"Cette crise inédite d’une violence inouïe, a révélé nos failles et nos carences tant dans notre appareil productif, que sur notre système sanitaire"

Max Orville

Max Orville est Président du Mouvement Démocrate de la Martinique et directeur d'école. Reprise des établissements scolaires, chômage, économie touristique, failles du système sanitaire : il revient sur les enjeux spécifiques des territoires d'Outre-mer face à la crise. 

Mouvement Démocrate - Comment la Martinique appréhende le Covid-19 et les mesures prises pour lutter contre sa propagation ? 

Max Orville - La Martinique appréhende le Covid-19 avec une certaine appréhension et crainte. La forte virulence et le nombre de décès survenus dans le monde nous effraient et sont redoutés.

Cependant les décisions précoces de confinement et de fermetures des frontières aériennes avec les voisins caribéens ainsi que les mesures de "quinzaines" pour tout entrant en Martinique sont à priori rassurantes pour les Martiniquais. Les couvre-feux décidés par le Préfet ont permis un confinement efficace et dissuasif. Pour l’heure, la pandémie semble sous contrôle et les services hospitaliers ne sont pas submergés, loin s’en faut !

Alfred Marie Jeanne, président de la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) a affirmé la semaine passée qu’il était "impossible de rouvrir les collèges et lycées en mai". Le Ministre de l’Education nationale, Jean-michel Blanquer a indiqué que le taux de décrochage scolaire lié à la fermeture des écoles pour lutter contre le coronavirus en Outre-Mer s'établit entre 15 et 25% contre 4% en métropole. Vous-même êtes directeur d’établissement scolaire, comment cela se passe-t-il avec l’ensemble de la communauté éducative et comment anticipez-vous le déconfinement ?   

Le 29 avril dernier, l’Association des Maires à une très large majorité (32 sur 34) a décidé de ne pas réouvrir les écoles le 11 mai pour des raisons sanitaires (nettoyages des locaux, protections insuffisantes des personnels communaux, manque de masques, de matériels adaptés et actuellement en commande et dont on ignore les dates d’arrivée…).

Je n’ai pas d’éléments précis concernant le taux de décrochage scolaire en Martinique. Cependant je peux arguer que dans mon établissement de 340 élèves, ce taux est quasi nul. Les élèves travaillent à distance avec des enseignants très impliqués à la réussite de leurs élèves et en relation constante avec les familles.

Le déconfinement se prépare conformément aux décisions rectorales et territoriales. Cependant la défiance et l’appréhension vis-à-vis d’une reprise en mai ou en juin sont réelles tant pour les familles que les personnels. L’école étant un enjeu majeur, la mise en sécurité de l’ensemble des acteurs de la communauté éducative n’est pas envisageable. La récente décision des Maires de se donner le temps de réunir tous ses paramètres pour garantir une sécurité maximale va dans ce sens.

On évoque une chute de l’économie du tourisme. Comment la Martinique et l’Outre-Mer, dont l’économie en dépend beaucoup, y font-elles face ? 

Je suis inquiet sur ce plan. L’économie touristique est touchée pour au moins six mois. Tous les hôtels, toutes les structures d’hébergement sont fermés. Les réservations n’ont pas commencé pour la haute saison (décembre/ avril). 50% des locations ayant lieu dans des structures familiales en location saisonnière, c’est le pouvoir d’achat de nombreuses familles qui est atteint. Comme dans l’Hexagone, les restaurants et cafés sont clos. De nombreux serveurs ou serveurs sont sans ressources.

Autre sujet d’inquiétude, l’aéroport d’Orly, qui dessert d’habitude les Antilles est fermé. Seuls les avions-cargos transportant l’alimentation sont autorisés. Fin mars et début avril, des bateaux de croisière ont été interdits de débarquement avant contrôle des passagers.
 

L’activité économique de nos territoires est à l’arrêt. Il s’agit maintenant de mobiliser les aides annoncées par le gouvernement sous forme de prêts ou d’aides sociales. Faute de quoi, plusieurs établissements dont la situation financière était fragile, ne réouvriront pas.

L’aggravation du chômage, déjà à plus de 20%, est certaine. Une réflexion devra être menée, et pas seulement à la Martinique. Peut-on laisser un nombre de plus en plus réduit de "personnes actives" effectivement en activité travailler 35 heures ou plus, et prélever sur leur salaire des sommes de plus en plus élevées pour indemniser les chômeurs?

Le montant des prélèvements obligatoires effectués à l’occasion des efforts de ceux qui travaillent, décourage ces derniers et tue la dignité des inactifs. Il faut véritablement réfléchir à de nouvelles pistes pour repenser la solidarité vis-à-vis des inactifs !

Quelles sont les premières leçons que vous tirez de cette crise ?

Cette Crise inédite d’une violence inouïe, a révélé nos failles et nos carences tant dans notre appareil productif, que sur notre système sanitaire. Il faut remercier avec force nos soignants qui ont été et demeurent admirables dans leur professionnalisme. Ils méritent notre reconnaissance et notre admiration. Il convient sans nul doute de mieux les reconnaître à l’avenir.

Nous sommes toujours en lutte contre le virus, qui d’ailleurs, ne nous a pas encore tout révélé de sa létalité et nous n’avons pas encore de protocole thérapeutique fiable pour l’éradiquer complètement et le guérir définitivement. L’heure du bilan n’est point encore venue. Mais incontestablement, nous n’étions pas prêts.  

Pour les outremers, ce que la Crise révèle avec acuité et force, c’est la nécessité d’arriver à une autonomie alimentaire et énergétique. Nous devons être moins dépendants de l’hexagone. De même, sur le plan sanitaire, nous devrons développer davantage notre pharmacopée locale, qui regorge d’une flore médicinale ancestrale qu’il conviendra de valoriser, par des partenariats avec des pôles de recherches reconnus.

Vous avez été candidat aux élections européennes, que pensez-vous des mesures prises par l’Union européenne et du devenir de l’espace européen ?

La réponse européenne a été rapide. Pour autant, il reste du travail.

Sur le plan sanitaire, il faut le rappeler, ce sont les États membres qui sont compétents. L'Europe ne peut donc pas tout. Néanmoins, la cacophonie des premières semaines a sévèrement entaché la solidarité européenne.  

L’Union européenne doit par conséquent tirer les enseignements de la crise et se doter d'une stratégie commune face aux épidémies, comme le fait chaque État membre.

Sur le plan économique, la réponse commune des Européens est sans précédent, près de 3000 milliards d'euros ont été débloqués, soit bien plus que la richesse produite par la France en une année. Cela pourrait pourtant ne pas être assez.  Mais cette relance ne peut s’imaginer que collectivement. Elle doit être coordonnée et doit s'inscrire dans l'objectif de neutralité climatique d'ici à 2050 que nous défendons. 

Dernier point, l'immense majorité des Européens est ou a été confinée mettant à mal la liberté de circulation. Le tourisme est à l'arrêt. L'inquiétude est réelle pour deux pans majeurs de l'économie française et particulièrement ultramarine. 

Le jour d'après passera donc par plus d’Europe, une Europe qui accepte sa diversité pour envisager collectivement une relance économique à la hauteur de la crise que nous traversons.

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