Les défis du secteur culturel

Mercredi 27 mai, Alice le Moal, Secrétaire générale adjointe, a organisé un Grand débat sur la culture. La crise sanitaire a mis à l’arrêt l’ensemble de ce secteur, essentiellement vivant et libre. Comment va s’effectuer la relance ? Il faudra du temps, de la patience et de la confiance.

Pour réfléchir sur la situation du secteur culturel Alice le Moal a réuni l’ancien ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon, le premier adjoint au maire de Bordeaux en charge de la culture Fabien Robert, la députée de Gironde Sophie Mette (membre de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation), et le directeur du théâtre de l’Archipel, Fabrice Roux, membre du comité de direction du Syndicat des Entrepreneurs du Spectacle.

« Pour vous, qu’est-ce que la culture ? » lance Alice le Moal. « La culture, s’il fallait la définir, ce serait de façon très large, répond Jean-Jacques Aillagon, c’est quelque chose de quasiment anthropologique. C’est tout ce qui nous constitue comme êtres humains. Il n’y a pas d’humanité sans culture, ni de culture sans humanité. » Sophie Mette remarque que la culture nous relie, mais est également ce qui rend chacun de nous unique. Quand tout s’est éteint, c’est la dernière petite lumière qui brille, celle d’un cinéma, ou d’une médiathèque. Fabrice Roux ajoute que la culture constitue le dernier rempart contre l’obscurantisme. Et Fabien Robert cite Malraux : la culture, c’est ce qui fait que l’homme n’est pas simplement un accident de l’univers. Si l’art provoque souvent du dissensus, la culture crée du consensus. Cela englobe les œuvres, mais aussi les lieux culturels, les coutumes, l’ensemble des caractéristiques d’une société.

Le confinement a entraîné une fermeture brutale des espaces culturels. Fabrice Roux souligne le choc ressenti. Les acteurs de ce secteur sont passés par des doutes, des angoisses. élu local, Fabien Robert était aux côtés du maire de Bordeaux pour confiner la ville. S’il a été très difficile de fermer ces lieux d’échange, il sera encore plus compliqué de les rouvrir. Pendant le confinement, des initiatives ont été imaginées : un fonds d’urgence, des concerts organisés sous les balcons, un groupe WhatsApp d’informations. En organisant des séances de cinéma en drive-in. Parce qu’il fallait bien trouver des solutions pour rendre, le temps d’une soirée, des familles heureuses.

Jean-Jacques Aillagon préparait l’ouverture d’un nouveau musée pour septembre. Le chantier a été arrêté, le musée ouvrira plus tard. Cette période suspendue est l’occasion d’une réflexion intense sur l’avenir de la culture. Sophie Mette a mis en place un groupe de travail parlementaire sur ce sujet. Un nombre important d’acteurs culturels ont été auditionnés. « N’oublions pas que le secteur culturel est un secteur économique crucial, il représente 3% du PIB. Davantage que la voiture ! ».

Pour Jean-Jacques Aillagon, si l’on peut se cultiver seul, en rentrant à l’intérieur de soi, la culture, comme le droit de grève, est essentiellement un acte collectif. D’où l’importance de rouvrir les lieux culturels. D’ailleurs, il ne comprend pas pourquoi les librairies ont été fermées durant le confinement. C’est un commerce primordial.

Face aux difficultés du secteur, le gouvernement a adopté un plan de relance, que Sophie Mette nous détaille, selon les activités : pour le patrimoine, pour le spectacle vivant, pour les artistes-auteurs. Nombre de mesures ont été prises. Le patrimoine, par exemple, bénéficie des mesures transversales de soutien aux entreprises, avec le chômage partiel, un fonds de solidarité, des lignes de trésorerie bancaires. Pour les intermittents, une période a été neutralisée, au titre d’année blanche. Un fonds de soutien aux entrepreneurs de spectacles de 10 millions d’euros a été débloqué. Un fonds d’indemnisation pour les tournages a été mis en place avec les régions qui le souhaitent. Paradoxalement, beaucoup de choses ont été entreprises pour la culture, mais cela ne se voit pas forcément. Car cela ne suffit pas, d’une part. Le monde de la culture est extrêmement divers. La communication n’a sans doute pas été très efficace, d’autre part.

Membre d’un syndicat, Fabrice Roux reconnaît la portée des mesures gouvernementales. Mais que désire-t-on ? « Le président de la République a rencontré les artistes, de manière très honnête et parle d’année blanche, mais est-ce la solution ? On est ravis de créer de la stabilité pour les intermittents. Mais si vous sauvez les intermittents et pas les petites entreprises, ils feront quoi, les intermittents dans 18 mois ? ». La question la plus taraudante est en effet celle de la reprise des activités. Et Fabrice Roux espère que le déconfinement ne s’organisera pas de manière improvisée, par en haut seulement. Il ne peut se faire intelligemment qu’avec un dialogue avec les syndicats.

Jean-Jacques Aillagon estime qu’il ne faut pas oublier les petites et grandes entreprises. Il faut réfléchir à des mesures de réactivation de l’accueil public. Il faudra dédensifier le public, même si la densité humaine fait aussi partie du bonheur d’être ensemble dans un lieu de spectacle. Terrible, cette crise a pourtant suscité, comme la plupart des grandes crises, des innovations. A Bordeaux, un groupe de travail spécifique sur la relance a été créé, avec l’idée de lancer une commande publique exceptionnelle. Le débat public/privé est toujours présent. Fabien Robert souligne que tous les lieux publics n’ont pas été éligibles à l’activité partielle. Un opéra de Bordeaux, par exemple, n’en bénéficie pas. Et les lieux publics, en perdant leurs recettes, sont menacés, car ils n’avaient pas tous une trésorerie suffisante.

Fabien Robert insiste sur un problème réel : le manque de coordination à l’échelle des collectivités.

 Au cœur des grandes villes, la culture est tout aussi nécessaire dans le monde rural. Jean-Jacques Aillagon le sait bien, lui qui habite une ville de 2700 habitants. Sophie Mette est très concernée par cette question, elle qui a géré un cinéma indépendant dans une petite ville du Sud-Gironde, Bazas. La culture doit être accessible à tous. C’est un vieux rêve démocratique, qui a du sens.

Les internautes posent de nombreuses questions, partagent leurs témoignages. Hugues de Rasilly, récemment élu en Gironde, nous dit que la culture représente une priorité à ses yeux. La question de l’échelle européenne est soulevée. Si l’Union européenne a manqué plusieurs grands rendez-vous, cette crise représente une épreuve décisive. L’Europe doit être la clef du financement de la crise. C’est un enjeu collectif : l’Europe doit retrouver du sens. Il en va du sentiment d’appartenance à l’Europe. Le programme Europe Créative, de soutien des acteurs créatifs en Europe, va dans la bonne direction. Fabrice Roux remercie Europa cinema, d’une aide décisive pour les cinémas d’art et d’essai. L’aide a été rapide. Il faut nous coaliser pour que l’Europe ait des compétences plus larges et plus efficaces. Jean Monnet aurait ainsi dit que, s’il fallait recommencer l’Europe, il faudrait partir de la culture.

 

Les subventions sont arrivées à temps, avant le délai du Trésor public, pour une fois. On voit que lorsque l’administration veut aller vite, elle peut le faire. Il s’agira de conserver, par la suite, ces bonnes pratiques. Il faudra également une simplification des dossiers de demande d’aide.

Fabien Robert nous invite à joindre nos gestes à nos paroles. Avoir envie de culture nous oblige à dépasser nos peurs. En allant dans les librairies, en allant au cinéma, au concert. En respectant les précautions nécessaires, mais sans panique. Il faut lutter contre toutes les formes d’enfermement et de repli sur soi. L’art traverse les frontières. Un internaute partage avec nous l’idée des GIP, dispositifs pour les musiciens jouant dans les cafés. Une convivialité à retrouver.

Sophie Mette retient, de ce riche débat, des pistes importantes pour la relance : la chronologie des médias, les plateformes, l’accès à la culture pour les plus fragiles, en milieu rural ou urbain. La culture en milieu scolaire a toute sa place. L’idée de complément de financement qui peut être très importante, pour relancer une dynamique culturelle. Jean-Jacques Aillagon rappelle que la responsabilité d’un gouvernement, lors d’une crise sanitaire, est très grande. La parole du président Emmanuel Macron a été très importante. Il s’agit d’avoir confiance dans ce que le gouvernement peut faire. Une chose est sûre : nous ne pouvons pas gérer perpétuellement le rétrécissement des choses. La vie doit reprendre, et l’emporter, car notre destinée n’est pas la mort, mais la vie.

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