Interview de François Bayrou sur CNews

Ce matin, François Bayrou, président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Jean-Pierre Elkabbach, dans la matinale de CNews. Nous vous invitons à revoir cette interview.


Vous êtes le bienvenu François Bayrou, Bonjour. On va enchaîner sur ce que disait le Canard Enchaîné, c'est vrai que vous avez pris vos distances avec Emmanuel Macron ? 

C'est n'importe quoi. Je n'ai aucune distance avec le Président de la République mais je défends l'exigence qui a été signée dans le contrat de l'élection présidentielle entre le nouveau Président de la République et les Français.

  

Mais on dit que vous êtes fâchés, que vous ne le prenez pas au téléphone, qu'il ne vous appelle pas... 

J'ai avec le Président de la République, et c'est normal, des relations qui sont confiantes et fréquentes. 

  

Mais cela ne vous empêche pas de dire ce que vous pensez de lui, j'espère...

Le piège de la Vème République est : quand le pouvoir est installé, tout le monde se tait. Or, ce que je crois, c'est que dans une majorité, dans la vie politique, dans une démocratie, on a besoin de voix libres, qui n'ont rien à demander ni à attendre, et qui sont là pour marquer à quel point il y a une attente dans la situation, et qui soutiennent et appellent à ce que l'on soit dans une étape encore plus positive, constructive.

  

Par exemple, l'été et la rentrée, dont on a dit qu'il y avait une sorte de malédiction, qu'est-ce que ça vous inspire, pour la démocratie, la société politico-médiatique française ?

D'abord, ce qui s'est passé ces deux dernières semaines est très important : on avait des « réformes ». Je défends le fait que les réformes aient un sens, que l'on sache où l’on va. Trop souvent on oublie de rappeler ce sens nécessaire. Parce que ce que nous sommes en train de construire, ça n'est pas seulement une société moderne, adaptée au marché mondial, c'est une société avec un projet. Si j'osais, je dirais que c'est une civilisation. Et la France est la seule à pouvoir faire ça. Donc ce qui s'est passé ces deux dernières semaines : on est passé d'une multiplication de réformes à deux projets, qui sont très importants : le premier, le plan pauvreté, et c'est s'attaquer aux racines de la pauvreté « transmise », ce que vous recevez ou pas en héritage. Deuxième projet, la santé, un très grand projet. On va changer la manière dont la santé est organisée en France.

 

Mais est-ce que la société politico-médiatique le reflète, pour vous, puisque vous êtes « libre » ?

Vous savez bien, vous en faites partie, le défaut principal de cette société-là est qu'on fait des affaires, des scandales, avec n'importe quoi. On met sur le même plan des choses qui pourraient être graves et des choses sans poids. L'affaire Benalla par exemple, tout le monde voit de quoi il s'agit. Cette accélération, ce perpétuel orage, créés autour d'éléments qui n'ont pas de poids, sont relayés par les chaînes d'info en continu. 

 

Vous avez dit qu'il faut donner du sens, est-ce que vous souhaiteriez qu'Emmanuel Macron s'exprime, s'adresse directement aux Français pour donner ce sens ?

Je pense qu'il n'y a que le Président de la République qui puisse tracer le cadre, donner les grandes directions du projet qu'il applique et qu'il a proposé aux français. Il faut mettre en relation cet extraordinaire événement qui s'est passé au printemps 2017, l'effondrement des deux « tours jumelles », le PS et LR qui tenaient le monopole du pouvoir. On en perd le sens ou le sel, on croit que c'était un accident mais ce n'est pas le cas. C'était l'attente profonde des français et seul le Président de la République peut remettre en perspective l'action. On a besoin qu'il s'exprime. Je pense qu'il a fait ces deux discours très importants sur la pauvreté et la santé, et désormais je pense que le moment vient où il va devoir devant les Français rappeler le sens de son action et aussi ce qu'il a appris depuis 18 mois. 

 

Vous avez suivi l'audition d'Alexandre Benalla devant les sénateurs, comment l'avez-vous trouvé ?

J'ai trouvé que c'était une audition très intéressante. Je ne connaissais pas ce garçon, je l'avais vu une fois dans un journal télévisé. Mais là, c'était direct. C'est un homme très intelligent, et quand on met en relation cette personnalité avec son âge, alors on se disait qu'on comprenait tout d'un coup pourquoi le Président de la République avait eu tout d'un coup cette confiance en lui. Il a répondu à toutes les questions et l’on s'est rendu compte - en tout cas à mes yeux - que d'affaire Benalla, il n'y avait pas. Je pense qu'il est sorti du cadre en allant participer à une échauffourée où il n'aurait pas dû être avec des manifestants et forces de l'ordre. C'est répréhensible, mais ce n'est pas un crime. On a vu qu'il n’y avait rien de plus normal que la fonction qu'il occupait malgré sa jeunesse, et que probablement la majorité des attitudes à son égard vient du fait qu'il ne correspond pas au cadre habituel. 

 

Une certaine arrogance sociale à son égard ? 

On lui demande des explications sur ses diplômes, qu'il donne, mais je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y a beaucoup de gens à qui l’on ne demande pas d'explications sur leurs diplômes...

 

Alexandre Benalla a expliqué qu'il n'avait pas de fonction de sécurité opérationnelle à l'Elysée, qu'il n'avait pas d'avantages, qu'il a porté son arme à trois reprises, qu'il n'a jamais été policier ni garde du corps d’Emmanuel Macron. Vous le croyez ? 

Je le crois. Et hier, ce qui se ressentait, c'est qu’au fond il n'y avait pas d'affaire ni de secret d'Etat, il n'y avait pas d'atteinte à la loi derrière ça. 

 

Vous savez que quelques sénateurs l'ont trouvé malin, dissimulateur...

Un jeune-homme de vingt-sept ans, qui passe deux heures et demie devant une commission d'enquête formée de sénateurs très expérimentés et pour la plupart d'entre eux habiles dans le questionnement, et qui donne cette image de réponse directe, de présence, et qui n'évite aucun des obstacles, et bien je pense que ça ne correspond pas à cette critique. 

 

Après 15 mois de présidence Macron, est-ce que votre diagnostic est le même que celui d'échec que vous prédisiez à François Hollande à l'époque ? 

Non, ça n'est pas le même. Il y a des éléments qui sont des éléments d'inquiétude, mais je crois qu'Emmanuel Macron a en lui de quoi reprendre la maîtrise de ce grand projet. Ces dernières semaines, cette présence du projet porté par le Président de la République au sein de l'action gouvernementale s'était un peu effacée.

 

Gérard Collomb choisit Lyon et la Métropole, il veut y mettre de l'ordre, est-ce que vous comprenez sa démission différée ? Et, comme ministre d'Etat, il fixe lui-même la durée de son sursis ?

Je pense qu'on sous-estime le lien entre un élu local à la tête d'une collectivité locale très importante et des enjeux économiques, culturels et sociaux. 

 

Mais peut-il tenir neuf mois entre Lyon et la Place Beauvau ?

Vous voyez bien que s'il exerce ces responsabilités, il n'y a pas de problème. Je pense que Gérard Collomb a voulu adresser un message aux Lyonnais en disant « il y en a qui pensent que je suis parti, mais je ne suis pas parti. » D'une certaine manière, l'attention reste portée sur la ville dont il est maire. Qu'un responsable gouvernemental soit enraciné, c'est une bonne chose. Je sais que nous sommes dans un univers où les forces se réunissent pour critiquer, mais je pense que c'est une bonne chose, qu'il ne distraira pas une minute de sa mission et de sa fonction et qu'il va naturellement dans les mois qui restent, dont seul le Président de la République peut fixer l'échéance, exercer cette fonction. 

 

Beaucoup de ministres vont faire campagne, faut-il qu'ils partent et pensez-vous qu'il faudra attendre juin pour avoir un remaniement ? 

Je ne suis pas Président de la République et je respecte infiniment les choix qui doivent être faits lorsqu'on occupe cette fonction. Tout parasitage par des conseils plus ou moins intéressés, ce n’est pas mon genre. 

 

Aujourd'hui, Emmanuel Macron rencontre les chefs d’Etat et de gouvernements de l'Europe à Salzbourg pour parler de l'avenir de l'Europe, et du problème des migrants notamment. On va assister à une confrontation Macron, Merkel, Sanchez face à Kurz, Salvini et surtout Orban. Le nationalisme est-il aujourd'hui en position forte ? Comment lui répondre ?

Je ne veux pas utiliser le mot « nationalisme » à tout bout de champ, la nation pour beaucoup de gens c'est important. Ce que je vois c'est de la démagogie : des dirigeants qui, au lieu de s'adresser au peuple en responsabilité, vont essayer d'exciter ces passions pour en tirer un avantage électoral, ce qui est extrêmement risqué. Au sein des peuples, lorsque vous excitez les passions contre tel ou tel alors vous êtes sûr d'arriver à un grave accident. L'Europe a une responsabilité essentielle, c'est ce que le Président de la République va dire, j'imagine, elle est de savoir comment on garantit nos frontières, l'action qu'on mène pour que les réfugiés puissent un jour demeurer dans leur terre, ce qu'on bâtit comme économie là-bas pour qu'ils puissent y rester...

 

Les Républicains se sont accrochés avant-hier sur la conception de l'Europe d'Orban, ça a des conséquences en France... 

Vous voyez bien ce que ça veut dire. Ce qu'on appelle la droite européenne, le parti populaire européen, est en train de se fracturer sur cette question : L'Europe respecte t-elle les valeurs qu'elle a elle-même proposées au monde, en fait-elle une richesse : on maîtrise l'immigration, on identifie les risques, on fait en sorte que nous participions au développement des pays qui sont en train d'exploser, à leur paix et à leur développement, ou bien on fait au sein de la population européenne une espèce de guerre civile. 

 

Vous ferez partie des militants européens progressistes ?

Je n'aime aucun de ces mots. Je suis quelqu'un qui, toute sa vie, a cru ou su qu'on ne pouvait pas imaginer un avenir pour nos pays si nous étions chacun pour soi, sinon on est mort. Vous avez en face de vous Trump, Poutine, la Chine, trois dirigeants extrêmement déterminés et qui font prendre des risques au monde. Si nous sommes isolés en face de ces risques nous n'avons pas la moindre chance d'imposer la moindre idée. 

 

Je sais que vous allez avoir les universités d'été du Modem, vous restez dans la majorité autour de Macron...  

Engagé et exigeant. 

 

Dernière chose : François de Rugy se rend ce matin à Pau, chez vous : faut-il bientôt introduire deux ours slovènes dans les Pyrénées ? 

Les ours n'ont aucune chance si l'on ne bâtit pas avec les bergers la protection de la biodiversité. En tant que président du Conseil Général, j'avais fait venir il y a quelques années, le responsable du Yellowstone Park. Il avait dit une chose simple : un ours qui attaque les brebis, il faut le retirer du circuit, autrement c'est la guerre entre bergers et ours.

 

Les transhumants veulent protéger leurs troupeaux, même avec des armes s'il le faut...

C'est plus grave encore pour les loups, on ne se rend pas compte à quel point il y a un sentiment des bergers qui se sentent assiégés. J'ajoute qu'il y a une population d'ours en Ariège, laissons-la se répandre naturellement. La protection des ours et des autres espèces commence avec celle des bergers.

 

Merci François Bayrou d'être venu. 




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