ? A la mi- octobre, est-ce que vous avez déjà des premiers retours sur les embauches et sur le taux de chômage des jeunes, là, de ces 700 000 qui arrivent sur le marché du travail ? On en est où ?

SARAH EL HAÏRY - Oui, on a des premiers chiffres, on a des premières tendances et elles sont plutôt, je n’'ai pas envie de faire cocorico, mais elles sont plutôt bonnes.

LEA SALAME - C'est quoi ?

SARAH EL HAÏRY - C'est 190 000 recrutements, ça veut dire plus de 6 %, on arrive au même taux coûte de l'année dernière, c'est des chiffres qui sont plutôt positifs. Aujourd'hui, les entreprises elles se saisissent, parce qu’il y a un plan, un plan un jeune/une solution, parce qu’il y a des moyens financiers, parce qu'il y a une incitation et parce que, eux, plus que jamais, ils ont compris qu’il ne faut pas qu'on tombe dans cette morosité. Et que, sans être un Bisounours et dire « oui, c'est simple, ça va passer », non ce n'est pas facile.

LEA SALAME - Elles embauchent, les entreprises.

Par contre, elles embauchent.

Elles jouent le jeu ?

SARAH EL HAÏRY - Oui, elles jouent le jeu, et elles peuvent aller plus loin, elles peuvent aller plus loin avec l'apprentissage, elles peuvent aller plus loin encore en réalité avec les stages. Notre jeunesse, en réalité elle est diverse. Vous savez, madame SALAME, quand vous êtes jeunes parents, quand vous êtes en zone rurale ou en zone urbaine, vous n'avez pas la même vie, et à partir de là les solutions qui sont là, doivent être différentes.

LEA SALAME - On a vu beaucoup de jeunes qui ont perdu leur petit boulot qui servait à payer leurs études, la baisse des APL on s'en souvient a marqué les esprits. Les associations qu'on a reçues la semaine dernière, l'abbé Pierre, la Fondation Abbé Pierre et le Secours catholique, disent qu'il y a aujourd'hui un jeune sur cinq qui n'a rien, zéro ressource, zéro, zéro, zéro. Elles demandent que le RSA soit étendu aux jeunes dès 18 ans, toutes les associations vous demandent ça. Pourquoi vous bloquez ?

SARAH EL HAÏRY - Parce que je leur réponds : j'ai mieux que ça, bon sang ! Ça existe ! En fait, la garantie jeune c'est mieux que le RSA. Je vais vous dire pourquoi. Parce que ça commence dès 16 ans, ça va jusqu'à 25 ans, c'est la même somme en argent que le RSA, mais il y a un vrai plus, le plus c'est l'accompagnement. Quand vous arrivez...

LEA SALAME - Elles ne sont pas convaincues. Vous leur dites ça, et elles ne sont pas convaincues.

SARAH EL HAÏRY - Et pourtant, et pourtant, moi, je dis : vous savez, peut-être qu'elles ne sont pas convaincues, et moi, je leur dis : allez, chiche, venez, venez partager le parcours d'un jeune qui est en garantie jeune. Par contre, je dis, à tous ces jeunes qui sont le fameux un sur cinq : « vous n'êtes pas tout seul ». Poussez la porte de votre mission locale, poussez cette porte, parce que là on pourra vous accompagner, et ça existe, donc ne baissez pas les bras.

LEA SALAME - J'espère que certains vous entendent ce matin. En 2017, il y avait un jeune candidat à l'élection présidentielle qui avait un grand projet pour les jeunes de quartiers, il disait : « Mon ennemi, c'est l'assignation à résidence ». Il disait : « En leur donnant du travail, les jeunes s'émanciperont ». Trois ans après, reconnaissez-vous qu’Emmanuel MACRON, parce que c'était lui, n'a pas totalement atteint son objectif ?

SARAH EL HAÏRY - Madame SALAME, aujourd'hui, notre jeunesse, elle est dans un tournant, elle a la capacité à s'engager par le travail, elle a la capacité à s'engager dans nos associations, dans nos services civiques, mais surtout, l'énergie et l'engagement de cette majorité, du président de la République et du gouvernement, a investi le lieu qui lutte contre l'émancipation, qui permet l'émancipation et qui lutte contre l'assignation à résidence : l'école.

Thématiques associées

Je reçois la lettre d'information du Mouvement Démocrate

Engagez-vous, soyez volontaires

A nos côtés, vous serez un acteur de nos combats pour les Français, pour la France et pour l'Europe.

Chaque engagement compte !

Votre adhésion / votre don

Valeur :

Coût réel :

20 €

6,80 €

50 €

17 €

100 €

34 €

Autres montants

Qu'est ce que la déclaration fiscale sur les dons ?
Filtrer par