"Répandre l'idée que nos problèmes viennent d'ailleurs est dangereux et démobilisateur"

François Bayrou a fustigé ceux qui font croire aux Français que "les réformes et les économies sont imposées à la France par l'Europe et par l'Allemagne", mardi matin au micro d'Europe 1.

Bruce Toussaint - Un mot sur ce qui s'est passé à Boston, cette nuit. L'Amérique est sous le choc après cet attentat qui a fait 3 morts et plus de 140 blessés. Ça veut dire que la menace terroriste est toujours présente ?

François Bayrou - Nous sommes des sociétés fragiles, très exposées, notamment les grands États. On ne sait pas pour l'instant d'où et de qui vient cette menace et cet attentat. Mais on voit bien à quel point il faut renforcer les précautions. C'est ce que le gouvernement vient d'annoncer qu'il allait faire. C'est une menace que chaque citoyen doit avoir à l'esprit.

Vous pensez que la France est menacée elle aussi ? 

Franchement, on ne peut pas dire que la France se trouve à l'abri. Vous savez bien que notre pays exerce des responsabilités internationales. On vient de le montrer encore dans l'affaire du Mali. Oui, notre pays est forcément un de ceux qui sont exposés. C'est aussi le revers de la médaille que nous avons justement choisie, qui est celle d'un pays qui compte dans le monde et qui fait en sorte que le monde ne devienne pas la proie de tous les terroristes de la planète.

L'actualité ce matin, c'est aussi cette opération transparence du gouvernement. Depuis hier soir, les patrimoines des ministres sont consultables par chaque Français. Alors on sait que Pierre Moscovici n'est pas propriétaire, que Laurent Fabius est le plus riche, que Christiane Taubira a trois vélos, … Mais ça change quoi, maintenant, selon vous ? 

Pas grand chose. Je ne suis pas contre la transparence, c'est le mouvement du temps. Mais j'éprouve une assez grande indifférence en face de ce genre d'expositions. Je ne pense pas que la clé de la moralisation de la vie publique soit là. Je pense qu'il y a beaucoup d'autres décisions à prendre. Ce n'est pas, et de loin, la décision la plus importante. Certains disent diversion, je n'irais pas jusque là. Mais ce n'est pas ce que les Français attendent. Ils n'ont pas le sentiment que le monde et l'honnêteté de la vie politique changent à partir de cette publicité faite au patrimoine des ministres.

Vous diriez que c'est un "gadget" ? C'est aussi un terme qui a été utilisé. 

Non, je n'emploie pas l'expression de "gadget". C'est le mouvement du temps, que d'avoir une transparence plus grande. Mais j'éprouve une assez grande indifférence en face de ce genre de publicités. Je n'ai pas le sentiment que ce soit la clé de la moralisation qu'on attend de la vie publique, c'est-à-dire d'une vie publique dont les règles seraient mieux respectées qu'elles ne l'étaient hier. 

Vous publiez une tribune dans Le Monde, titrée "Attention, alerte rouge", qui s'adresse directement au président de la République. Quel est cet avertissement que vous lui adressez ? 

Depuis plusieurs jours se développe et se répand une idée extrêmement dangereuse à mes yeux : celle que les réformes que nous avons à faire et que les économies auxquelles nous devons réfléchir, seraient en fait imposées à la France par l'Europe et par l'Allemagne. C'est une idée absolument fausse, dangereuse parce qu'elle est démobilisatrice, régressive. Elle consiste à faire croire que ce ne sont pas nos problèmes qui nous obligent à changer, mais la décision et l'influence des autres. Or, tous les problèmes qui sont ceux de la France aujourd'hui, ne viennent pas de l'extérieur, de l'Europe, de l'euro ou de l'Allemagne : le déficit sur lequel je mène une bataille depuis de très longues années, l'effondrement de notre commerce extérieur, le fait que nous n'arrivons plus à produire, le fait que notre école et ses résultats soient très insuffisants, le fait que nous dépensons pour nos services publics près de 20% de plus que nos voisins sans avoir des services spectaculairement meilleurs. Ce sont des problèmes français ! C'est parce que nous avons une société qui n'est pas organisée comme elle devrait être, qui a depuis longtemps laissé vieillir les structures de son organisation, que nous sommes dans cette situation de difficulté.

C'est une grande déception que vous exprimez ce matin. On est un an, quasiment, après l'élection de François Hollande. Vous aviez voté pour lui. Vous le regrettez ? 

Non, je ne veux pas employer ce genre de mots. Face à cette situation, il ne faut pas regarder le passé mais se tourner vers l'avenir. François Hollande avait expliqué, pendant sa campagne et après, qu'il allait rééquilibrer les comptes des finances publiques et faire un certain nombre de réformes. Nous avons besoin de nous mobiliser en regardant l'avenir et en choisissant nous-mêmes - pas sous la pression des autres mais parce que c'est notre survie qui est en jeu - de prendre les décisions qui s'imposent pour que notre pays redevienne ce qu'il n'aurait jamais du cesser d'être. C'est-à-dire un pays qui sait gérer ses affaires publiques et apporter à ses citoyens les services et les appuis dont ils ont besoin, pour que nous soyons ensemble l'une des sociétés les plus performantes et les plus efficaces que l'on ait en Europe. 

François Bayrou, est-ce que vous êtes disponible ? 

Pardon ? Je suis disponible pour répondre à votre interview (rires). 

Vous imaginez bien que ce n'est pas ce que je sous-entendais... 

Bruce Toussaint, il faut que vous acceptiez cette idée qu'il existe en France, même s'ils ne sont pas nombreux, des responsables politiques qui ne pensent pas à leur intérêt mais à l'intérêt du pays. Qui pensent, non pas aux avantages ou aux responsabilités qu'ils pourraient avoir, mais à ce que la France doit faire. Il faut refuser les ambitions individuelles, dans un moment où le pays est si profondément déstabilisé.

C'est bien dans l'intérêt du pays que vous pourriez nous dire, ce matin, que vous êtes disponible. 

Vous voudriez que je vous le dise, mais je n'ai pas cette intention. Je ne veux pas parler de l'avenir du pays en pensant à moi. Je veux parler de l'avenir du pays en posant devant les Français, qui sont les seuls décideurs, qui au bout du compte sont ceux qui prendront les orientations qui s'imposent, ce que nous avons à faire pour nous en sortir.


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