Jean-Noël Barrot : "Le système par points, défendu de longue date par François Bayrou et le MoDem, peut être porteur de nombreuses avancées sociales si nous trouvons les chemins de la concorde"

Le Secrétaire général du Mouvement Démocrate, Jean-Noël Barrot est l'invité du grand entretien politique du « Point ». Retrouvez quelques extraits de cet entretien. 

L'intégralité de cette interview menée par Olivier Pérou et Marc Vignaud est disponible sur le site lepoint.fr 

Le Point : Alors que les policiers expriment leur mécontentement face aux prises de parole de Christophe Castaner, les rues de Dijon ont été le théâtre de violences et autres expéditions punitives, puis des casseurs ont ruiné la manifestation des soignants mardi. Y a-t-il encore une autorité de l'État ?

Jean-Noël Barrot : Sur l'affaire de Dijon, c'est le déconfinement des trafics qui explique en partie un regain de tension, voire une explosion de violence, dans certains territoires. Force doit rester à la loi et nous devons être intraitables. La tranquillité publique est un droit fondamental qui conditionne l'exercice de nos libertés, ce qui explique aussi le déploiement de force qui a été décidé pour apaiser les tensions, assurer le maintien de l'ordre et rassurer la population. S'agissant de la colère des policiers, je ne peux que constater à quel point ils sont sollicités et mobilisés depuis l'automne 2018. Le gouvernement a montré son soutien sans faille aux forces de l'ordre en créant 10 000 postes de policier et de gendarme sur la durée du quinquennat et en renforçant leurs moyens matériels. Tout cela témoigne de la priorité du gouvernement à faire respecter l'ordre républicain.

Il y a un « mais », malgré tout, puisque nombre de Français manifestent pour dénoncer des violences policières…

Que l'on s'interroge régulièrement sur telle ou telle pratique d'arrestation, telle ou telle pratique d'inspection, cela me paraît absolument sain. Ce qui est inacceptable, en revanche, c'est que de petits groupes puissent jeter l'opprobre sur une profession dont la responsabilité est d'assurer notre sécurité et nos libertés.

Christophe Castaner peut-il rester ministre de l'Intérieur ?

C'est ce gouvernement qui a mis fin à l'hémorragie des postes de policier et de gendarme. Je crois qu'ils le savent. Cet épisode ne doit pas éclipser l'effort considérable qui a été fait depuis le début du quinquennat pour soutenir nos forces de l'ordre.

Le ministre peut-il, oui ou non, rester place Beauvau ?

(Silence.) La décision revient au président de la République et au chef du gouvernement.

Lui apportez-vous votre soutien ?

Le choix de mettre la priorité sur le régalien a été le bon. C'est cela qui caractérise le bilan du gouvernement et des ministres de l'Intérieur qui se sont succédé depuis le début du quinquennat.

« Il faudra travailler davantage. » Cette phrase qu'a prononcée Emmanuel Macron dimanche dernier fait couler beaucoup d'encre. Qu'est-ce que cela veut dire ?

Le constat, c'est que des millions de Français sont à la recherche d'un emploi ou contraints au chômage partiel. Au 9 juin, 13 millions de salariés faisaient encore l'objet d'une demande de chômage partiel par leur entreprise. Même si la reprise est là et que la consommation a rebondi, le pays est bien en deçà de son potentiel productif. Si nous ne voulons pas que le pays se déclasse et s'appauvrisse, il faudra collectivement travailler plus.

Est-ce à dire augmenter le volume horaire des gens qui sont déjà en poste ?

Dans un premier temps, il convient de remettre les gens au travail. C'est l'urgence. La récession dans laquelle nous sommes est sans doute l'une des plus profondes de notre histoire. Par le passé, ce genre de situation a produit des ajustements majeurs sur le marché du travail. Il ne faut pas sacrifier ceux qui sont déjà les plus éloignés du travail et qui risquent d'être les grandes victimes de la crise, notamment les jeunes.

Ce n'est donc pas le « travailler plus pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy ?

Ce n'est pas ce que j'ai entendu dans la bouche du président de la République. Je salue le dialogue entre les partenaires sociaux et le patronat qui a permis la continuité économique du pays et sa subsistance. Je pense particulièrement à certaines branches de l'agroalimentaire dans lesquelles il a fallu mettre les bouchées doubles dans un contexte très dégradé où les marchés d'importation étaient quasiment fermés. La crise va être longue et l'on se trouvera dans des situations où les problèmes habituels seront décuplés : des entreprises très sollicitées et d'autres confrontées à une demande déprimée, ou dans l'incapacité de reprendre leur processus de production. Il ne sert à rien d'essayer de plaquer des formules générales mais plutôt de confier, comme cela a été fait pendant la crise, le soin aux chefs d'entreprise, aux salariés et aux représentants du personnel de prendre les décisions qui s'imposent.

Doit-on réduire la prise en charge des salaires des personnes qui sont au chômage partiel ?

Ce qui est fondamental, c'est de créer une transition acceptable et efficace du régime de chômage partiel vers un nouveau régime d'activité partielle qui incite tout le monde, salariés comme entreprises, à la reprise d'activité. Il y a plusieurs instruments possibles, à commencer par des primes pour inciter à l'emploi des jeunes et jouer un peu plus sur le coût du travail que nous ne le faisons actuellement. Passons progressivement d'une logique où on subventionne une entreprise pour qu'elle conserve ses salariés à une logique où on l'incite à réactiver sa force de travail. Est-ce qu'il faut des baisses de charges ? Peut-être, mais il n'y a presque plus de cotisations au niveau du smic. Il faut privilégier les primes qui auront un effet plus incitatif. C'est un instrument qui a fait ses preuves pendant la crise de 2008.

L'Allemagne a les moyens de baisser temporairement sa TVA pour relancer la consommation et a mis beaucoup d'argent dans le soutien de ses entreprises. La France, elle, attend toujours les détails de son plan de relance nationale…

Ce que nous avons construit pendant la crise, c'est un véritable bouclier anti-faillites et anti-licenciements, auquel viennent s'ajouter des armes que nous donnons aux entreprises pour affronter la crise. Nous agissons de manière puissante et chirurgicale pour que l'argent des Français soit utilisé de la manière la plus efficace possible. Nous n'avons pas à rougir de l'ampleur de ces mesures. Quand on compare la France à l'Allemagne, il faut regarder ce qui est décaissé, pas simplement ce qui est affiché : les prêts garantis par l'État sont largement plus consommés en France qu'en Allemagne. Oui, l'Allemagne a décidé de baisser sa TVA, mais c'est une mesure dont les effets sont incertains. Quand nous l'avons fait en France, cela n'a pas fait baisser les prix et, quand il a fallu relever le taux de TVA, dix ans plus tard, sur la restauration, les prix ont augmenté. L'accord franco-allemand sur un plan d'investissement commun, avancée historique obtenue de haute lutte par la France, est la meilleure garantie d'une relance massive et coordonnée.

Vous ne parlez pas d'augmentation des impôts. Or certains disent qu'il y aura besoin de nouvelles mesures de solidarité pour que les plus aisés participent plus à l'effort lié à la crise. Êtes-vous partisan d'une taxe, d'un prélèvement exceptionnel ou d'une nouvelle forme de redistribution ?

L'heure n'est pas à augmenter les impôts. Les montants envisagés par celles et ceux qui proposent un nouveau prélèvement sont dérisoires par rapport à l'enjeu de la reconstruction et du redressement du pays. Qu'à terme on puisse réviser certains de nos mécanismes de redistribution, la manière dont la richesse nationale est partagée, cela me paraît nécessaire, et le MoDem porte des propositions pour développer notamment l'actionnariat salarié. Mais l'urgence est de sortir le pays de l'ornière. En levant des impôts, on perd sur tous les tableaux : on décourage l'activité sans pour autant résoudre de problèmes de finances publiques.

Vous parlez de problèmes de finances publiques. La crise a mis entre parenthèses la réforme des retraites alors que le déficit va exploser. Faut-il la reprendre ?

Ce que nous voulons, c'est qu'une partie de ces déficits puisse être à terme résorbée par le rebond économique et la croissance retrouvée. J'ai entendu le président de la République fixer comme cap pour le pays celui d'un destin maîtrisé et d'une indépendance retrouvée, avec une triple exigence : le partage des pouvoirs et responsabilités, le patriotisme républicain et la transition économique et sociale. La réforme des retraites porte en elle des progrès et des protections pour les personnes qui ont été particulièrement éprouvées et exposées à la crise, je pense aux femmes et aux carrières hachées. Il me semble tout à fait opportun de leur faire bénéficier de ces avancées d'ici à la fin du quinquennat.

Faut-il reprendre le système par points, qui, selon le gouvernement, devait justement rééquilibrer le système en faveur des femmes  ?

Nous avons travaillé avec le groupe communiste à l'Assemblée nationale pour faire avancer la question des pensions agricoles. Nous ne nous sommes pas demandé s'il fallait tout reprendre ou non de la réforme avant de le faire ! L'urgence, c'était la situation des agriculteurs, et il y a eu un consensus. C'est dans cet esprit qu'il faut avancer. Quant au système par points, défendu de longue date par François Bayrou et le MoDem, il peut être porteur de nombreuses avancées sociales si nous trouvons les chemins de la concorde.

Votre nom circule pour intégrer le gouvernement au prochain remaniement, peut-être à Bercy. Y êtes-vous prêt ?

Je crois que l'heure n'est pas, dans cette crise sanitaire, sociale et économique, à faire des plans de carrière, mais à œuvrer collectivement au service du pays. C'est dans cet esprit que le MoDem, clé de voûte de la majorité, entend agir au Parlement comme au gouvernement.

Dimanche 28 se jouera enfin le deuxième tour des municipales. Vous avez été au cœur des négociations pour les municipales entre le MoDem et LREM. Pourquoi y a-t-il eu tant de mélodrames, à Bordeaux, Rennes, Toulouse ou encore Saint-Étienne ?

Nos deux mouvements étaient dans des situations différentes : LREM abordait sa première élection locale quand le MoDem était associé aux majorités sortantes à Bordeaux, Reims ou Dijon. Cela explique des désaccords et parfois des confrontations. Mais nous nous sommes retrouvés bien souvent, au premier tour ou au second. Dans les villes de plus de 9 000 habitants, nous avons soutenu les mêmes candidats dans presque neuf cas sur dix.

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