📺Marc Fesneau : "nous avons besoin, au niveau européen, d'une harmonisation sur les demandeurs d'asile"

Marc Fesneau LCI
(© ©️ capture d'écran LCI)

Marc Fesneau, Ministre auprès du Premier ministre, chargé des Relations avec le Parlement, était l’invité d’Elizabeth Martichoux dans la matinale de LCI mercredi 18 septembre, pour parler de la politique migratoire de la France et de l'Europe. Extraits.

ELIZABETH MARTICHOUX

C'est dans votre ministère qu'Emmanuel Macron est venu rendre une visite marquante à tous les parlementaires réunis lundi soir. Il a tenu devant ces parlementaires un discours "cash" sur l'immigration. Il a fait du Nicolas Sarkozy?

MARC FESNEAU

Pas du tout. Et je crois que ce n'était pas tant sur le fond du débat - qui va avoir lieu le 30 septembre à l'Assemblée nationale, le 2 octobre au Sénat - c'était la question pour lui de mettre sur le devant de la scène un débat dont il estime, à juste titre me semble-t-il, qu'il doit être posé devant les Français pour regarder quelle va être la politique migratoire de la France et de l'Europe. D'ailleurs, je le répète, le titre du débat, c'est "politique migratoire de la France et de l'Europe". C'est pour montrer que c'est un sujet global qu'il faut aborder et pas mesure par mesure, ou secteur par secteur.

ELIZABETH MARTICHOUX

On va y venir mais enfin est-ce que vous pouvez nous dire, soutenir, ce matin, qu’il n’a pas durci quand même le discours.

MARC FESNEAU

Non, pour moi il n’a pas durci le discours.

ELIZABETH MARTICHOUX

Nous n’avons pas le droit de ne pas regarder le sujet en face en prétendant être humaniste. On est parfois laxiste. On est comme les 3 petits singes. On ne veut pas regarder.

MARC FESNEAU

Mais est-ce que, quand il dit ça, il durcit le discours? Il essaie de regarder les choses avec lucidité. Je rappelle d'ailleurs que lors de sa conférence de presse de sortie de la crise des gilets jaunes, il avait déjà abordé cette question. Ce n'est pas un sujet qui émerge au début du mois de septembre. Le Premier ministre lui-même avait annoncé ce débat sur la politique migratoire en France et en Europe. Donc il n’y a pas de surprise en tant que telle. (...) On doit être capable d'en débattre sereinement. Et moi, ce que je souhaite, c'est qu'on puisse en débattre sereinement. L'idée, c'est de regarder quels sont les outils dont on dispose aujourd'hui, quels sont les écueils que l'on a. Evaluer une politique, y compris une politique migratoire, ce n'est pas une mauvaise chose. On peut se projeter dans les mesures que l'on peut prendre au niveau national. Et puis il y a des mesures qui relèvent du niveau européen, on le voit très bien.

ELIZABETH MARTICHOUX

Oui, c’est très bien de dire ça Marc Fesneau, c'est une façon d'écraser un peu les petites polémiques qui pourraient naître. Mais c'est important quand même, il a pris acte du fait que la France est l'un des pays européens aujourd'hui qui accueillent le plus de demandeurs d'asile. Et en prenant acte il l'a regretté. Il l'a posé un problème.

MARC FESNEAU

(...) Ce qui doit nous questionner, c'est le fait que nous soyons aujourd'hui le premier pays dans lequel les demandes d'asile sont si nombreuses. C'est un fait. On ne va pas nier ce fait.

ELIZABETH MARTICHOUX

En Allemagne, beaucoup plus...

MARC FESNEAU

Plus qu'en Allemagne et plus que dans la plupart des pays européens...

ELIZABETH MARTICHOUX

Donc il pose un problème sur la table.

MARC FESNEAU

C'est quand même un sujet qui doit nous éclairer, enfin qu'on doit essayer d'éclairer. Pourquoi il y a autant de demandeurs d'asile, surtout qu'un certain nombre d'entre eux viennent de pays qui ne paraissent pas être des pays de graves dangers. Je pense à l'Albanie, je pense à la Géorgie et donc il y a quelque chose de l'ordre d'un dysfonctionnement. Je ne parle pas des réfugiés syriens, je parle de ceux qui sont dans des pays dits sûrs et qui sont manifestement sûrs puisqu'un certain nombre de pays européens les voient comme des pays sûrs. Et pour autant, nous avons beaucoup de demandes d'asile.

ELIZABETH MARTICHOUX

Mais une fois que vous le voyez, comment résoudre ce problème? Je veux dire, est-ce que le président peut sonner le tocsin d'une certaine façon sur ce sujet, quoi que vous en disiez, et ne rien faire, simplement en parler ?

MARC FESNEAU

Bien sûr que non. Mais vous voyez, le simple fait de dire "on est le pays dans lequel aujourd'hui il y a le plus de demandeurs d'asile", on le vit comme une révolution. Non, c'est bien de le dire, d'essayer d'éclairer le sujet, de regarder, pays par pays, quelles sont les demandes d'asile. Qu'est ce qui fait qu'aujourd'hui beaucoup de Géorgiens ou beaucoup d'Albanais - mais ce n'est pas pour stigmatiser les Géorgiens ou les Albanais - font des demandes d'asile. Et quels sont les moyens que nous avons, nous, juridiques, aujourd'hui ou que nous pourrions avoir demain, pour pas se retrouver dans la situation d'avoir ces 128 000 demandeurs d'asile. Une grande partie d'entre eux n'auront pas le droit au droit d’asile. Et donc la question, c'est comment faire en sorte que ceux qui n'auront pas accès au droit d'asile le sachent rapidement, soient reconduits aux frontières, et ceux qui y ont droit, parce que c’est aussi ça...

ELIZABETH MARTICHOUX

Donc comment faire ce qu’on n’arrive pas à faire. Vous savez ce qui s'est passé, exactement il y a un an, Marc Fesneau, j'ai vérifié et c'est un hasard, exactement il y a un an, la promulgation de la loi asile- immigration, 18 septembre 2018, c'était il y a un an. Est-ce que ça ne vous frappe pas quand même qu’un an après on doive reprendre le chantier ? (..)

MARC FESNEAU

Cette loi, elle avait pour fondement principal l'idée qu'il fallait que nous traitions dans de meilleurs délais les demandes d'asile, pour intégrer mieux et plus rapidement ceux qui avaient le droit à l'asile. (...) Et ne pas laisser les gens s'installer dans une forme de précarité, de méconnaissance de leur statut final, c'est ça qu'il va falloir regarder aussi le 30 septembre. Quels sont les premiers enseignements, les premiers bilans qu'on peut tirer de la loi ? Qui peut prétendre, sur ces sujets-là, immédiatement atteindre la perfection ? Je veux dire, on se ferait défaut devant les Français si nous n'étions pas capables de dire "ça, ça marche".

ELIZABETH MARTICHOUX

Il n’y a pas une forme de déception quand même du président et au-delà, de l'exécutif, de constater que cette loi n'a pas eu les effets à ce stade? Il n’y a pas une forme de déception, il n’y a pas une façon de dire, bon, on n'a pas fait ce qu'il fallait ?

(...) Soyez honnête puisque vous dites qu’il faut être honnête sur ces sujets.

MARC FESNEAU

J’essaie d’être honnête devant vous, d’ailleurs on ne cache pas les sujets, la question c'est : qu'est ce qui fait qu'avec cette loi Asile, l'immigration a progressé en termes de délais d'instruction? C'est ça qu'on regardera le 30 septembre. Et qu'est ce qui fait qu'aujourd'hui on a beaucoup de demandeurs d'asile qui, au fond, ne viennent pas de pays qui sont ceux qui devraient être les premiers bénéficiaires? De citoyens venant de pays qui devraient être les premiers bénéficiaires du droit asile? Il faut essayer d'expliquer ça et d'éclairer ça, parce qu’il y a quand même des choses qu’il faut qu’on éclaire, qui ne sont pas faciles à comprendre.

ELIZABETH MARTICHOUX

Est-ce que c'est, je vous pose aussi une question - et je vous demande d'être honnête par rapport à ça - il y a effectivement des demandeurs d'asile qui viennent de pays sûrs, on en a parlé, ça commence à être connu, quantifié, il y a aussi le fait que par exemple en France, on accorde le statut de demandeurs d'asile à 85 %, autour de 85% aux Afghans, vous savez combien c’est en Allemagne ?(...) C’est moins de 10%.

MARC FESNEAU

Oui mais après...

ELIZABETH MARTICHOUX

Alors c'est seulement le problème des réfugiés qui viennent...

MARC FESNEAU

Vous m’avez bien entendu tout à l'heure, je pense que nous avons besoin, au niveau européen d'une harmonisation dans notre regard sur les demandeurs d'asile. Alors après, chaque pays a son histoire. Chaque pays a sa lecture. Des pays sûrs ou des pays moins sûrs et chaque pays a ses propres procédures. Mais je pense que là où vous avez raison ça pose la question que nous ayons quelque chose qui soit de l'ordre d'une harmonisation. L'Allemagne est une grande démocratie, comme nous. De l'ordre d'une harmonisation de nos politiques et du regard que l'on porte sur les pays de provenance.

ELIZABETH MARTICHOUX

Est-ce que ça veut dire que parce que l'Allemagne a vraiment mis un verrou, très, très fort...

MARC FESNEAU

Mais on n’est pas obligé de s’aligner. La question n'est pas de s’aligner. Non, la question n'est pas de s'aligner sur l'Allemagne mais d'éclairer ce que vous dites, c'est-à-dire pourquoi dans notre pays, c'est ainsi, et pourquoi en Allemagne, c'est ainsi.

ELIZABETH MARTICHOUX

(...) Pas de mesure le 30 septembre ?

MARC FESNEAU

Non l’idée ce n’est pas d'avoir des mesures, c’est pour ça qu'il faut éviter, je vois bien, il y a quelques polémiques qui naissent sur telle ou telle mesure, l'AME ou autres.

ELIZABETH MARTICHOUX

On va y venir, parce qu’il faut qu’on en parle, de l’AME.

MARC FESNEAU

Mais je pense que la question n'est pas celle-là. La question, c'est de regarder globalement quelle est notre politique d'aide au développement? Quelle est notre politique d'harmonisation européenne? Quelle est notre politique d'accueil des demandeurs d'asile? Quelle est notre politique de traitement des demandeurs d'asile ? Pour faire en sorte que ceux qui doivent y avoir droit, y aient droit rapidement et ceux qui n’y ont pas droit, puissent être accompagnés? C'est tout ça qu'il faut regarder, la politique d'intégration est un vrai sujet également...

ELIZABETH MARTICHOUX

Ça c’est un petit message aux parlementaires.

MARC FESNEAU

Donc il n’y a pas à avoir des mesures immédiatement.

ELIZABETH MARTICHOUX

L'AME, on va s'y arrêter quand même quelques instants, c'est l'aide médicale d'Etat, dont sont bénéficiaires les personnes en situation irrégulière, uniquement les personnes en situation absolument irrégulière. C’est un sujet quand même que Matignon regarde de près, parce qu'il a demandé un rapport. Il va être rendu quand, ce rapport ?

MARC FESNEAU

Ces jours-ci, enfin dans le courant du mois de septembre.

ELIZABETH MARTICHOUX

Avant la fin septembre?

MARC FESNEAU

Je crois que c’est ...

ELIZABETH MARTICHOUX

Il coûte un milliard, est-ce que vous êtes favorable, vous personnellement, une fois que ce sera regardé, puisque s’il y a un rapport, c'est qu'il y a quand même des questions sur les éventuels abus... Est-ce qu'il faut amender ce dispositif ?

MARC FESNEAU

Mais on regardera. Alors revenons quand même au fondement de l'AME. On l'a fait à la fois pour des motifs humanitaires, parce que même en situation irrégulière, notre devoir c'est de faire en sorte de soigner les gens qui sont en situation de difficulté médicale. Je pense que personne ne veut revenir là-dessus, en tout cas pas nous.

ELIZABETH MARTICHOUX

Il n’y aura pas de suppression d’AME.

MARC FESNEAU

Il n'est pas question de revenir sur l’AME, dans son fondement et ses principes.

ELIZABETH MARTICHOUX

Il est question de réduire le périmètre ?

MARC FESNEAU

Il y avait un deuxième volet dans l’AME. Je dis vous ne pouvez pas être dans un pays où la politique sanitaire doit être puissante et la politique sanitaire doit être généralisée, et dire au motif simple que vous n’êtes pas en situation régulière je ne m’occupe pas de la situation sanitaire de ces personnes, donc c’est une question humanitaire et c’est une question sanitaire, l’AME.

La deuxième chose, et c’est l’objet du rapport qui va être rendu, c’est de regarder qu’est-ce qui marche, qu’est- ce qui ne marche pas dans l’AME... Il semble que dans certaines prestations il puisse y avoir des dévoiements. Moi je n’ai pas les éléments aujourd’hui, le rapport va le dire, et à ce moment-là, s’il y a besoin d’ajuster, on peut ajuster, c’est une politique publique.

ELIZABETH MARTICHOUX

On peut dire que c’est quand même dans les tuyaux.

MARC FESNEAU

Mais ce n’est pas une politique d’ajustement budgétaire. Vous n’imaginez pas, quand même, que sur un sujet aussi sérieux que celui-là, qui est humanitaire et qui est sanitaire, la question soit une question de premier principe budgétaire. C’est une question de regarder un dispositif, celui-là comme tous les autres, de regarder comment il fonctionne et de regarder ce qu’on peut améliorer, s’il y a besoin de l’améliorer.

ELIZABETH MARTICHOUX

Parce qu’il est éventuellement détourné de son objectif, comme d’ailleurs les procédures de droit d’asile...

MARC FESNEAU

C’est ce que diront les rapports...

ELIZABETH MARTICHOUX

Il y a les centristes au Sénat, vous le savez d’ailleurs, qui plusieurs années de suite, je crois, ont déposé justement un projet de loi pour réduire l’AME, l’Aide Médicale d’Etat, aux seuls cas d’infection et de contagion. C’est-à-dire qu’on intervient, on apporte des soins aux clandestins uniquement quand il y a un risque contagieux ou infectieux. Est-ce que ça, par exemple, ce serait un périmètre qui vous paraîtrait correspondre à la fois à la tradition humaniste et à la nécessité de fermeté ?

MARC FESNEAU

La tradition humaniste c’est aussi quand quelqu’un... oui, enfin, qu’est-ce qu’on fait des gens qui sont en situation de diabète et qu’est-ce qu’on fait des gens qui sont en situation...

ELIZABETH MARTICHOUX

Donc ce n’est pas si simple ?

MARC FESNEAU

D’insuffisance cardiaque, c’est, ni infectieux, ni contagieux. Enfin, je veux dire, on a quand même un devoir d’humanité dans ce pays, et nous, nous ne porterons rien d’autre que cela. Après, on a un dispositif et on regarde comment il fonctionne, il faut essayer de sortir des caricatures, si je puis dire.

ELIZABETH MARTICHOUX

Ça pourrait être dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale par exemple ?

MARC FESNEAU

En tout cas techniquement, c’est un élément du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, mais nous prendrons le temps qu’il faut pour éclairer le débat si c’est dans le projet...

ELIZABETH MARTICHOUX

Mais ça pourrait ?

MARC FESNEAU

Ça pourrait.(...)

Retrouvez l'intégralité de son interview sur lci.fr 

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