Sylvain Waserman :  "La protection des lanceurs d’alerte est devenue, pour nos sociétés, un véritable marqueur démocratique"

Sylvain Waserman

Sylvain Waserman, député du Bas-Rhin et Vice-président de l'Assemblée nationale, a conduit durant 12 mois la rédaction d'un rapport sur la protection des lanceurs d’alerte qu'il a présenté récemment au Conseil de l’Europe. Entretien.

Mouvement Démocrate - En quoi les lanceurs d’alerte sont-ils des garants de la démocratie ? 

Sylvain Waserman - L’émergence des lanceurs d’alerte est un fait de société dans notre monde des réseaux sociaux et des nouvelles technologies de l’information parce que chaque citoyen qui veut lancer une alerte peut techniquement le faire. Mais les lanceurs d’alerte deviennent de plus en plus de véritables acteurs de la vie démocratique. La question qui se pose aujourd’hui est celle des conséquences auxquelles les lanceurs d’alerte s’exposent et donc de la protection que nous devons leur apporter. De fait, la protection des lanceurs d’alerte est devenue, pour nos sociétés, un véritable marqueur démocratique. Les lanceurs d’alertes doivent trouver leur juste place dans notre société - et nos Etats doivent trouver la juste protection qui leur est indispensable dans leur action. 

Quels sont les différents domaines qui sont concernés par les lanceurs d’alerte (crime organisé, mais aussi banque et environnement) ? 

En effet, il y a de très nombreux domaines où sans lanceurs d’alerte, les défis posés à nos démocraties ne pourront trouver de solution : la lutte contre la grande corruption et le blanchiment d’argent bien sûr, mais aussi des nouveaux enjeux tels que la liberté individuelle menacée par l’utilisation frauduleuse en masse de données personnelles, les atteintes à l’environnement ou les menaces sur la santé publique par exemple. 

Le rôle des lanceurs d’alerte a-t-il évolué avec l’avènement de la data ? 

Oui incontestablement. S’il est possible de voir dans certaines figures comme le lieutenant-colonel Picquart de l’affaire Dreyfus ou William Mark Felt (Watergate) des lanceurs d’alerte, la question de la data a changé à la fois le type d’alerte et la façon de lancer l’alerte. En effet, les données dématérialisées permettent et facilitent le lancement d’une alerte. Parfois elles sont, elles-mêmes au cœur de l’action du lanceur d’alerte comme le montre la surveillance de masse dénoncée par Edward Snowden. Les nouvelles technologies de Blockchain ouvrent d’ailleurs des perspectives de lancement d’alertes avec preuves sécurisées et traçabilité : de nouveaux outils sont utilisés en la matière notamment par les entreprises.

Comment sont-ils protégés, en France et en Europe ? 

En France la législation protégeant les lanceurs d’alerte est l’une des meilleures d’Europe grâce à la loi Sapin II qui a donné une définition claire et globale de ce qu’est un lanceur d’alerte. Plus largement de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe (Albanie, Croatie, République Tchègue, Estonie, Finlande, France, Géorgie, Hongrie, Lituanie, Lettonie, Macédoine du Nord, Moldavie, Monténégro, Pologne, Roumanie, Serbie, République Slovaque, Espagne, Suède, Suisse et Royaume-Uni) ont adopté des lois visant à mieux protéger les lanceurs d’alerte de manière générale ou au moins dans certains secteurs. A noter cependant qu’une bonne loi ne garantit pas une bonne protection des lanceurs d’alerte si elle n’est pas bien appliquée.

Y-a-t-il des pays ayant valeur d’exemple en la matière ? 

Le Royaume-Uni ou encore les Etats-Unis sont des pays qui ont depuis longtemps une législation de pointe sur le sujet. La France a depuis la loi Sapin II une législation très solide en la matière.

Pourquoi l’harmonisation des textes de loi sur la protection juridique des lanceurs d’alerte est-elle fondamentale au niveau européen ?

Elle est fondamentale car si nous souhaitons préserver le bon fonctionnement de nos États de droit et de nos démocraties sur notre continent, la protection des lanceurs d’alerte doit être y être optimale et ne pas souffrir de dissensus entre les Etats membres. Chaque parlementaire doit être vigilant sur ce sujet, c'est pourquoi je propose dans mon rapport une grille d'analyse permettant d'évaluer la législation nationale sur la protection des lanceurs d'alerte.

Que préconise votre rapport ?

Les propositions de mon rapport se basent sur les travaux précédents de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur ce sujet, sur plusieurs auditions, sur le retour d'expérience de 27 États membres du Conseil de l’Europe, ainsi que sur un événement baptisé « 48h Chrono sur les Lanceurs d’alerte » que j’ai organisé au Conseil de l’Europe avec 130 participants plusieurs universitaires, avocats, lanceurs d’alerte dont Edward Snowden en visioconférence. 

De ces réflexions ont émergé les 13 propositions de mon rapport. Je peux par exemple vous mentionner la mise en place d’une autorité indépendante dans chaque pays qui serait chargée d’assister les lanceurs d’alerte, avec quatre objectifs : accompagner le lanceur d’alerte notamment pour l’aider à qualifier s’il relève ou pas de ce statut, limiter le risque de représailles (procédures « baillon » qui visent à ensevelir le lanceur d’alerte sous des procédures abusives), s’assurer qu’une alerte lancée ait toutes ses chances d’aboutir, quels que soient les intérêts en jeu, et assurer un lien avec les autorités judiciaires en tant qu’interlocuteur fiable. Ces autorités indépendantes auraient vocation à constituer un véritable réseau européen qui permettrait le partage des bonnes pratiques et de leur expérience s’agissant des enjeux et des difficultés rencontrées dans leur mission. 

Autres préconisations : pouvoir transférer le lancement d’alerte à une personne morale, faire bénéficier les lanceurs d’alerte d’un droit d’asile spécifique (en permettant dans des cas exceptionnels que les lanceurs d’alerte introduisent la demande depuis leur lieu de séjour à l’étranger qui est impossible aujourd’hui), mais aussi des actions en faveur de l’éco système de la société civile et des associations qui sont des acteurs clefs de la protection des lanceurs d’alerte. 

Prochaine étape : la transposition de la directive européenne qui fera l’objet de débats nombreux sur le sujet !

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