🏛Patrick Mignola : "Pour défendre la démocratie, il faut défendre la presse" 

Patrick Mignola

Mardi 23 juillet, le Parlement a adopté la loi instaurant un "droit voisin" au droit d'auteur permettant à la presse de négocier avec les GAFA une rémunération pour l'utilisation de leurs contenus et extraits. Interview de Patrick Mignola, Rapporteur de la proposition de loi.

Mouvement Démocrate - Qu’est-ce que le principe du droit voisin des éditeurs de presse ?

Patrick Mignola - Le droit d’auteur, d’un point de vue juridique, est le droit d’autoriser ou d’interdire la reproduction d’une publication. Cette autorisation peut être accordée par le détenteur des droits en échange d’une rémunération. 

Jusqu’à ce jour, les articles de presse, mais aussi les photographies, enregistrements audio ou vidéo de presse, n’étaient pas concernés par la législation sur le droit d’auteur vis-à-vis des publications en ligne. Nous avons donc créé ce que l’on appelle un "droit voisin" au droit d’auteur, obligeant les GAFA à négocier le versement de droit pour l’utilisation en ligne de tout contenu journalistique.

Nous avons également précisé les critères de répartition de cette rémunération entre les différents médias. Une prime sera accordée aux médias en fonction de l’audience, de l’investissement humain et matériel, mais aussi de leur contribution au débat public, en favorisant les supports qui bénéficient du critère, déjà existant, "d’IPG" (Information Politique Générale). 

Les médias ont déjà commencé à s’organiser pour négocier collectivement avec les GAFA cette rémunération globale. S’ils n’y parviennent pas, l’Etat reprendra la main. Les éditeurs et agences de presse devront ensuite négocier, en leur sein, avec les représentants de leurs personnels, la part qui sera ensuite reversée aux journalistes. 

L’arrivée des GAFA a bouleversé les modèles économiques de la presse, comme des producteurs de contenus. Cette proposition de loi est-elle issue d’un constat ? Lequel ?

Pour défendre la démocratie, il faut défendre la presse, sa liberté et son pluralisme.

Or, et c’est un constat que je partage avec François Bayrou qui l’a affirmé très tôt, il ne peut pas y avoir d’indépendance des médias sans indépendance économique des médias.

Aujourd’hui, les revenus générés par la diffusion en ligne de publications de presse, qu’ils soient publicitaires ou liés à la revente de données, sont aujourd’hui captés à plus de 90 % par les GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft. En d’autres termes, les GAFA, non seulement pillent les différentes productions des journalistes, mais de sucroît en tirent des bénéfices, soit par la publicité, soit par la revente de données. Alors que le numérique peut être une chance pour la presse, qui voit sa diffusion papier s’éroder d’année en année, jusqu’à présent, les éditeurs et agences de presse n’en ont tiré qu’un bénéfice infime. 

En quoi la France innove-t-elle en matière de droit voisin ? 

Cette proposition de loi vise à transposer une partie de la directive européenne sur le droit d’auteur, adoptée par le Parlement européen en mars dernier, après 3 ans de débats. Cette décision était loin d’être gagnée d’avance, tant les oppositions et le lobbying des GAFA avaient été intenses à Bruxelles. J’avais d’ailleurs porté avec le groupe Mouvement Démocrate et apparentés une première proposition de loi à ce sujet au printemps 2018, afin que la France puisse peser sur ce processus en décidant d’adopter un tel dispositif avant même que le Parlement européen ne se prononce. Finalement, et c’est heureux, nous n’avons pas eu besoin d’en arriver là, puisque l’Europe est parvenue à trouver un accord. Mais ce travail préparatoire a permis de pouvoir agir vite et efficacement pour transposer cette directive, dans un large esprit de consensus, car les parlementaires étaient déjà sensibilités au sujet.

Mais j’irai plus loin en disant que la France souhaite être le fer de lance de la régulation des GAFA de manière générale.

Comme tout nouveau secteur économique qui apparaît, le monde numérique a vécu, non pas hors la loi, mais sans loi, pendant des années. 

Un phénomène de surconcentration avec la création de cartels et de monopoles est apparu. Nous avons pour obligation de réguler les GAFA pour les faire entrer dans l’État de droit. 

C’est le cas du consentement à l’impôt. Les GAFA sont au-delà même de l’optimisation fiscale, et c’est pour cela que le Gouvernement a souhaité créer une taxe sur leurs revenus et activités en France. Elle devrait rapporter environ un demi-milliard d’euros par an.

Le Gouvernement et le Ministre de l’économie, Bruno le Maire, ont eu raison de tenir bon sur ce sujet, notamment face aux pressions des Etats-Unis qui voyaient d’un mauvais œil une taxe sur leurs champions numériques. La semaine dernière, à l’occasion du G7 finances, la France a obtenu un accord de principe sur la taxation des géants du numériques à l’échelle mondiale, y compris avec les États-Unis. 

Un autre exemple : la responsabilité éditoriale des plateformes. Nous avons voté la loi Fake News, qui pour le moment est limitée à la période électorale, et une autre loi, portée par ma collègue Lætitia Avia, députée LREM de Paris, qui vise à responsabiliser les plateformes sur l’incitation à la haine, le racisme et l’antisémitisme, la diffusion et les appels à la violence sur leurs réseaux. 

Qu’est-ce que ce texte va changer pour la presse, pour les GAFA et pour les citoyens ? 

Une fois un accord obtenu entre les éditeurs et agences de presse et les GAFA de l’autre, pour définir le montant global de la rémunération, il y aura une seconde répartition pour savoir comment cet argent bénéficiera aux journalistes, qui sont depuis longtemps trop mal payés, ou enfermés dans des contrats précaires. Le droit voisin au droit d’auteur est l’occasion d’améliorer leur rémunération et de leur donner les moyens de travailler plus correctement.

De manière générale, cette rémunération permettra aussi aux médias d’être moins dépendants des subventions publiques. C’est aussi le cas pour la presse régionale, dépendante de l’argent versé par les collectivités, notamment dans le cadre de leurs campagnes publicitaires. Ce sera plus sain pour les finances publiques, mais aussi pour l’indépendance de la presse. Et comme je l’ai déjà dit, une presse indépendante et pluraliste est une condition sine qua non de survie de la démocratie. Donc au final, tout le monde y sera gagnant…

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