Loi de sécurité globale : "On a un travail à faire avec les parlementaires, mais cela se fait dans la navette parlementaire"

Marc Fesneau

Marc Fesneau, ministre délégué, chargé des Relations avec le Parlement et de la Participation citoyenne, était l'invité de 7h50 sur France Inter, ce lundi 30 novembre 2020.

LEA SALAME

Marc Fesneau, bonjour. Merci d’être avec nous ce matin. Après plusieurs jours de crise politique et institutionnelle, une question toute simple, qu'allez-vous faire de l'article 24 de la loi de sécurité globale qui cristallise toutes les tensions, le maintenir, le réécrire ou l'abroger ?

MARC FESNEAU

Enfin, il me semble que le Premier ministre a été assez clair, et puis, les parlementaires l'ont dit, il y a un texte qui a été voté la semaine dernière, c'était il y a à peine 8 jours. Manifestement, il y a un certain nombre d'ambiguïtés qui restent sur cet article 24, il y a un texte avec des tas d'autres mesures à l'intérieur qui a son utilité me semble-t-il, et cet article 24, il visait à une chose, c'est à faire en sorte que les policiers ne puissent pas être menacés d'un point du personnel par différents moyens, et en particulier par la question de la vidéo. Ceci dit, est venu un doute sur l'objectif réel de cet article 24, il a déjà été réécrit, moi il me semble que l'on a un travail à faire avec les parlementaires pour regarder s'il y a une écriture qui serait meilleure, mais ça, ça se fait dans la navette parlementaire, et ça se fait en dialogue avec les parlementaires, me semble-t-il.

LEA SALAME

Donc là, à ce stade, vous ne retirez pas le texte ?

MARC FESNEAU

Mais je suis de ceux qui pensent que quand il y a un problème, la question n'est pas de retirer ou de ne pas retirer, on a un double problème, un problème de lecture de cet article 24, est-ce qu'il est écrit dans les termes qu'il faudrait, et puis, un problème aussi qui est celui dont répond l'article 24, c'est celui des violences qui sont proférées à l'endroit des forces de l'ordre, et il y a des faits avérés là-dessus, et comment on peut le mieux lutter contre cela, donc c'est ça qui est le sujet devant nous.

LEA SALAME

En tout cas, les tensions ont explosé entre, puisque vous êtes le ministre chargé des Relations avec le Parlement, entre le gouvernement et sa majorité, jeudi, quand Jean Castex a annoncé l'installation d'une commission indépendante pour proposer une nouvelle réécriture de l'article 24, tollé des présidents des deux assemblées, dont le Macroniste de la première heure, Richard Ferrand, le président de l'Assemblée nationale, qui estime que cette commission porterait atteinte aux missions du Parlement, qui seul écrit et vote la loi, on a entendu les députés de la majorité dire : on n'est pas des serpillières, on n'est pas des bibelots, on n’est pas des paillassons sur lesquels on s’essuie. Cet article 24 n'est-il pas au fond le point de bascule pour les députés de la majorité qui vous disent : on en a assez de n’être qu'une chambre d'enregistrement, que le gouvernement s’assoit ainsi sur le Parlement. On en a marre d'être maltraités, ignorés depuis 3 ans, est-ce que ce n'est pas cela que ça dit aussi ?

MARC FESNEAU

Ça dit surtout la volonté qu'ont les parlementaires – et c'est bien naturel, je l'ai rappelé d'ailleurs moi-même – d'être au cœur du processus législatif, il y a un autre article 24 que j'ai déjà cité d'ailleurs, qui est celui de la Constitution qui dit que les parlementaires votent la loi, et donc il faut bien qu'ils soient dans leurs prérogatives. Ça n’empêche pas...

LEA SALAME

Alors, c’était une erreur, cette commission indépendante ?

MARC FESNEAU

Ça n’empêche pas au fond – j’y viens tout de suite – que le gouvernement, au travers de personnalités qualifiées ou au travers d'une commission, puisse demander un éclairage complémentaire, pas tant uniquement sur l'article 24, mais sur les questions que pose le recours à la vidéo, le recours à la vidéo, à la fois pour informer et parfois pour ceux qui sont mal intentionnés à l'endroit des forces de l'ordre ou d'ailleurs de tout citoyen. Et donc c'est dans ce cadre-là que s'inscrit cette commission, le Premier ministre a rappelé, je crois, très clairement aux présidents des deux assemblées et aux parlementaires, il le redira dans la semaine, j'imagine, quelle était la volonté autour de cette commission, mais évidemment, ce n'est pas de priver les parlementaires de leurs prérogatives, d'abord, au fond, c'est inconstitutionnel que de le faire, mais par ailleurs, qu'il y ait...

LEA SALAME

Pardonnez-moi, il a employé le terme pour proposer ; cette commission proposera une nouvelle réécriture de l'article 24, c'était maladroit ?

Mais je crois qu'il y avait de l'ambiguïté dans la manière dont les choses... La formulation...

MARC FESNEAU

Mais assumons le fait qu’il puisse y avoir de l'ambiguïté et assumons aussi le fait que le Premier ministre, et très rapidement et très clairement, a indiqué ce qu'étaient les prérogatives de cette commission.

LEA SALAME

Donc elle va exister cette commission ?

MARC FESNEAU

Elle va exister, parce qu’elle ne vient pas travailler simplement sur la question dont on vient de parler, c'est la question globalement du droit à l’information, qui est un droit constitutionnel et auquel on doit être absolument et en permanence vigilant, et en même temps, du droit des policiers à pouvoir travailler dans des conditions qui soient des conditions de sûreté pour eux.

LEA SALAME

Plusieurs députés de la majorité, plusieurs députés de votre groupe, Marc Fesneau, puisque vous appartenez au MoDem, pas à la République En Marche, disent, vous disent et vous répètent depuis 3, 4 jours : retirez ce texte, qu'on en finisse. Vous leur répondez quoi ?

MARC FESNEAU

Mais il y a des parlementaires, pardon, c’est aussi l’esprit du Parlement, il y a des parlementaires de la majorité et du groupe MoDem et du groupe La République En Marche, il y a même des parlementaires du groupe LR et du groupe Agir qui ont voté cet article 24, qui ont même voté ce texte...

LEA SALAME

Et il y en a même qui l’ont voté et qui demandent son retrait maintenant, ce qui est bizarre...

MARC FESNEAU

Moi, il me semble que par souci, comment dirais-je, non pas d’esthétique, mais de cohérence, c'est bien qu'on puisse en discuter tranquillement, qu'on regarde dans le travail parlementaire comment les choses peuvent se faire, j'ai tendance à essayer d'avoir une ligne continue dans ces affaires-là, qu’il y ait un sujet, qu’il y ait des interrogations, c'est normal, je les vois, je les entends, mais ne commençons pas par faire des coups avant, arrière, après, on verra les mots qu'il faut dire et les gestes qu'il faut trouver pour essayer de trouver un chemin sur cette ligne de crête entre les deux injonctions que je viens d’évoquer.

LEA SALAME

Alors, le chemin ne s'appelle-t-il pas l'article 25 du projet de loi sur le séparatisme qui arrive la semaine prochaine en Conseil des ministres, c'est ce qu'on entend, alors confirmez-moi, cet article 25 stipule que – je le cite – le fait de révéler, diffuser ou transmettre des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d'une personne dépositaire de l'autorité, donc un policier par exemple, permettant de l'identifier ou de le localiser dans le but d'atteindre à sa vie ou à son intégrité, sera passible de 5 ans de prison ; ce texte a été écrit après l'assassinat de Samuel Paty, du professeur, mais il pourrait s'appliquer également par exemple aux policiers, est-ce que là, vous ne pouvez pas faire, comment dire, un tour de passe-passe pour dire : on oublie l'article 24 du projet de loi sécurité globale, et on va sur l'article 25 de la loi séparatisme, est-ce que ce n’est pas ça la ligne de sortie ?

MARC FESNEAU

Mais c’est une question qui est posée effectivement, parce que, d'ailleurs, elle a été posée dans le débat, au fond, parce que, au moment de l'examen de l'article 24, certains ont dit : il y a l'article 25, alors, il ne touche pas à la même chose, l'article 24 touche à la loi de 1880, et l'article 25 touche au code pénal. Et peut-être que c'est une des voies, effectivement, parce qu'on voit bien que c'est, au fond, le même but qui est à atteindre, et donc il faut regarder juridiquement, je ne veux pas rentrer dans les détails, d'abord, c'est des détails juridiques très complexes, mais peut-être que là, il y a une voie effectivement, c'est à la fois pour Samuel Paty et pour tous ceux qui ont été victimes de la violence au travers des réseaux sociaux, il me semble que c'est un élément important, et sur lequel il faut effectivement travailler. Ça peut être une voie...

LEA SALAME 

Ça peut être une des voies... Je comprends bien que vous n’allez pas annoncer les choses, là, ce matin, mais ça va vers ça ?

MARC FESNEAU

Non, non, mais c’est une des voies sur lesquelles on peut travailler, effectivement.

LEA SALAME

Est-ce que ça ne risque pas, là aussi, de provoquer des controverses sur les atteintes à la liberté de la presse, qu'on reparte sur une nouvelle crise ?

MARC FESNEAU

Oui, mais moi, j'entends toutes les contradictions et toutes les controverses sur les sujets, simplement, il y a des faits qui sont avérés à l'endroit des forces de l'ordre, il y a des faits qui sont avérés à l'endroit de personnes qui sont détenteurs de l'autorité publique, et globalement, de vous et moi si je peux dire, en permanence, sur les réseaux sociaux, il faut qu'on arrive à résoudre ce problème, je n'ai pas besoin de vous citer l'affaire Mila où, de la même façon, on a menacé quelqu'un parce qu'il avait exprimé quelque chose, et ce n'était pas quelqu'un qui était détenteur de l'autorité publique. N’évitons pas les débats, mais n’évitons pas les sujets non plus, et il me semble que c'est ça qui est important.

LEA SALAME

Marc Fesneau, les 4 policiers impliqués dans l'interpellation violente du producteur de musique, Michel Zecler, ont été mis en examen cette nuit et, fait rarissime, deux d'entre eux ont été placés en détention provisoire, écroués donc. Au vu de la gravité des décisions, de ces décisions judiciaires, le terme de « déconner », les policiers ont déconné, employé par Gérald Darmanin jeudi soir, n'apparaît-il pas, quelque peu, je ne sais pas, moi, léger, désinvolte, à côté ?

MARC FESNEAU

Eh bien, moi, il me semble que les mots ont effectivement leur importance, la question, c'est la justice, c’est qu'est-ce que dit la justice, c’est que, manifestement, ils ont enfreint la loi, c'est les faits ça, et donc, je m’en tiens à ça, manifestement, ils sont répréhensibles d'un certain nombre d'actions, là, c'est pour des faits de violences volontaires, manifestement, et donc, il faut laisser faire la justice, après moi, je mets plutôt le mot du fait qu’ils ont enfreint la loi manifestement, et c'est ce qu’est en train de dire la justice.

LEA SALAME 

« Déconné », c’était un peu léger...

Ca a choqué beaucoup de gens, donc je vous pose la question, moi...

MARC FESNEAU

Non, mais vous avez le droit de me poser la question, mais j'ai aussi le droit de vous dire que chacun emploie les termes qu'il veut, mais je pense que c'est des faits qui sont graves, voilà, la vérité, c'est que c’est des faits qui sont graves, voire très graves, et la justice est en train de faire son travail.

LEA SALAME

Pascal Canfin, eurodéputé de votre majorité, affirme : la ligne Darmanin hystérise le débat, fracture le point d'équilibre de l'électorat et de la majorité ; est-ce qu'il a raison, Pascal Canfin ?

MARC FESNEAU

Mais ce n'est pas une question de personne, je ne partage pas avec Pascal Canfin ce point de vue, je pense qu'on est dans un moment qui est compliqué en termes de libertés publiques, pourquoi c'est un moment compliqué, parce que la crise sanitaire a exigé un certain nombre de mesures qui réfrènent un certain nombre de libertés publiques, même si le Conseil d'Etat, le Conseil constitutionnel se sont prononcés dessus en disant que c'était légitime, mais au fond, on voit bien qu'il y a un moment de tensions pour les uns et pour les autres, pour nous tous, qui est celui de cette tension permanente entre l'exigence de libertés publiques et l'exigence de parfois, dans des situations particulières, de les restreindre, et c'est à ça qu'il faut essayer de se tenir en essayant d'apaiser le débat me semble-t-il.

LEA SALAME

Le seul responsable des tensions dans le pays, ce n'est pas Gérald Darmanin, c'est Emmanuel Macron qui change d'avis en fonction des circonstances, qui n'est pas clair, ni sincère sur les questions de sécurité, c'est Xavier Bertrand qui le dit hier soir.

MARC FESNEAU

Oui, enfin, Xavier Bertrand est en campagne électorale, ça n'aura échappé à personne, par ailleurs, le président de la République a toujours dit que ces sujets étaient des sujets d'importance, ça ne date pas d'il y a 3 mois, ça ne date pas d’il y a 6 mois, le président de la République avait décidé depuis longtemps de poser ces sujets-là sur la table. Le jeu politique est ce qu'il est, mais ce n’est pas la peine de caricaturer es choses, et je pense que c'est dans ce sens-là qu'il faut aller.

LEA SALAME

Dernière question qui n’a rien à voir, la réforme des retraites est-elle la priorité absolue du gouvernement, comme l'a dit hier Bruno Le Maire ?

MARC FESNEAU

Enfin, la priorité absolue du gouvernement, c’est de régler la crise sanitaire, on a des sujets vaccinaux qui vont venir devant nous, on a une crise économique et sociale, c'est de faire en sorte que les gens puissent sortir de la précarité dans laquelle ils sont en train de s'enfoncer du fait de cette crise sanitaire et sociale ; c'est ça la priorité et ce n’est pas autre chose à mon avis. Et il me semble que sur la question des retraites, la réforme des retraites telle qu’elle avait été posée, c'était une réforme qui visait à avoir plus de justice, et l’angle est...

LEA SALAME

Oui, mais là, là, Bruno Le Maire l’angle sur l’angle des économies...

MARC FESNEAU

Oui, j’allais vous le dire, j’allais y répondre justement, l’angler sur la question budgétaire ne me paraît, à ce stade, pas la question, la question, c'est d'avoir une réforme qui soit juste, et par ailleurs, le Premier ministre a indiqué une méthode, qui est une méthode de mettre ça sur la table des partenaires sociaux, il faut faire confiance aux partenaires sociaux ; là aussi.

LEA SALAME

D'accord, donc Bruno Le Maire a tort...

MARC FESNEAU

Mais il me semble qu’il faut mettre les choses dans l'ordre dans lequel elles ont été prévues.

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