Grands débats : Patrick Mignola et Julien Guez sur la réforme des retraites

La réforme des retraites suscite des oppositions diverses. Mercredi 29 janvier, le Mouvement démocrate a reçu Patrick Mignola, président du groupe à l’Assemblée et député
de Savoie, ainsi que Julien Guez, directeur général de la Fédération des Travaux publics, pour débattre avec le public sur ce sujet très sensible.

Penser à sa retraite, cela peut évoquer un temps de repos bien mérité après une vie d’efforts, un espace incertain, angoissant, dans un âge où peut survenir la maladie, un temps de liberté et de réalisation possible. Ce qui est sûr, comme l’a rappelé Alice Le Moal, secrétaire générale adjointe, c’est que la retraite touche à quelque chose de très intime pour chacun. La réforme en cours déchaîne les passions : dans un contexte de grèves, de manifestations, le projet de loi entre au Parlement pour y être discuté.

D’emblée, Patrick Mignola a mis l’accent sur la question démographique. Si nombre de gens ont l’impression d’être dans le brouillard, c’est parce qu’on n’a pas posé clairement cette première question. L’évolution démographique, l’allongement de la vie rendent une réforme nécessaire. Depuis Michel Rocard, qui avait bien identifié la situation, on avait deux solutions : soit on modifiait en profondeur le système, soit on jouait à repousser indéfiniment l’âge de départ. Or, à l’origine, au moment du Conseil national de la Résistance, c’est pour une majorité d’hommes, à la carrière linéaire et ascendante que le système avait été pensé. Aujourd’hui, de plus en plus, avec l’entrée des femmes sur le marché du travail, avec les évolutions démographiques, avec le chômage et les carrières hachées, chaotiques, le système est devenu profondément injuste. Il a créé des retraites indignes, comme celles des agriculteurs ou de certains indépendants. Dans certains régimes spéciaux, en effet, moins il y a de cotisants et plus petites sont les retraites.

Pour beaucoup, la retraite, à mesure que l’on s’en approche, s’éloigne comme un horizon que l’on n’atteindra jamais. Les jeunes ont l’impression qu’ils n’auront pas de retraite, ou du moins pas d’un bon niveau. De nombreuses femmes doivent travailler jusqu’à 67 ans pour bénéficier d’une retraite pleine. On a perdu la confiance des Français : parce qu’on n’a pas voulu regarder la réalité en face, le système est devenu déséquilibré.

Retraite : un contrat de confiance passé entre les générations

Or, Julien Guez l’a affirmé, la retraite n’est pas simplement un droit, c’est essentiellement un contrat de confiance passé entre les générations. Les actifs ne cotisent pas pour eux, mais pour leurs aînés, en espérant, quand leur tour viendra, que le système leur assurera aussi une retraite satisfaisante. Pour Julien Guez, le problème est d’abord paramétrique. On aurait pu imaginer un système sans limite d’âge mais, socialement, c’est protecteur d’avoir des bornes d’âge.

Avec des mots simples et forts, Patrick Mignola affirme que l’on doit avoir la même règle pour tous et la capacité de s’adapter aux cas particuliers. Car, dans une France où le chômage baisse, où les impôts baissent, comment expliquer le malaise et la colère ambiants ? Selon le principe de la frustration relative de Tocqueville : c’est le manque de considération qui fait alors le plus mal. Les citoyens ont l’impression de ne pas être regardés dans leur singularité. Un départ à la retraite, cela peut être violent. On peut avoir l’impression de n’avoir servi à rien, d’être mis brusquement hors du circuit. Patrick Mignola a insisté sur cette relation essentielle : la transmission. Vers 55-57 ans, alors que l’on est au top de ses qualités professionnelles, il faut songer à transmettre ses compétences, ses savoir-faire et savoir-être. C’est cela, la valeur du travail, ce lien de transmission.

A Guidel, en septembre 2019, le Mouvement démocrate avait fait entendre, déjà, au Premier ministre, les 3 principes à préserver :

  1. Qu’il n’y ait pas de baisse du niveau des pensions
  2. Ce qui est acquis est acquis, ce qui a été accumulé avant ne doit pas varier. Il est très important de respecter les personnes
  3. L’inviolabilité des réserves (ex : les avocats)

Ainsi que des points de vigilance :

  • Il faut que la gouvernance soit partagée
  • la démocratie, c’est savoir partager le pouvoir. Que la représentation syndicale participe à ce pilotage, c’est une garantie
  • La gouvernance doit permettre suffisamment de liberté pour organiser une itinérance entre le politique et le social
  • la pénibilité ne rentre pas dans des cases excel. On a réduit le nombre de critères.

Patrick Mignola est favorable à plus de critères, mais que l’on négocie par branches et non par statuts. La pénibilité, c’est cela qui fait bouger l’âge pivot.

Julien Guez a renchéri sur la difficulté à fixer des critères de pénibilité justes. Mais il a reconnu que des soupapes étaient indispensables et qu’il existait des critères relativement consensuels.

La discussion avec la salle a permis d’évoquer de nombreux problèmes : la difficulté à remonter en selle lorsqu’on est tombé vers 45 ans, âge déjà vieux dans le monde de l’entreprise ; les carrières hachées ; la difficulté à envisager une réforme en profondeur, dans un monde où les métiers se transforment de plus en plus vite, rendant peut-être caducs les critères de pénibilité posés à l’instant t (« Les gens se rendent compte qu’on veut un système compliqué, et qu’il y a des experts aux manettes. Il n’y a pas un système qui peut durer 30 ans. ») ; la question des fonds de pension ; le traitement des fonctionnaires, qui méritent qu’on les considère mieux.

Sur les fonctionnaires, Patrick Mignola a répondu qu’on les aidait en lisant la loi. Il faut, pour maintenir le niveau des pensions, réintégrer les primes des fonctionnaires dans le calcul de retraite. Avec 2 opportunités majeures : dans le cadre hospitalier, c’est l’occasion d’augmenter la rémunération des infirmières, des postes où l’on n’arrive plus, bien souvent, à trouver les personnes nécessaires.

Quant aux enseignants : c’est là un sujet majeur. Il faut augmenter le salaire des enseignants. Il n’y croient pas. C’est un problème de société absolument capital : comme dans l’amour, il faut donner des preuves. Sur 10 ans, il faut augmenter leur salaire. Le Ministère de l’Education nationale et le Ministère de la Santé doivent parler avec les gens. Il faut renouer la confiance, en replaçant l’humain au centre.

Les systèmes sociaux doivent être lisibles, clairs, transparents

Le système de retraite ne va pas régler pas tous les problèmes de l’économie française. Mais il faut créer un système suffisamment durable et solide pour donner un peu plus de confiance aux citoyens. Il serait utopique de vouloir régler tous les problèmes avant d’engager une réforme des retraites : le politique se saisit des occasions, et agit. C’est vrai, nous sommes encore dans une société qui est bloquée. Aussi Patrick Mignola se revendique-t-il, à la fois, libéral et social. Libérer et accompagner, ce n’est pas contradictoire. C’est l’essence d’un certain libéralisme, anglo-saxon. Il y a plein de choses qu’un Parlement peut faire, mais il y a une chose qu’il ne peut pas faire : libérer les énergies au sein de la société, faire que la société se saisisse des leviers. C’est du tissu social que viennent ces énergies.

Jean-Marie Vanlerenberghe, sénateur du Pas-de-Calais dans la Commission des affaires sociales, a affirmé que cette réforme des retraites représentait une occasion formidable, car dans la retraite, on touche à tout, c’est le résumé de toute une vie. Pour sa part, il aurait pu prendre sa retraite depuis bien longtemps. Malicieusement, il reconnaît qu’il est en vie, sans doute, parce qu’il continue à exercer un travail qu’il aime.

Interrogé sur la manière dont le politique peut se sortir de l’ornière, Patrick Mignola répond clairement : une réforme, il faut que les gens y adhérent. Les systèmes sociaux doivent être lisibles, clairs, transparents. Et surtout, que cela s’adapte à chaque individu. Ne retrouve-t-on pas là le triptyque si précieux, liberté, égalité, fraternité, de la République française ?

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