"Le Brexit est un jeu perdant-perdant. Il dépend de la sagesse du gouvernement britannique que ces pertes soient aussi minimes que possible."

Jean-Louis Bourlanges

Le vendredi 31 janvier 2020, le Royaume-Uni a officiellement quitté l'Union européenne. Jean-Louis Bourlanges, député des Hauts-de-Seine, membre de la commission des affaires étrangères et ancien député européen, livre pour le Mouvement Démocrate son analyse de la situation. 

Mouvement Démocrate - Quels sont les nouveaux rapports de force entre les 27 états membres de l’Union européenne ?

Jean-Louis Bourlanges - Les trois années de préparation du Brexit ont révélé une cohésion exceptionnelle des vingt sept face au Royaume uni et les difficultés intérieures rencontrées par les Britanniques dans la mise en ouvre de leur départ ont transformé dans chacun de nos pays l’hypothèse d’une sécession en un véritable repoussoir. Ce fut sans doute une déconvenue pour Londres que de découvrir que l’Angleterre ne faisait pas école au delà de ses frontières.

La situation va se révéler plus compliquée à gérer pour l’avenir, moins sans doute dans la négociation du futur statut de nos relations avec les Britanniques que dans le développement du projet européens. Les États du Nord de l’Europe,  en particulier la Suède, le Danemark et désormais les Pays-Bas, qui sont très attachés aux valeurs de libéralisme et de souveraineté risquent de se sentir inconfortables par rapport à un couple franco-allemand massif et renforcé en valeur relative. Ils pourraient de ce fait développer une sorte d’insularité culturelle et politique de rechange qui ne les conduira sans doute pas à négocier comme les Anglais d’hier des traitements à part mais les incitera à faire preuve d’une circonspection paralysante par rapport à des initiatives communes qui accroîtraient les pouvoirs juridiques et la ponction financière de l’Union. Il est à craindre que la plupart des États périphériques de l’Union ne soient sensibles à cette protestation du "quant à soi" contre les États de l’axe rhénan. Pour compenser cela, il faudrait que le couple franco- allemand soit particulièrement dynamique et entraînant, or avec une Allemagne et une France empêtrées dans leurs problèmes intérieurs, nous sommes loin du compte. À part le Président Macron, la Commission européenne et, sans doute le Parlement, je crains qu’il n’y ait pas grand monde en Europe pour vouloir reprendre la marche en-avant.

Le Royaume-Uni va-t-il devenir un concurrent à la porte de l’Union européenne ?

Le triomphe électoral de Boris Johnson est politiquement ambivalent. D’un côté, c’est la victoire d’un brexiteur dur qui a enfin tenu la promesse référendaire d’une rupture avec l’Union européenne. De l’autre , le Premier ministre a été l’homme d’un compromis avec Bruxelles conjurant le risque d’un "no deal". Il est clair que dans cette affaire  Bruxelles, c’est-à-dire les États-membres et les institutions communes ont, si jose dire, "voté Johnson", à la fois par crainte de voir arriver Corbin et par souci de voir ratifier le deal négocié par Michel Barnier.

Il appartient désormais à Boris Johnson d’arbitrer entre deux perpectives : celle du grand large vers l’Amérique trumpienne, d’un chacun pour soi  sans foi ni loi ; d’un dumping fiscal et social qui transformerait le Royaume-Uni en une grande plate-forme off shore ; celle au contraire d’une Union libre avec l’Union européenne avec laquelle les liens institutionnels seraient coupés mais pas les solidarités politiques. Nous aurons probablement un peu des deux mais je crois que deux considérations militent en faveur de l’option la moins anti-européenne : l’ampleur des besoins sociaux que le gouvernement de Johnson devra prendre en charge pour répondre aux attentes des électeurs qu’il a arrachés au Parti travailliste, ce qui exclut une politique de dumping social et fiscal massive ; le caractère incontournable pour les Britanniques de relations commerciales intenses avec le Continent européen et le caractère inacceptable pour l’UE d’un partenaire britannique qui ne jouerait pas le jeu d’une concurrence loyale avec celle-ci. J’étais à Londres il y a quelques jours et j’ai pu constater que les membres du gouvernement  tenaient, par exemple, sur la question climatique, des propos qui étaient aux antipodes de ceux du Président Trump. Espérons que ce petit signe soit une promesse de bon sens.

Quel coût économique et diplomatique pour l’Europe ?

Le Brexit est, de l’avis général, un jeu perdant-perdant. Il dépend de la sagesse du gouvernement britannique que ces pertes soient aussi minimes que possible. Si la bonne volonté est au rendez- vous et si le Royaume-Uni reste fidèle à ses options commerciales, géopolitiques et climatiques des dernières décennies, ce sera business as usual. Je n’ose imaginer que nos amis d’outre-Manche aient perdu ce qu’ils appellent le sens commun au point de brûler ce qu’ils ont si longtemps adoré pour sauter à pieds joints dans le pire des inconnus.

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