Revoir François Bayrou dans le Grand Rendez-vous d'Europe 1/CNews/Les Échos

François Bayrou était l'invité du Grand Rendez-vous d'Europe 1/CNews/Les Échos ce dimanche 10 mars à 10h.

Bonjour à tous, bienvenue dans le Grand rendez-vous.

Il murmure à l'oreille des chevaux aussi bien qu’à celle du président, mais pour lui conseiller quoi ? Que retenir des multiples injonctions contradictoires issues du Grand débat qui s'achève cette semaine, moins d'élus mais des élus plus proches des citoyens, moins d'impôts mais des services publics présents partout sur le territoire, une transition écologique accélérée, mais pas de taxe supplémentaire pour la financer.

Il a peut-être des propositions rock-and-roll à faire puisque c'est, paraît-il, ce qu’attend désormais Emmanuel Macron.

Fervent européen, notre invité entend également participer au projet et à la constitution de la liste pour le prochain scrutin, ce sera le 26 mai, mais là encore avec quelles propositions de nature à réconcilier les citoyens avec l'Europe et surtout avec quels alliés sur le continent.

Bonjour François Bayrou.

Bonjour.

Merci d’avoir accepté l’invitation du Grand rendez-vous. Vous êtes Président du Modem, Maire de Pau, nous allons évoquer avec vous évidemment la situation politique en France, vous allez nous dires ce que vous conseillez de faire au Président de la République. On achève ces jours-ci les grandes consultations autour du Grand débat, il paraît qu'il vous écoute. Vous avez peut-être des propositions à lui faire.

Nous allons également parler avec vous des élections européennes. Pour vous interroger Nicolas Barré, directeur de la rédaction des Échos et Damien Fleurot, chef du service politique de CNews.

Il vous pose la première question en évoquant un sujet essentiel d'actualité, peut-être la révolution pacifique aujourd'hui en Algérie.

Peut-être ce printemps en Algérie, des manifestations historiques encore ce vendredi dans la capitale, depuis le 22 février, une mobilisation qui ne faiblit pas pour contester la nouvelle candidature, la cinquième du président Abdelaziz Bouteflika qui est malade et absent de son pays.

Le pouvoir algérien peut-il rester sourd à cette exigence démocratique qui s'exprime ?

Certainement pas.

Ce qui se passe en Algérie est, à beaucoup de titres, exemplaire et à beaucoup de titres aussi essentiel. C'est tout un peuple qui se réveille, des millions et des millions de personnes qui descendent dans la rue sans aucune violence, sans aucune agressivité, sans rien qui ressemble à ces mises en accusation et à ces menaces que l'on rencontre si souvent, y compris parfois chez nous et ces millions et millions de personnes, elles disent quelque chose de très simple, c'est que rien ne doit plus être comme avant.

Rien dans l'organisation politique de ce pays qui, comme vous savez, est, c'est le moins que l'on puisse dire, profondément verrouillé depuis des décennies par ce qu'ils appellent le système, c'est-à-dire une organisation qui touche à la fois les services de sécurité, la police, le renseignement et aussi évidemment le pouvoir ; dans des cercles dont chacun sait qu'ils ne sont pas tous apparents, qu'il y a beaucoup d'organisations discrètes et qui agissent sans avoir été directement choisies par le peuple.

Tout ceci est incroyable d'abord, bouleversant, les responsables algériens que je connais vivent ce moment avec le sentiment que des décennies d'engagement, de combat, de lutte sont en train de déboucher sur un printemps du peuple algérien. On sait très bien ce que sont ces mouvements.

Ce n'est pas parce qu'ils commencent très bien qu’ils finissent très bien. Il y a des menaces qui sont très importantes, mais ce qu'ils disent tous, c'est : « Cette élection ne se déroulera pas comme elle a été engagée, il faut que change l'organisation démocratique » et cela commence par une remise en cause de ce qui est annoncé et dont on a le sentiment que, ce qui est annoncé, ne va pas pouvoir se dérouler comme prévu.

Comment se fait-il que la France officielle, la diplomatie française ne soit pas capable de dire le dixième, le centième de ce que vous venez de dire à l'instant. La France, après tout, avait raté le point de bascule sur la Tunisie pendant longtemps, n'avait pas cru à la fin de Ben Ali. Est-ce que ce sera la même chose avec l'Algérie ?

La différence avec le gouvernement officiel, c'est que, moi, je suis libre de parole et le gouvernement est en charge d'autres choses qui sont les relations historiques entre l'Algérie et la France.

Les intérêts français ?

Ce ne sont pas seulement les intérêts, je ne crois pas que le gouvernement se détermine uniquement avec les intérêts.

Vous savez très bien l'histoire qui est tellement tourmentée, à la fois passionnelle et chargée de drame entre l'Algérie et la France. L'accusation d'ingérence ou le risque d'être accusé d'ingérence, c'est évidemment, pour le gouvernement, une contrainte et une exigence extrêmement forte.

Y a-t-il ingérence à seulement vouloir lors soutenir le peuple algérien ?

C'est exactement de cela que serait accusé le gouvernement.

Il n'empêche que, si vous me permettez de le dire, je sais à peu ce que chacun des responsables pense de la situation.

Vous parlez du président Emmanuel Macron ?

Je sais très bien qu’ils ont profondément - responsables de l’exécutif et de la politique étrangère française - l'intention naturellement ou en tout cas la volonté d'être utiles pour que ce grand changement se passe du mieux possible.

Pour vous, pour être clair, Abdelaziz Bouteflika n'est pas en mesure de se présenter ?

Vous savez bien, il ne peut même pas rentrer en Algérie à l'heure qu'il est, tant son état de santé est profondément dégradé. Au bout de ces mandats successifs, le cinquième mandat apparaît, pour une grande partie de l'opinion et peut-être pour une grande partie des responsables algériens, même s'ils ne le disent pas, comme le mandat de trop qui ne pourra pas être fait.

Alors, il y a deux choses comme vous le sentez bien, il y a l'état de santé et il y a l'usure d'un système. C'est le mot qu'emploient tous les responsables et tous les démocrates et tous les manifestants algériens, c'est que l'on est dans une société qui est tellement verrouillée ou qui a été au cours des années tellement verrouillée, et on a un peuple qui se réveille, qui est joyeux, pacifique, qui a envie de montrer que, eux aussi, ils appartiennent à la modernité, pour eux aussi le mot liberté n'est pas interdit et ils le font de la manière la plus positive et constructive possible.

C'est cela qu'il faut regarder comme citoyens du monde, citoyens français bien sûr étant donné les liens innombrables qui existent entre les deux peuples, mais comme citoyens du monde c'est ce qu'il faut regarder avec enthousiasme, en veillant à ce que tout cela ne dérive pas, si possible, ce n'est pas notre affaire, ne soit pas récupéré, parce qu’on sait très bien.

Notamment par les Islamistes.

On sait très bien que ce genre de risque existe.

J'ai été très frappé, les Islamistes ne sont pas dans le mouvement. Peut-être avez-vous lu un tract qui a été distribué dans les manifestations algériennes, à des millions et des millions de personnes qui se le passent de mains en mains.

Qu'est-ce qu'ils disent ?

Ils disent : aucune violence, aucune agressivité, pas un geste contre les forces de l'ordre et pas un signe d'intégrisme religieux et de cris, dont vous savez assez souvent ce qu'ils peuvent être.

Ce sont eux qui disent cela. Et donc la société algérienne a choisi un chemin qui est celui qui porte le plus d'espoir, sans doute. Cela ne veut pas dire qu'ils vont y arriver aisément. Je ne me dissimule aucun des risques, mais les responsables algériens et les démocrates algériens sont aujourd'hui devant le surgissement de ce qu'ils ont, au cours des décennies, le plus espéré.

On va revenir en France avec la fin dans quelques jours du Grand débat. Il a démarré dans le scepticisme puis, finalement, cela a pris. Il y a eu des dizaines de milliers de contributions il y a eu des débats publics, vous en avez organisé cinq à Pau dans votre ville.

Bref, il y a eu un réel intérêt des Français.

Sur la méthode d'abord, quelle leçon en tirez-vous sur le fonctionnement de notre démocratie ? Est-ce que finalement elle est si malade que cela ? Comment faire perdurer cet esprit démocratique qui s'est peut-être réveillé à ce moment-là ?

Vous avez dit quelque chose absolument vrai : en dehors du président de la République et de très peu de ses amis, personne n’y croyait. C'était un total scepticisme, à la fois de la part de ceux qui sont des militants contre le Président de la République.

Les partis d'opposition.

Oui, et la sensibilité d'opposition, dans la rue, des gens qui ne l’aiment pas. Ceux-là avaient le sentiment qu'on allait les manipuler, que c'était de l'enfumage. Vous avez entendu tous ces mots-là.

Puis, parmi les soutiens, la majorité ou le gouvernement, cela arrive aussi du Président de la République, ils avaient le sentiment d'un objet politique non identifié, ingérable et qu'il allait sortir tellement de choses qu’il était impossible d'apporter des réponses.

On en est là, aux réponses !

J'ai entendu vos questions et quelques autres réflexions, mais il se trouve que ce n'est pas mon point de vue du tout.

Depuis le premier jour, j'ai pensé, car j'avais une expérience de ce genre de débat, notamment quand j'étais ministre de l'Éducation nationale - on avait fait quelque chose qui s'appelait le Nouveau Contrat pour l’École dont, peut-être, vous vous souviendrez qui avait été préparé après un problème d'opinion, de manifestation exactement de la même manière - je croyais et même je peux dire j’avais le sentiment de savoir que, lorsqu'on offre à des citoyens de participer à une vraie réflexion de bonne foi sur leur avenir, de poser les questions qu'ils considèrent comme étant les questions cruciales, alors ils s'engagent.

Et ce sont des centaines de milliers de Français qui se sont engagés. Tous ceux qui prétendaient que cela n'intéresserait personne, qu'il n'y aurait que les élus peut-être après la première réunion avec les maires, c'était très drôle, vous avez dit que j'avais organisé, cinq débats de 6 heures chacun à Pau, avec plusieurs centaines de personnes.

À la première réunion, une assemblée de gilets jaunes est venue et a demandé à lire une déclaration, en fait une proclamation qui disait : Tout cela, c'est de la manipulation, c'est la communication, il n'est pas question que nous participions et je demande à tous nos amis dans la salle de sortir.Personne n'est sorti et celui qui avait lu la proclamation est resté jusqu'à la dernière seconde de la réunion et a même pris la parole pour participer.

Il suffit que tout cela soit de bonne foi et ce que les Français ont vu - et c'est cela qui a tout changé, dans les heures et les heures que le Président de la République a prises, il a pris plus d'heures encore que moi, j'en ai pris près de 30 - dans l'engagement du Président de la République, c'est que c'était un engagement absolument authentique, sincère, de bonne foi.

Ils ont vu qu'il était compétent, qu'il connaissait vraiment très très bien les sujets du pays, qu'il avait la mémoire précise des gens et des choses et des événements. Et ils ont vu qu'il était à l'écoute, présent, qu'il prenait sa part, y compris dans l'émotion. Je me souviens très bien de ce jeune dyslexique qui est venu expliquer ce qu'étaient les difficultés de ceux qui ne sont pas tout à fait comme les autres à certains moments de leur vie.

Cela touche des millions de gens, mais lui était profondément ému. J'ai vu la personne au salon de l'agriculture, l'agriculteur âgé qui n'avait pas reçu tous ses droits, c'était une émotion partagée.

Vous comprenez, la démocratie, la représentation démocratique, cela ne s'arrête pas au jeu des idées. Il y a quelque chose d'autre. C'est que l'on participe, on prend sa part de la profondeur de la vie de ceux que l'on a en face de soi et c'est pourquoi, pour répondre à votre question, je ne suis pas du tout pessimiste.

Est-ce que les Français savent ou pensent que c'est simple ? Eh bien, ils ne sont pas plus décalés que les journalistes ne le sont ou les hommes politiques. Ils voient très bien que c'est compliqué.

Je vous raconte la dernière minute, car elle est révélatrice, du premier débat à Pau. Il y avait eu 600 personnes pendant 6 heures de temps, c'était chaud, il y avait des mises en cause et, après, se sont exprimées toutes les revendications et toutes les attentes. À la fin, un monsieur, il était minuit, a levé la main et a dit : « Moi, je voudrais vous dire quelque chose. J'ai tout écouté, il paraît que vous parlez avec le Président de la République. Je voudrais que vous lui disiez quelque chose de ma part, c'est bonne chance car, pour répondre à tout ce qui s'est exprimé, il va avoir besoin de beaucoup de courage. »

On va revenir dans un instant aux arbitrages qu'il va falloir désormais faire à l'issue de ce Grand débat.

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On arrive à l'issue de ce Grand débat on attend maintenant les arbitrages du Président de la République. Entre autres, il promet des réponses précises.

Qu'attendez-vous, vous, de concret ?

La question posée par les Français, si l’on veut trouver une question qui fédère et rassemble toutes les autres, c'est : est-ce qu’on peut reprendre notre destin en main ?

Depuis des décennies, vous savez exactement ce qui se passe. Le moment démocratique majeur, c'est l'élection présidentielle, à ce moment sortent des attentes, des questions, des angoisses qui sont fortes. Puis, l'élection se passe, celui qui est élu est en général celui qui a le mieux ressenti ces questions-là, il s'installe au pouvoir avec ses équipes et tout reprend comme avant, avec une déclaration doctrinale ou idéologique, une déclaration répétée sous toutes les formes, c'est : il n'y a pas moyen de faire autrement.

Comment faire autrement ?

Il n'y a aucune possibilité, dit-on aux Français et c'est ce que les Français entendent, de bâtir un destin qui soit différent de celui que l'on voit régner partout sur la planète.

Cela veut dire quoi ? Faire vivre plus la démocratie sur le temps long, c'est-à-dire sur le temps du quinquennat ?

Plus que cela, donner aux Français les outils et la légitimité de penser que l'on n'est pas sous le coup ou condamné à une fatalité qui fasse que l'on ne pourrait pas changer, non pas le monde, il ne faut pas croire que l'on ait des baguettes magiques, mais une partie du monde.

Vous pensez à un référendum par exemple ?

Et une partie de la société française. Cela implique deux choses. La première, c'est formuler un nouveau projet national pour la France. Est-ce que la France a quelque chose à dire qui soit différent de ce que tous les autres puissants de la planète, toutes les puissances économiques, financières, politiques, les grands empires, disent ?

Cela passe par quoi ?

Qu'est-ce qu'ils disent ? Est-ce que la France peut dire quelque chose de différent ?

Si vous avez lu la tribune que le Président de la République a publiée mardi dans tous les journaux européens sur l'Europe, c'est cela qu'elle dit : face à toutes les puissances de la planète, oui nous pouvons porter un projet de société différent, un projet qui tienne compte aussi bien de la justice que de la création de richesse, qui introduise la justice dans ce monde qui est entièrement tourné vers la création, comme on dit dans les Échos, de valeur, c'est-à-dire la création de richesse.

Cela, c'est la première question.

La deuxième question : la société démocratique française, est-ce qu’elle permet d'exprimer les attentes profondes du peuple français ?

Au travers des élections.

On s'aperçoit qu'il y a sûrement quelque chose qui ne va pas dans ce système parce que tant de Français ne se sentent pas représentés.

Qu'est-ce qu’on change, François Bayrou ?

Ils n’ont pas voix au chapitre et ces deux grandes séries de questions entraînent une série de changements très importants qui répondent aux angoisses et difficultés.

Qu'est-ce qu’ils disent les Français participant au débat ?

Déjà, ils disent : On n'est pas représenté. Bon il y a des réponses sur la démocratie la représentation.

Lesquelles ?

Peut-être vous allez laisser le Président de la République… ?

Non, c'est vous qui pouvez le conseiller.

Je vais vous dire ce que je pense, moi, mais ce n'est pas les réponses que le gouvernement ou l'exécutif et le président vont apporter, le président surtout.

Que lui conseillez-vous pour améliorer la démocratie représentative et peut-être délibérative ?

N'enfermons pas le sujet uniquement sur les référendums, cela compte, je vais vous en dire un mot, mais il y a plus large que cela. Il y a l'idéal, au fond, que doit porter la France dans le monde si dominé par des puissances mystérieuses dans lesquelles nous vivons.

Vous dites démocratie. Vous le savez bien, je mène un combat depuis très longtemps pour que tous les grands courants d'opinion aient une juste représentation. Vous savez bien que j'ai exprimé des réserves sur le point « d'équilibre ».

Donc, plus de proportionnelle que prévu.

Auquel le gouvernement avait fini par arriver et dont j'ai toujours dit, y compris à ce micro je crois, que cela ne se passerait pas comme cela, que c'était impossible.

Oui, je pense qu'il y a la nécessité d'une représentation de tous les grands courants d'opinion. Il y a la nécessité de rendre plus facile l'expression directe des Français, les référendums, que les gilets jaunes appellent d'initiative citoyenne. Cela existe dans la Constitution. Cela n'a jamais été utilisé.

Parce que la barre est très très haute.

Cela s'appelle référendum d'initiative partagée, mais il faut 4 millions de signatures. Je ne crois pas que 4 millions de signatures sur une grande question soit un seuil impossible à atteindre.

Il faut aussi les parlementaires.

Il faut des parlementaires et, cela, après tout, 20 ou 15 % des parlementaires, c'est possible, mais ce n'était pas jusqu'à maintenant dans nos mœurs et nos pratiques. Il faut le rendre plus facile.

Le domaine du référendum - c'est moi qui m'exprime, ce n'est pas le Président de la République, vous avez bien compris, ne faites pas d'amalgame entre les deux - faut-il laisser le périmètre du référendum confiné aux questions aujourd'hui prévues par la Constitution ou est-ce qu’on peut élargir ?

Par exemple, le Président de la République plusieurs fois a dit quelque chose dont je sens bien que c'est pour lui une question : Pourrait-on traiter par référendum, pour éviter des affrontements et des incompréhensions, les problèmes sociétaux ?

Par exemple extension de la procréation médicalement assistée ?

Je ne sais pas, c'est un exemple.

Pourrait-on traiter de ces questions de manière à avoir un débat ouvert. Après tout, c'est ce que font des peuples qui sont nos voisins et qui nous entourent.

Pourrait-on regarder l'extension du domaine du référendum sans aller évidemment jusqu'à la possibilité de remettre en cause les principes fondamentaux de la Déclaration des Droits de l'Homme des Libertés qui sont les piliers de la société dans laquelle nous vivons ?

Voilà deux exemples, mais cela ne se limite pas à tout cela évidemment. Vous voyez bien, il y a une question sur la représentation.

En France, quand on est minoritaire, cela m'est arrivé suffisamment souvent pour que j'aie une expérience précise de ce sujet, on est sur la touche. Or, un pays, ce n'est pas que sa majorité, alors ceux qui, hier, les deux forces principales, étaient majoritaires et qui croyaient que c'était normal qu’elles eussent la majorité à jamais, elles découvrent aujourd'hui que ce n'est pas une situation aussi équitable qu'elles le croyaient.

Peut-être cela peut nous permettre d'évoluer vers une démocratie car une démocratie, ce n'est pas seulement le règne de la majorité, c'est aussi la protection des minorités.

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Un mot sur les arbitrages attendus de ce Grand débat. Dans ce Grand débat, vous l'avez constaté comme nous tous, il a été beaucoup question de fiscalité.

Avez-vous des lignes rouges en la matière ? Faut-il d'entrée de jeu dire : pas d'impôts nouveaux, pas de nouvelles tranches supplémentaires d'impôts ? Sinon avez-vous des idées particulières sur ce qu'il faudrait changer dans la fiscalité française ?

La question de la fiscalité, pour ceux qui interviennent très souvent, c'est la justice. Est-ce que l’effort que l'on me demande, à moi, est juste ? Est-ce qu’on ne pourrait pas en demander à d'autres, etc. ?

Il y a, me semble-t-il, une question qui est importante sur laquelle les Français ont des doutes et à propos de laquelle il faut apporter une réponse indiscutable. Les Français ont le sentiment, et il y a parfois des contributions qui le répètent à l'envi, qu'il y a des dizaines de milliards, peut-être 100 milliards, d'évasion fiscale. Comme vous êtes, Nicolas Barré, un spécialiste du sujet, peut-être vous mettrez en cause ces chiffres. J'ai cru lire dans votre journal des mises en cause de ces chiffres.

Il y a un chiffre plus faible sachant que c'est difficile d’évaluer l'évasion fiscale, par définition.

On ne peut pas laisser les Français avec cette suspicion-là. Il faut donc une démarche crédible, partagée, ouverte pour que la lutte contre l'évasion fiscale soit garantie aux Français comme étant efficace et équitable.

Vous visez les entreprises, mais pour les particuliers, les ménages ?

Je ne vise rien, je pense qu'il y en a moins qu’on le dit, que l'on n'est pas dans des chiffres comme ceux-là. Mais après tout, les citoyens, et notamment les contribuables, ont le droit de vérifier si la charge fiscale est équitablement répartie. Par exemple, je suis très fier de ce que, cette semaine, on ait ouvert la voie vers un impôt vers ces puissances industrielles numériques que l'on appelle les GAFA, initiales des grands groupes Google, Amazon, Facebook etc.

Je suis très fier que ce soit la France qui, la première, ait ouvert la voie.

La première parce que l'Europe ne la suivait pas, en l'occurrence.

Parce que certains pays en Europe ne voulaient pas la suivre, ce qui pose des questions sur la gouvernance européenne. Je suis très fier que ce soit la France qui ait dit : Écoutez, la charge il n'y a aucune raison qu'elle ne soit pas répartie sur tours ceux qui mériteraient d’en prendre leur part.

Ce matin, dans le Parisien, le patron du parti la République en marche dit : Il faut alourdir l'impôt sur la fortune immobilière qui a remplacé l'ISF.

Est-ce que vous êtes d'accord avec cette mesure ?

Non, je ne suis pas de cet avis, d'une part parce que j'ai, comme vous savez, défendu l'idée que la réforme de l'ISF n'avait pas porté principalement sur l'objet qu’Emmanuel Macron avait défini pendant la campagne. Ce que le petit Président de la République élu avait dit quand il était candidat, c'était très simple, c'était : Nous allons exonérer d’ISF l’investissement productif, celui qui va vers les usines, vers les entreprises. Nous allons l'exonérer car une économie, pour être puissante, a besoin d'investissement. C'était absurde de frapper de l'impôt cet investissement.

Sur ce point, il avait complètement raison, mais on est allé, au prix de pressions multiples variées et efficaces, beaucoup plus largement vers beaucoup d'autres aspects de la richesse et notamment sur des placements qui n'étaient pas tournés vers la production.

Vous suggérez, à l'issue de ce Grand débat, de revoir cette réforme de l'ISF ?

En tout cas ce n'est pas une question interdite. Le Président de la République a dit, tout le monde fait semblant de ne pas l'avoir entendu, en sachant ce qu'il disait : « Il n'y a pas de question taboue. »

On peut tout à fait discuter de ce sujet. Faut-il alourdir sur l'immobilier ? Je ne le crois pas parce qu'il y a peut-être de grandes fortunes placées dans l'immobilier et encore je demanderai des vérifications sur ce sujet, mais l'immobilier c'est important pour beaucoup de familles et notamment au moment de la succession.

J'ai lu qu'il y avait des gens qui voulaient alourdir l'impôt sur les successions. Je pense que ce n'est pas une bonne idée.

Pour les lourdes et grosses successions.

Dans les lourdes et grosses successions, ceci est autre chose. Mais, vous le voyez bien, actuellement, le seuil d'imposition sur les successions est assez bas et c'est un droit de la personne humaine et des familles, quand on a travaillé, de pouvoir transmettre une partie de son patrimoine à ses enfants.

Moi, en tout cas, je trouve que c'est cela qui participe à la construction de la stabilité dans la société. Donc on va avoir des débats sur ce sujet. Je ne doute pas que l'intervention qui viendra à la fin du processus du Président de la République trace des lignes qui soient des lignes compréhensibles par tout le monde sur ces sujets.

Vous imaginez qu'il puisse éventuellement revenir sur cette réforme de l'ISF ?

Il a dit une chose simple : « Il n'y a pas de question taboue. »

Les grands choix économiques qui sont faits sont des choix qui doivent être débattus devant le pays.

Le Président de la République a suffisamment de capacités pédagogiques, il l’a montré, pour défendre ses convictions. Tout le monde sait bien que l'on ne va pas construire un mur autour de la France. Regardez ce qui se passe au Venezuela. Oui, le monde est interconnecté, oui les personnes et les investissements traversent les frontières et il est bien qu’il en soit ainsi.

Simplement, pour reprendre une question économique celle-là, ce qu'a dit Emmanuel Macron dans la tribune européenne qui a été publiée, c'est : On ne va pas continuer à être de cette naïveté confondante, nous, les Européens, qui fait que nous imposons à nos producteurs des normes qui ne sont pas respectées par les produits que nous laissons entrer chez nous. Donc, il y a une rupture d'égalité, il y a une espèce d'injustice chronique à accepter que nos concurrents utilisent des procédés, des produits, des manières de faire qui sont interdites à nos producteurs. Il ne faut pas baisser la garde sur nos producteurs, mais il faut imposer que les produits qui entrent chez nous respectent les règles.

Songez par exemple aux producteurs de fruits et légumes. Ils ont des concurrents parfois mêmes à l'intérieur de l'Union Européenne qui ne respectent pas les règles qu'on leur impose, qu’ils sont, eux, obligés de respecter. Eh bien, c'est inacceptable.

On en vient à cette tribune européenne, Emmanuel Macron l’a lancée cette semaine à l'adresse de tous les citoyens européens, ce qui était inédit. On a bien compris qu'il se vivait un peu comme le chef de la campagne européenne, on n'a pas bien compris avec quels alliés il comptait travailler demain.

Ce que le Président de la République a fait, vous avez dit inédit, c'est en effet sans précédent.

Un Chef d'État qui s'adresse à tous les citoyens européens, pas seulement à ceux qui votent chez lui, mais à tous les citoyens européens pour mettre en évidence la nécessité historique que nous sommes en train de vivre, alors c'est en effet sans précédent.

Qu'est-ce qui se passe ? C'est très simple. Vous avez des forces incommensurables économiques, financières, politiques, qui veulent la destruction de l'Europe, qui voient, là, la seule chose qui puisse contrebalancer…

Mais qui sont aujourd'hui l'expression démocratique dans un certain nombre de pays.

Oui, justement et donc ils veulent, on connaît très bien leur identité, on a vu cette semaine qu'il y avait un lobby organisé par des milliardaires américains qui payent pour déstabiliser les opinions publiques européennes. Par ailleurs, Donald Trump ne se cache pas.

Il connaît les adversaires, mais qui sont les alliés ?

Attendez, peut-être ceux qui nous écoutent ne les connaissent pas, on va les rappeler.

Donald Trump s’est exprimé à propos du Brexit en disant qu'il fallait encore plus loin dans la destruction de l'Europe. M. Poutine évidemment multiplie les efforts, y compris financiers pour que ceux qui veulent détruire l'Europe aient plus leur aise.

Et puis, vous voyez les forces immenses.

Et Emmanuel Macron parle à tout le monde mais avec qui va-t-il travailler demain au Parlemente et à la Commission ?

Je crois qu'il existe une majorité au sein du Parlement Européen qui, pour l'instant, ne s’est pas constituée, une majorité centrale, des Européens qui ne veulent pas la destruction de l'Europe.

Comme vous savez sans doute, nous appartenons au Parti Démocrate Européen dont je suis l'un des deux co-présidents et nous voyons naître dans tous les pays des gens qui commencent à mesurer le risque extrême. Ce n'est pas le seul courant, ce courant central, il y a d'autres mouvements d'opinion, un peu plus à droite, un peu plus à gauche, qui mesurent tout à fait qu'ils ne peuvent pas s'en sortir autrement et que la menace qui pèse sur nous est importante. Il existe une volonté politique européenne de mettre des règles qui défendent nos droits et nos valeurs et il y a des forces assez larges qui pourront constituer une majorité européenne.

En France, avec qui avez-vous envie de travailler au-delà de la majorité autour du Président de la République ?

La majorité aujourd'hui, si j'en crois les études d'opinion desquelles je me méfie autant que vous le faites, la liste que nous présenterons ensemble est en tête des intentions de vote.

Avec quelle incarnation ?

On verra.

Vous ?

Non, je ne serai pas, c'est la troisième fois que je le dis, mais je vais le répéter, tête de liste aux élections européennes. Faudrait qu’il y eût un séisme, et je ne l’aperçois pas.

Avec quel profil ? Quelle sensibilité ?

Je pense qu'il faut un ou une responsable politique ayant de l'expérience, autant de l'expérience politique que de l'expérience de vie.

Ségolène Royal ?

Vous avez failli me faire éclater de rires, ce n'est pas bien !

Elle a trouvé la tribune du président Emmanuel Macron formidablement créative imaginative et rassembleuse.

Mais elle a raison. On ne s'en est pas aperçu parce que les commentaires passent trop vite. Depuis combien de temps n'a-t-on pas vu un…

Vous allez nous parler du président Emmanuel Macron, mais nous, on essaie d’avoir la tête de liste, François Bayrou.

Attendez, depuis combien de temps n'a-t-on pas vu un chef d'État proposer à tous les Européens des idées aussi novatrices que celles qui sont dans cette tribune-là ? Dire par exemple : on a une grande question autour de l'immigration et de l'asile. Il faut que ceux qui sont décidés à traiter cette question ensemble, l'ancien périmètre de Schengen par exemple, même s'il ne restera pas comme cela, acceptent de défendre ensemble leurs frontières et d'avoir une règle unique pour l'asile.

Regardez ce qui se passe aujourd'hui.

Remise à plat de Schengen a dit le Président de la République, sans que l'on sache très précisément ce dont il s'agit.

En Allemagne, on vous refuse l'asile, il suffit de passer en France et cela recommence.

Cette exigence-là est novatrice, l'exigence d'avoir des règles commerciales qui défendent nos principes et nos valeurs, elle est essentielle, elle est novatrice.

Une banque durable pour les transformations dues à la lutte contre le changement climatique, une banque spécifique liée à la BCE, tout cela ce sont des idées qui, jusqu'à maintenant, étaient peu dans le débat ou en tout cas n’y étaient jamais ensemble.

Les idées qui sont à la fois protectrices et ouvertes, elles n'étaient jamais présentées ensemble. Or c'est bien de cela dont nous avons besoin et on trouve là un écho du : « En même temps » dont le Président de la République avait fait son mantra au moment de l'élection.

Si vous voulez un nom pour la tête de liste, eh bien je ne vous le donnerai pas.

Nathalie Loiseau, Cédric Villani.

Je vous ai fait un profil, un portrait-robot, essayez de voir à qui il correspond.

On va chercher.

J'ai dit expérience et expérience politique et expérience de vie en même temps. Je trouve que l'Europe est un sujet tellement important qu'il mérite quelqu'un qui ait une densité personnelle.

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Une question sur l'Europe et un départ attendu. François Bayrou le Brexit va avoir lieu, qu'il soit ordonné ou pas, mais en tout cas il aura lieu. Quelle leçon tirez-vous de cette affaire qui est quand même un échec collectif et faut-il que l'Union Européenne, à votre sens, fasse un dernier geste en faveur de Theresa May voire repousse la date du 29 mars pour ce divorce ?

C'est la Première Ministre Britannique qui risque de demander le report.

Je pense qu'il est impossible que les instances européennes renoncent aux exigences qu'elles ont mises sur la table. Pourquoi ? Parce que s'il apparaissait que l'Europe soit prête à faire plus pour ceux qui la quittent que pour ceux qui sont fidèles à l'accord et à l'alliance et au traité, alors, vous ouvrez la boîte de Pandore.

Il y a des tas de pays qui se diront : Bonne pioche, on va pouvoir à la fois avoir les avantages et se libérer des contraintes.

Eh bien ceci est strictement impossible. Cela dit une deuxième chose, l'affaire du Brexit : on ment au peuple, il croit les mensonges, mais il y a un rendez-vous derrière qui est celui du réel.

Vous vous souvenez comment la campagne a été faite par ceux qui ont soutenu l'idée de leave, Quittez, partez, référendum.

Ils ont dit : Mais, vous vous rendez compte ? On donne donc des dizaines de milliards tous les ans à l'Union Européenne, on va les récupérer pour nous, on va construire des hôpitaux, des écoles avec cet argent.

Ces bruits-là, vous les entendez en France aussi.

Qu'est-ce qui se passe au bout du chemin ? On s'aperçoit que c'est une impasse absolue, que c'est un chaos, et ils le savaient très bien. C'est cela qui est fantastique.

Ils ont fait campagne là-dessus, mais dès le lendemain du résultat du référendum, ils sont partis. Ils ont refusé les responsabilités, ils se sont échappés en courant et c'est la preuve qu'ils savaient que ce qu'ils disaient était un mensonge éhonté. Simplement, ce sont des mensonges qui déclenchent des passions et prendre des décisions dans une ambiance passionnelle comme cela, ou pour des raisons passionnelles généralement, des passions noires, des passions qui visent à rejeter, à écarter, eh bien au bout du compte on fait du mal aux peuples que l'on entraîne vers des solutions désespérantes.

C'est cela que le Brexit montre. On devrait avoir tout cela présent à notre esprit au moment des grands choix que nous allons faire maintenant.

Jamais l'histoire n'a été plus dangereuse, jamais. Je n'ai pas souvenir d'une situation dans laquelle les piliers mêmes de notre maison soient remis en cause par un tremblement de terre déclenché par des gens qui savent très bien ce qu'ils font.

Cette fois-ci, on est devant de grands choix. Gardons l'exemple du Brexit parce que le peuple britannique a déjà beaucoup perdu et risque de perdre beaucoup dans cette affaire.

Un sujet de politique économique : l'avenir d’Aéroports de Paris. Si vous étiez député, est-ce que vous voteriez la privatisation d'ADP ?

Vous vous souviendrez que je me suis beaucoup opposé à la privatisation des autoroutes et je m'y suis opposé tout seul puisque toutes les forces politiques s’étaient couchées. Je suis allé jusqu'à aller moi-même au Conseil d'État à titre individuel, comme citoyen.

Vous dites à Bruno Le Maire qu'il renonce ?

Non, ce n'est pas ce que je dis. On sait aujourd'hui quel est le résultat et que, évidemment, ceux qui avaient raison n'ont pas été écoutés.

Deuxième chose, est-ce que la situation d'Aéroports de Paris et celle des autoroutes est la même ?

Sincèrement je crois qu'il y a de grandes différences. La différence principale était que notre réseau d'autoroutes était parfaitement en état, parfaitement entretenu, qu'il était quasiment payé, que cela allait être du cash, comme on dit, qui allait rentrer.

Ce n'est pas le cas pour Aéroports de Paris ?

Ce n’est pas le cas pour ADP dont vous avez vu, je vois cela avec tristesse, le classement des aéroports du monde. Il y a 140 ou 150 aéroports classés. Les deux aéroports français sont je crois 138èmedonc il y a quelque chose qui ne va pas.

Alors, au gouvernement de défendre les intérêts français et de s'assurer que la solution qu'il propose - et comme vous entendez j'ai quelques interrogations - soit celle qui pourra donner aux aéroports français la place qui doit être la leur, c'est-à-dire en tête des classements.

Pour terminer François Bayrou, un mot rapide. C'est demain que s'ouvre le procès de Bernard Tapie dans l'affaire de l'arbitrage sur le Crédit Lyonnais, l'affaire Adidas. Vous aviez eu des mots très durs à l'époque. Bernard Tapie va affronter cette épreuve affaibli par la maladie, vous lui avez envoyé, je crois, un petit SMS. Est-ce que vous êtes réconcilié avec Bernard Tapie ?

Il y a deux sujets : le procès, l'affaire sur laquelle je me suis beaucoup exprimé.

Avec des mots très durs, sans doute les plus durs.

Oui, parce que je considérais qu'il y avait là une anomalie de gouvernement qui était très importante ; la preuve, la suite a montré que c'était vrai.

Après, Bernard Tapie a été malade, puis on a eu des échanges d'ailleurs assez drôles, je les raconterais peut-être un jour à un concours de circonstances, qui font que, oui, nous avons repris contact.

Moi, je me bats contre les gens généralement quand ils sont puissants, quand ils sont en haut des situations de confort, de responsabilité, de privilège. Je ne me bats jamais contre les gens quand ils sont affaiblis et que les événements ont tourné à leurs difficultés.

Et donc, oui, je parle assez souvent avec lui, plus souvent de la maladie que d'autres sujets, de comment, on l'affronte, du courage qu'il faut pour l'affronter. Je ne confonds pas les personnes privées et les anomalies dans l'État.

Quand il y a anomalies dans l'État, je me bats, quand les personnes privées sont fragiles, je ne poursuis pas de vengeance.

Merci François Bayrou.

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