Jacqueline Gourault : "État et collectivités locales ont la République en partage"

Jacqueline Gourault
(© Eric Robert)

Alors que s'ouvre le Salon des Maires et des Collectivités locales (du 19 au 21 novembre 2019), la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales Jacqueline Gourault revient, pour le Mouvement démocrate, sur le projet de loi Engagement et Proximité, adopté en première lecture par le Sénat le 22 octobre et en cours de discussion à l’Assemblée nationale. Il vise deux objets : d’une part lever les freins à l’engagement et au réengagement des élus c’est-à-dire mieux accompagner, former et donner la reconnaissance qu’ils méritent aux élus, et d’autre part, remettre le maire au cœur du système de gouvernance local en fluidifiant les liens entre les communes et les intercommunalités, en favorisant les libertés locales et l’équité entre les territoires. Rencontre avec Jacqueline Gourault.

Mouvement démocrate : A votre arrivée au ministère, de nombreux élus vous ont dit : « Arrêtez de nous faire des réformes, nous en avons eu énormément entre 2010 et 2017 », et vous avez répondu que vous ne feriez pas de grande réforme territoriale. Ce projet de loi Engagement et Proximité, peut-on le voir comme une manière de réparer, de recoudre, les incohérences de la loi NOTRe de 2015 ?

Jacqueline Gourault : On parle de grande réforme territoriale quand on commence à toucher au périmètre des collectivités et à leurs compétences. Il y a effectivement eu de nombreuses lois. Le texte RCT (Réforme des Collectivités Territoriales) de 2010 a dit 2 choses importantes : un, il faut que toutes les communes soient dans une intercommunalité (alors qu’auparavant, les communes pouvaient décider de se réunir mais de manière volontaire) et deux, le statut de commune nouvelle, permettant le regroupement de communes contiguës, est créé. Il y a eu ensuite la loi Maptam de 2014, qui a réorganisé le régime juridique des intercommunalités françaises les plus intégrées, les métropoles. Puis la loi NOTRe de 2015, et la loi relative à la délimitation des régions... Tous ces mouvements successifs ont conduit les Français, et surtout les élus, à dire stop !

J’aime rappeler – c’est mon côté professeur d’histoire-géographie – que notre politique à l’égard des collectivités locales s’inscrit dans une histoire.

À la tête de mon ministère, je me suis fixée deux missions principales : assurer aux élus un cadre stabilisé afin que, après, tous ces mouvements législatifs, ils puissent enfin se consacrer pleinement au développement des projets de leur territoire. Au-delà de la prévisibilité financière (fin de la baisse unilatérale des dotations et compensation à l’euro près de la taxe d’habitation pour les communes), le projet de loi engagement et proximité permet la prévisibilité institutionnelle en matière de périmètres, de compétences et de gouvernance. Il instaure aussi une prévisibilité sur les conditions d’exercice du mandat des élus en « trois temps » : l’avant-mandat, son exercice et l’après-mandat.

Tout cela n’est pas synonyme d’immobilisme : nous nous sommes engagés à procéder aux ajustements nécessaires nés des imperfections des précédentes lois. C’est ce que commence à faire le projet de loi engagement et proximité pour le bloc communal et ce que nous poursuivrons avec mon prochain projet de loi dit « 3D » pour décentralisation, différenciation, déconcentration.

Quel serait votre tableau d’une France idéale dans sa relation entre État et collectivités ?

Ma France idéale est celle qui reconnaît la diversité. Chaque territoire a ses spécificités liées à son histoire, sa géographie, aux femmes et aux hommes qui le construisent. J’aimerais que l’on trouve les bons outils pour accompagner chaque dynamique locale à révéler son potentiel.

C’est ainsi que j’ai dit d’emblée que cette nouvelle loi de décentralisation ne pouvait pas être comme les précédentes ! Les territoires n’ont pas besoin de solutions homogènes décidées d’en haut.

En 1982, les lois Deferre, premières lois de décentralisation, partaient d’un Etat jacobin. Aujourd’hui, après la deuxième vague de décentralisation avec les lois Raffarin, nous sommes dans une République décentralisée. Le cadre n’est plus le même.

Je crois que plus personne n’oppose État et collectivités. Les associations d’élus réclament un État de proximité en capacité d’agir.

La France est un pays autant attaché à ses libertés locales qu’à l’Etat. L’État, dans ses missions régaliennes, est le garant de la solidarité et de l’égalité entre les citoyens. C’est un constat partagé par tous. Par exemple, en matière de RSA, dont l’application relève pourtant des départements, il me semble inimaginable qu’un Breton touche un RSA différent d’un Basque.

La reconnaissance de la diversité que j’appelle de mes vœux pourrait se matérialiser grâce à l’expérimentation et à la différenciation. Avec le système actuel de l’expérimentation, au bout d’un temps donné par la loi ou le règlement, soit le dispositif expérimenté est concluant et donc généralisé à tous les territoires, soit il est abandonné. Je souhaite pouvoir sortir de cette logique binaire et permettre un recours facilité à ce dispositif.

La différenciation, inscrite dans le projet de loi constitutionnelle, nous permettra d’aller encore plus loin car nous pensons que l’on ne peut pas appliquer les mêmes politiques de la même manière sur l’ensemble du territoire. Mais d’ores et déjà, comme nous l’a prouvé l’exemple de l’Alsace, nous avons des outils pour adapter les politiques aux territoires dès lors que la situation locale le justifie.

Le choix des termes « Engagement et proximité », cela renvoie à l’engagement des élus mais aussi à l’engagement de tous les citoyens. Comment donner l’envie et les moyens de s’engager, notamment sur les listes municipales, à tous : les femmes, les jeunes, les actifs ?

En accompagnant les élus, en les formant, tout au long de leur mandat, on permet à des profils plus variés de se présenter. En revalorisant leurs indemnités aussi, bien sûr. Je crois aussi qu’il faut aller le plus loin possible en matière de parité pour que les exécutifs locaux reflètent la réalité de la société.

Je crois vraiment dans la vertu de l’exemple, du modèle. On le voit chez les pompiers, et l’on retrouve cet esprit de transmission et d’admiration pour la fonction de maire. C’est vrai, dans notre pays, on sent un fléchissement du bénévolat. Mais, avec le service national universel, avec encore un tissu associatif actif, on voit de beaux exemples de jeunes prêts à s’engager, et qui se responsabilisent.

Votre ministère s’insère dans une vision politique plus globale, où vous dialoguez avec d’autres ministères, comme celui de l’Education nationale et de la Jeunesse, celui de la Santé ?

Oui, bien sûr. La transversalité de nos compétences est une nécessité. Lorsque Jean-Michel Blanquer dédouble des classes de CP, c’est à moi, derrière, d’aider les maires à créer de nouvelles classes. Mener une politique de cohésion des territoires, c’est être à pied d’œuvre pour améliorer le quotidien des Français. C’est ce qui rend ma mission exigeante mais passionnante.

D’où vous vient votre vocation politique et cet amour des territoires ?

Je me suis engagée à 23 ans, en 1974, pour Valéry Giscard d’Estaing qui incarnait alors la modernité et portait des idées novatrices pour le pays. Après mai 1968, la jeunesse pouvait prendre une direction ou une autre et il a su rassembler autour de lui 2 Français sur 3.

A l’époque, à la Chaussée Saint-Victor (qui jouxte Blois), la femme maire sortante avait proposé à mon mari, qui faisait partie du club de foot, de figurer sur une liste municipale. Et c’est moi qui ai décidé d’y aller !

L’amour des territoires, cela remonte à plusieurs générations. Ma famille est profondément enracinée dans les terres agricoles du Loir-et-Cher. J’y ai moi-même toujours été extrêmement attachée.

État et collectivités locales ont la République en partage. Les femmes et les hommes qui s’engagent pour leur territoire en sont les visages. Les élus locaux, au premier rang desquels les maires, sont au plus près des citoyens, de leurs demandes, encouragements ou récriminations. Élue municipale depuis 25 ans, je me suis toujours sentie proche de leurs inquiétudes et interrogations.

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