Jean-Noël Barrot : « Je crois que l’idée de la subsidiarité, l’idée qu’il faut faire confiance aux acteurs de terrain, est une idée que le MoDem défend depuis longtemps avec François Bayrou »

Le secrétaire général du MoDem était l'invité du Talk Figaro. Retrouvez l'analyse du député des Yvelines et Secrétaire général du Mouvement Démocrate sur la question de la relance économique du pays.

Yves Thréard – La crise économique elle ne s’annonce pas, elle est déjà là. On le voit dans les annonces du chômage, les faillites, des dépôts de bilan, et c’est avec Jean-Noël Barrot qu’on en parle ce matin, qui est député des Yvelines et Secrétaire général du MoDem.

Bonjour Jean-Noël Barrot.

Jean-Noël Barrot - Bonjour Yves Thréard.

Yves Thréard – Comment amortir cette crise économique ?

Jean-Noël Barrot – Avec le Gouvernement, avec Bruno Lemaire, avec Murielle Pénicaud, ce que nous avons construit c’est un bouclier anti faillite, anti licenciement. Et ce que nous faisons aujourd’hui, c’est de donner des armes aux entreprises pour affronter la crise. Les mesures que nous prenons n’ont aucun précédent historique. Nous intervenons avec puissance mais de manière chirurgicale pour utiliser l’argent public le plus efficacement possible, à la fois pour sauver certaines entreprises mais aussi pour enclencher la relance puisque nous sommes au carrefour de la reprise, de la relance.

Yves Thréard – Certes, mais un ancien ministre socialiste bien connu avait dit « l’État ne peut pas tout ».

Jean-Noël Barrot – C’est évidemment sur les forces vives du pays qu’il faut se reposer et d’ailleurs une partie des solutions qui ont été trouvées au cœur de la crise à des problèmes aussi complexes que la remise en route de certaines usines ou dans l’éducation ou encore la santé, c’est grâce à la mobilisation des acteurs sur le terrain que des solutions à des problèmes inextricables ont pu être trouvées.

Yves Thréard – On parle beaucoup du monde d’après, du monde de demain, quels sont les secteurs prioritaires à relancer, à protéger, à améliorer, à soutenir ?

Jean-Noël Barrot – Le Président de la République a fixé un cap pour le pays, celui d’une autonomie retrouvée, d’un destin maitrisé avec une triple exigence : la transition économique et sociale, le patriotisme républicain et un nouvel équilibre des responsabilités et des pouvoirs. Dans l’urgence certains secteurs sont bousculés comme l’aéronautique, l’automobile, on voit un effet d’entrainement sur l’ensemble de l’économie et c’est la raison pour laquelle des plans de soutien massifs ont été annoncés. 18 milliards d’euros ont été attribués au tourisme qui est une véritable force pour le pays, 15 milliards d’euros pour l’automobile, 8 milliards d’euros pour l’aéronautique, avec un ensemble de dispositifs qui visent à faciliter la reprise d’activité mais aussi à stimuler la demande. Je pense en particulier au bonus écologique et à la prime à la reconversion pour le secteur automobile.

Yves Thréard – Comment financer tout cela alors que le Président de la République a fait la promesse de ne pas augmenter les impôts ?

Jean-Noël Barrot – Les investisseurs ont toute confiance dans la signature de la France. Pour vous donner un exemple, du fait de la crise du Covid, la France a dû émettre 100 milliards d’euros de dettes supplémentaires que ce que nous avions prévu au premier semestre de cette année. Et bien pour autant, la charge de la dette a baissé. Pourquoi ? Parce qu’il y a une demande très forte à travers le monde des investisseurs pour trouver des placements sûrs pour une épargne qui s’est accumulée au fil des années et que la France offre cette sécurité du fait de son système de protection sociale, de sa capacité à lever les impôts et tout simplement de sa crédibilité sur la scène internationale. Mais on ne s’est pas arrêté là et vous avez vu que, sous l’impulsion du Président de la République, un accord historique est en train de se former au niveau européen, pour que la première fois, dans son histoire, l’Europe lève une dette commune créant, une solidarité de fait entre les pays d’Europe…

Yves Thréard – Vous croyez que c’est possible alors qu’il y a des pays qu’on dit « frugaux » qui ne veulent pas entrer dans ce mécanisme tel que les Pays-Bas et les pays nordiques ?

Jean-Noël Barrot – Oui, je crois que certains pays se sont aperçus au fil du temps de l’impact que cette crise allait avoir sur leur économie – je pense à la Suède et aux Pays-Bas. Je pense aussi qu’ils portent dans ce moment si important dans notre histoire commune une forme de responsabilité. Vous avez vu que le Président de la République est à la manœuvre. Il était hier aux Pays-Bas - il me semble - pour essayer de faire avancer et faire converger les points de vue autour de cette avancée majeure, de ce pas de géant pour l’Union européenne.

Yves Thréard – Parlons de quelques leviers français possibles. On sait que les Français sont très friands d’épargne. Ils épargnent beaucoup. Pourquoi ne pas orienter cette épargne vers l’investissement ?

Jean-Noël Barrot – Oui, vous avez raison. C’est d’ailleurs quelque chose que nous avons essayé de faire depuis 3 ans, notamment au travers de la loi PACTE, et que nous allons essayer d’inciter à nouveau. C’est l’objectif des mesures comme le renforcement des mesures du bonus écologique et de la prime à la conversion. Et plus généralement, c’est l’objectif ultime de toutes les mesures que nous prenons pour relancer l’économie, parce que ce qui fera consommer les Français, c’est la confiance qu’ils auront dans l’avenir, confiance dans notre capacité à résister et à endiguer une éventuelle seconde vague, confiance dans notre capacité à mettre en place les sécurités, les suretés nécessaires, y compris pour ceux qui sont les plus fragiles, la capacité à trouver des solutions adéquates pour soutenir nos entreprises.

Yves Thréard – Il y a un deuxième levier. Le Président de la République en a parlé je crois.  Vous en avez parlé. C’est peut-être un nouvel acte de décentralisation pour associer davantage les corps intermédiaires et les élus locaux. Ça vous paraît nécessaire qu’il y ait une nouvelle réforme de l’organisation de l’Etat ?

Jean-Noël Barrot – Oui je crois que l’idée de la subsidiarité, l’idée qu’il faut faire confiance aux acteurs de terrain, est une idée que le MoDem défend depuis longtemps avec François Bayrou. Je crois que l’expérience de la crise a démontré qu’en laissant de la liberté aux acteurs de terrain, on pouvait trouver des réponses et des solutions à des problèmes inextricables et que, dès lors, il faut que nous puissions - et le Président de la République l’a très bien exprimé en parlant d’un nouvel équilibre des responsabilités et des pouvoirs – eh bien faire confiance au terrain, à la fois dans l’organisation politique, mais aussi, plus généralement, aux forces vives de la Nation, aux corps intermédiaires, en les associant de manière beaucoup plus proche, en les responsabilisant, dans l’effort de redressement du pays. C’est d’ailleurs ce qui avait été fait par le Général de Gaulle en 1946, qui avait souhaité que le plan qu’il a conçu pour la France, associe très largement les Françaises et les Français, leurs corps intermédiaires, et plus généralement, les forces vives du pays.

Yves Thréard – Vous seriez favorable à ce qu’on restaure un plan par exemple, comme au temps du Général de Gaulle ?

Jean-Noël Barrot – Ce qui était très intéressant dans la démarche du Général de Gaulle, c’était les commissions de modernisation qui ont associé les partenaires sociaux, les représentants syndicaux, patronaux, les chefs d’entreprise, les universitaires, et la haute fonction publique, pour se confronter aux questions très difficiles du moment. Et je crois que c’est ce dont nous avons besoin. Et je crois d’ailleurs que c’est sous cet angle-là que le Président de la République a souhaité placer la réflexion sur le monde d’après, c’est-à-dire la Concertation. Elle a lieu aujourd’hui à l’Assemblée nationale. Le président de l’Assemblée nationale a invité un certain nombre d’acteurs de la vie politique, économique, et sociale française. Et puis, le Président de la République poursuit un certain nombre de consultations parce qu’il est conscient et qu’il souhaite associer les Français à la transformation du pays.

Yves Thréard – Tout sera dans la méthode ?

Jean-Noël Barrot – Oui, je crois que la triple exigence de transition sociale et économique, de patriotisme républicain et le nouvel équilibre des pouvoirs et responsabilités, s’appuie sur une méthode qui est l’association large des Françaises et des Français à ce projet d’avenir pour le pays.

Yves Thréard – Alors on a vu que les Français avaient été associés, c’était prévu avant la crise du Covid avec cette Convention citoyenne pour le climat. Dites-moi, il en sort quand même un plan et des propositions qui sont quand même plutôt sur une pente de la décroissance. Il y a de quoi s’inquiéter…

Jean-Noël Barrot – Écoutez, cette Convention citoyenne pour le climat, c’est une véritable innovation démocratique et je trouve pour ma part que la France est honorée d’être un des premiers pays du monde à se livrer à un tel exercice. C’est le fruit du grand débat national, souhaité par le Président de la République et je crois qu’il faut accueillir ces propositions avec intérêt et avec un certain enthousiasme comme l’a dit hier le Premier ministre à l’Assemblée nationale.

Yves Thréard – Ce n’est pas ça qui va relancer l’activité économique du pays !

Jean-Noël Barrot – Il y a un certain nombre de mesures dans ces propositions qui reviennent sur des réflexions qui avaient déjà eu lieu, qui avaient été inscrites dans la loi, depuis 3 ans. Il y en a d’autres qui sont un peu plus ambitieuses, qui vont un peu plus loin. Je crois que maintenant que le temps de la concertation a eu lieu, il faut que nous puissions passer au temps de la décision, et il me paraît que ces décisions doivent être tranchées par le suffrage universel d’une manière ou d’une autre. Et que ce cercle vertueux de la concertation, à la décision, à l’évaluation, est le propre d’une démocratie interactive et que cette démocratie interactive qu’il faut que nous puissions favoriser par tout moyen.

Yves Thréard – Jean-Noël Barrot, vous êtes favorable à ce que la réforme des retraites poursuive son bonhomme de chemin ? Faut-il continuer cette réforme et dans quels termes ?

Jean-Noël Barrot – Il y avait dans cette réforme des retraites, un certain nombre de progrès et d’avancées sociales qui concernaient directement des personnes qui ont été en 2ème ligne – je pense aux femmes et aux carrières hachées. Sans attendre qu’elle soit remise sur le métier, nous avons la semaine dernière, à l’Assemblée nationale, sur une proposition communiste, fait avancer le sujet des pensions agricoles qui étaient inscrites dans ce projet de réforme des retraites. Donc je crois que nous devons à celles et ceux qui ont beaucoup travaillé, qui se sont beaucoup exposés dans cette crise, un certain nombre d’avancées, et que si nous trouvons les chemins de la concorde, nous pouvons reprendre ce projet de réforme des retraites et essayer de le faire avancer d’ici la fin du quinquennat.

Yves Thréard – Il y avait deux idées fortes dans ce projet de réforme parmi beaucoup d’autres : 1 : l’installation d’un régime universel, il faut garder ce principe ?

Jean-Noël Barrot – Oui, le régime universel est là aussi une idée défendue de longue date par le MoDem, par François Bayrou, qui est porteur de plus de justice, de robustesse pour notre système de retraite. C’est un système qui doit rester notre objectif. Ferme sur l’objectif nous devons rester. Et évidemment, nous devons tenir compte de la crise et des difficultés dans lesquelles notre économie et notre système sont placés, pour faire preuve d’un peu de souplesse sur la mise en œuvre.

Yves Thréard – Deuxième idée forte, c’était d’installer un âge pivot, qui consistait en fait à retarder l’âge de départ à la retraite. Il faut garder ça dans les circonstances actuelles ?

Jean-Noël Barrot – Ce qu’il faut garder, c’est l’objectif d’avoir un système équilibré dans lequel notre jeunesse qui va être aussi une des principales victimes de la crise, demande à ce qu’on puisse lui offrir des perspectives crédibles pour sa retraite. Donc il faut que nous puissions collectivement nous donner l’objectif d’avoir un système équilibré à terme. Il faut que nous le fassions dans ce nouveau contexte, qui est un contexte de crise, qui a alourdi très brutalement et rapidement les déficits du régime de retraite qui ont déjà atteint une cinquantaine de milliards d’euros.

Yves Thréard – On parle beaucoup de remaniement. Est-ce qu’il faut changer le Premier ministre ?

Jean-Noël Barrot – Écoutez, qui aurait pu imaginer que l’on demande au Premier ministre et au gouvernement de fermer le pays et de le rouvrir par vagues successives de trois semaines ? Moi, je considère que le gouvernement et le Premier ministre se sont acquittés de ces travaux herculéens avec beaucoup de rigueur, de professionnalisme, dans la concertation et qu’il faut s’en réjouir. Ensuite, c’est le Président de la République, qui après avoir fixé le cap, la semaine dernière, donnera la feuille de route début juillet, et c’est de cette feuille de route que découlera l’organisation de la majorité au Parlement et au gouvernement.

Yves Thréard – Alors vous savez évidemment que votre nom est cité pour entrer au gouvernement. Est-ce que c’est une perspective qui vous réjouit ?

Jean-Noël Barrot – Vous savez, dans ces périodes, beaucoup de noms sont cités. Je crois que l’heure n’est pas à faire des plans de carrière, mais à œuvrer collectivement pour essayer de sortir le pays de l’ornière. C’est tout ce que nous faisons cette semaine à l’Assemblée nationale et que nous ferons aussi la semaine prochaine, dans le cadre du budget rectificatif.

Yves Thréard – On parle beaucoup en coulisses à la REM, qui est un parti qui a du mal à s’installer dans le paysage, de créer une confédération, un peu comme l’UDF dans le temps, avec toutes les composantes de la majorité présidentielle : le MoDem, Agir, la REM. Est-ce que c’est une idée qui doit faire son chemin et que vous approuvez ?

Jean-Noël Barrot – Le MoDem et la REM se sont associés pour promouvoir le programme présidentiel d’Emmanuel Macron et assurer son élection ou en tout cas, y contribuer. Ce que nous avons fait depuis trois ans, c’est de mettre en œuvre un certain nombre de mesures et de réformes qui nous tenaient à cœur, qui avaient déjà été défendues par le passé, y compris en 2012, par François Bayrou. Et nous avons encore beaucoup de travail à faire. Il est évident que ce travail, nous devrons le faire ensemble. Nous avons eu parfois certains désaccords quand se sont posées des questions électorales, mais sur le fond, je crois que nous avons beaucoup de choses à partager en commun, et que si le Président de la République, dans le cadre de la feuille de route qu’il va annoncer aux Français, souhaite que qu’une réorganisation puisse avoir lieu non seulement au Parlement, au gouvernement, mais aussi dans la majorité présidentielle au sens large, nous y participerons évidemment.

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