François Bayrou, l'invité de la matinale de LCI

François Bayrou était l'invité de la matinale de LCI, mercredi 24 mars. Il y a présenté la note du Haut-Commissariat au Plan "Électricité, un devoir de lucidité". Retrouvez son interview au micro de Jean-Michel Aphatie.

Bonjour François Bayrou.

Bonjour.

Vous êtes Haut-commissaire au Plan, merci d’avoir accepté l’invitation de LCI. Vous rendez publique ce matin une note que votre Commissariat édite : « Électricité, un devoir de lucidité » où vous expliquez, mais vous allez nous le redire précisément, que dans les décennies à venir il faudra compter avec le nucléaire sinon nous n’aurons pas suffisamment d’électricité ;

C’est cela ?

On peut même aller plus loin. La grande question que tout le monde se pose aujourd'hui, que la planète se pose, c'est la question du réchauffement climatique et la cause principale du réchauffement climatique qui a été analysée par les scientifiques, c'est l'augmentation des gaz à effet de serre présents dans notre atmosphère qui, comme vous savez, entraînent un réchauffement.

La question principale, c'est comment baisser l'émission de gaz à effet de serre. Pour cela, il y a deux réponses, mais elles méritent qu'on les écoute en prenant en compte ce qu'elles veulent dire.

Première réponse : il faut baisser la consommation autant que l'on peut.

C’est pourquoi on isole les logements, c'est pourquoi on fait attention à la consommation des voitures, que l'on cherche des consommations plus faibles.

Deuxièmement, on substitue aux carburants et aux sources d'énergies fossiles qui viennent du pétrole, du charbon et du gaz, l'électricité.

D'où vient l'électricité ?

Pourquoi l'électricité ? Parce que l'électricité n'émet pas de gaz à effet de serre quand on l'utilise à l'endroit où on l'utilise et, surtout, on peut la produire sans émission de gaz à effet de serre.

Mais comment produire l'électricité ?

Il y a là encore deux réponses très simples. La première, c'est : on va trouver des énergies renouvelables, de l'éolien, du photovoltaïque et naturellement il y a des gens qui disent que l’on pourra tout faire comme cela et il y a l'électricité nucléaire qui est produite et les gens ne le savent pas car il y a des sondages qui disent que c'est le nucléaire qui fait le plus de gaz à effet de serre, mais il n'en fait pas du tout.

Cela, on le sait. En France, on a fait le choix du nucléaire il y a quelques décennies on a 58 réacteurs aujourd’hui, on va en fermer 14 d'ici à 2035, c'est important. Et la question qui est posée, c’est de savoir, si on en fabrique d’autres pour continuer en France à avoir ce mix énergétique : électricité produite par des énergies renouvelables et électricité produite par le nucléaire.

Ce n'est pas seulement une question de mix énergétique. À première vue, on se dit que l’on va trouver un équilibre, mais ce dont il faut prendre conscience, c'est que l'électricité produite en France par des unités de centrales nucléaires, c'est la condition même pour que l'on puisse avoir des énergies renouvelables.

Pourquoi ? Le photovoltaïque, c'est le soleil, il n'y a pas du soleil tout le temps dans la journée, dans la nuit en tout cas il n'y en a pas et, l'éolien, c'est le vent. Ce sont donc des énergies intermittentes. Si l’on n'avait pas le nucléaire, on serait obligé d'avoir des centrales thermiques au pétrole ou au gaz et on augmenterait nos rejets de gaz à effet de serre.

Donc il faut continuer à compter sur le nucléaire, c'est inévitable ?

Il n’existe à mon sens, et au sens des analyses que nous avons faites avec l'équipe du Commissariat au plan, aucune autre solution pour le pays que d'avoir cet équilibre : d'un côté énergies renouvelables développées, de l'autre, nucléaire et donc il faut programmer la suite, c'est-à-dire la survie, le potentiel de production d'électricité nucléaire France.

Cela, c'est important. Il faut programmer la suite.

EDF qui est le grand architecte concret de toute cette politique demande depuis déjà longtemps, quelques années, l'autorisation de mettre en route 6 EPR, de fabriquer à nouveau des réacteurs.

Pour l'instant, ni les pouvoirs publics, ni le Président de la République car c'est lui qui, en dernier ressort, décide, n'ont répondu à cette demande.

Emmanuel Macron a dit : « au plus tard en 2023, il faudra répondre à EDF. »

J'ai deux questions simples. Faut-il répondre oui d'après vous à EDF et faut-il répondre oui avant la fin du quinquennat d'après vous ?

Il faut répondre oui à la décision de construire ou de mettre en place de nouvelles unités de production d’électricité sans émissions de gaz à effet de serre.

La question : est-ce que cela doit être des EPR ou autre chose ?

Elle est ouverte.

Cette question est ouverte parce qu’il y a à la fois les EPR...

Flamanville, on voit la difficulté.

Ce sont des difficultés parce qu'on a monté le seuil de sécurité, on l'a porté à un point tel qu'évidemment cela coûte extrêmement cher. Puis, il y a d'autres propositions de faire des unités de production d'électricité sans gaz à effet de serre nucléaire plus petites.

Là aussi la question du gigantisme est mise en cause.

À la question : faut-il des nouveaux réacteurs ? Votre réponse est ?

Oui, on ne peut pas faire autrement parce que nous courons tout droit… Les réacteurs dont vous avez rappelé leur nom qui ont été mis en place l'ont été sur une très courte période au début du septennat de François Mitterrand. C'est là qu'on les a inaugurés le plus, c'est une très courte période donc ils vont arriver tous en fin de vie en même temps.

Il y a ce que l'on appelle un effet falaise, on va tomber

Donc il faut participer.

Donc il faut programmer, mettre en place et je crois - c'est ce que cette note vise à montrer - qu'il n'y a pas d'autres solutions disponibles sauf recommencer à émettre des gaz à effet de serre, ce qui est absolument le contraire de la politique que nous avons décidée et sur laquelle nous nous sommes engagés internationalement.

Est-ce qu’il faut que cette décision soit prise avant la fin du quinquennat ?

On y est à la fin du quinquennat, ce sera un des sujets de campagne, il n’y a aucun doute.

Ce n’est pas ma question. Emmanuel Macron a dit « au plus tard 2023 ». Pourquoi parce qu’en 2023, normalement, l'EPR de Flamanville sera mis en place et à ce moment on redessine l’ensemble de la stratégie industrielle.

C'est une chose quand on est Président de la République de dire : d'autres que moi peut-être ou, moi, si je suis réélu, décideront ou bien : puisque je suis en situation de décider, je sécurise ce choix et je le prends avant la fin de mon quinquennat.

Est-ce votre souhait, François Bayrou ?

Vous voyez que l'on est en train en ce moment à l'Assemblée d'étudier toutes ces questions climatiques.

On ne parle pas du nucléaire. Le projet de loi Écologie et résilience ne parle pas de nucléaire.

Ce matin, je serai auditionné par la commission du Développement durable de l'Assemblée et on va en parler, j'imagine, puisque je pense qu'ils vous auront entendu.

Vous ne voulez pas répondre à ma question.

Si, je peux répondre. D'abord, j'essaie d'apporter les réponses qui sont les miennes et pas les vôtres.

Je n'ai pas de réponse, j'ai une question.

Je pense que ces réponses doivent être apportées, ces décisions doivent être prises dans les ; allez, deux ans qui viennent.

Donc pas forcément avant la fin du quinquennat.

Cela va être un des sujets de la campagne présidentielle, je n'ai aucun doute de ce point de vue et si le Président de la République pense qu'une décision doit être prise de ce point de vue-là, je n'ai pas de doute qu'il le fera car je sais que c'est un sujet qui l'intéresse, même le passionne.

Si vous dites que c'est une décision qui doit être prise dans les deux ans qui viennent, vous admettez l'idée qu'elle ne soit pas prise avant la fin du quinquennat.

Je voudrais citer pour terminer sur ce sujet Barbara Pompili qui est la Ministre de la transition écologique qui présente le projet que nous évoquions à l'Assemblée Nationale ; on étudie la solution pour parvenir à 100 % d'électricité nucléaire avec des énergies renouvelables.
C'est possible, dit-elle.

Non. Je pense que de ce point de vue…

C'est la ministre de la Transition écologique.

On peut avoir des espoirs, on peut avoir des rêves, il vaut mieux ne pas avoir d'illusions ; tout cela est à la même échelle.

C'est normal que la ministre pense qu'un jour peut-être on arrivera à la totalité de, mais les raisons techniques que j'ai exposées dans cette note et que l'on peut trouver en ligne sur le site du Plan, montrent qu'à l'évidence ce n'est pas possible à court terme…

Pourquoi ? Parce que, quand on produit de l'électricité, il faut transporter l'électricité, il faut des réseaux et ce n'est pas du tout la même chose l'électricité que l'on produit avec des cellules photovoltaïques sur le toit ou avec une éolienne parce que c'est du courant continu.

On ne stocke pas l'électricité.

Oui.

C'est un problème.

Alors que l'électricité qui parcourt les fils électriques dans les villes et les villages, c'est un courant alternatif donc c'est très compliqué de transformer l'une en l'autre, mais on ne va pas entrer dans ce débat.

Quand j'étais plus jeune et que j'étais engagé sur les questions d'électricité, les électriciens disaient : l'électricité, c'est comme les fraises des bois, cela ne se stocke ni ne se transporte.

On a fait des progrès, en stockage l'hydrogène est une manière de stocker l'électricité, on a fait des progrès en transport mais pour l'instant en effet ce n'est pas aussi simple que l'on veut bien le dire parfois et donc je crois que l'on a besoin des deux pour l'avenir.

Je crois que votre message a été compris et je suis sûr qu'il a été entendu partout où il doit l'être.

La situation sanitaire. Les slogans du gouvernement sont moyens, les attestations c'était n’importe quoi. Quelquefois on est un peu désolé par la gestion de la crise sanitaire.

L'êtes-vous aussi, François Bayrou ?

Non, je ne pense pas du tout cela. Je pense que les pouvoirs publics, le Président de la République, le gouvernement ont pris une décision essentielle, mais qui n'a pas été présentée avec, me semble-t-il, le caractère particulièrement juste de cette décision.

C'est de laisser à tous les Français retrouver le plein air.

C'est de laisser à tous les Français retrouver le plein air.

On est confiné parce qu'on doit éviter au maximum les multiplications du virus, mais, le plein air a ceci de particulier - toutes les études qui viennent de sortir l'ont montré - qu'il n'y a pas de contamination en plein air.

C'est le slogan : dedans avec miens, dehors en citoyen ?

Les slogans, chacun les apprécie !

Vous voyez, si à l'extérieur on garde les distances de 2 mètres, il n'y a pas de contamination.

Là, c'est l'hôpital qui est en train de craquer, vous le voyez bien en Île-de-France ; tous les hospitaliers disent : On va continuer comme cela, on ne peut pas tenir.

C'est pourquoi les pouvoirs publics ont décidé de ces mesures de confinement Île-de-France.

Pas assez sévères, disent les hospitaliers. Ils sont en première ligne.

Il faut que vous compreniez, ce qui frappe tous ceux, je suis maire de la ville de Pau, on ne peut pas enfermer un pays complètement.

Ce n'est pas la question.

Mais si.

La question c'est que l'hôpital ne tient pas.

Qu'est-ce vous cherchez à prouver ? Qu'il ne faut pas sortir de chez soi ?

Je cherche à prouver pas grand-chose, mais…

Si, vous cherchez à prouver quelque chose.

Les gens qui sont en première ligne qu’il ne faut pas sortir car cela contamine.

Ce n'est pas vrai, vous entendez cela.

Toutes les études montrent - c'est pourquoi je trouve qu'il y a beaucoup de confusion dans ce débat et que tous observateurs ou acteurs, on doit essayer d'y mettre de la clarté - qu’il n'y a pas de contamination à l'extérieur et, sortir en plein air, permet d'échapper à l'impression d'enfermement qui, elle aussi, est un danger pour les personnes seules, pour les familles, pour ceux qui ont un tout petit appartement. Et c'est quelque chose qui détruit aussi les équilibres psychologiques et psychiques.
Et donc cette décision de rendre le plein air pourvu que, pour le reste, on aère les locaux et que l'on ne se rassemble pas, comme on l'a fait trop souvent.

Si on fait cela, alors, on respecte les précautions à prendre pour que la transmission du virus se fasse moins.

Parlons de votre combat François Bayrou. Vous souhaitez que la prochaine Assemblée Nationale soit élue au scrutin proportionnel pour qu’elle soit davantage représentative de la diversité des Français. Le Parlement, notamment l'Assemblée Nationale, ne discutera pas de cela.

Vous souhaitez un référendum avant les élections législatives.

Non, ce n'est pas mon sentiment. Moi, quand je mène les combats, c'est pour les gagner. Autrement, cela n'a pas de sens.

Celui-là, on a l'impression que vous l’avez perdu, François Bayrou.

Vous, vous avez l’impression, moi pas et donc on verra. Pourquoi ? Vous voyez bien qu’il faut à tout prix changer quelque chose à la manière dont ce pays est gouverné… Je sais bien que ce n'est pas votre avis, mais c’est le mien.

Comment vous y arriverez ? C'est cela la question ce matin.

Je n'ai jamais cru que l'Assemblée Nationale pouvait prendre et résoudre cette question.

Qui ?

Le peuple français.

Le référendum ?

Cette idée-là, n'écarquillez pas les yeux car vous faites semblant, qui empoisonne les débats politiques depuis 40 ans ; je vous rappelle que François Mitterrand en 1985 l'avait fait voter et que les élections législatives de 86 ont eu lieu sous ce régime de la proportionnelle - c'était mon premier mandat - et on a eu une majorité.

Une majorité pour la droite qui a gouverné à l'époque, mais un référendum il faut qu’Emmanuel Macron le décide. Il n'y a que lui qui peut le décider.

Ma position est un peu différente. Comme vous avez vu, j'ai rassemblé des signatures très nombreuses de courants politiques très importants et qui sont majoritaires dans le pays.

Les écologistes, l'extrême droite, l’extrême gauche, tous les partis du centre, c'est la majorité des courants politiques du pays. Ils ont tous écrit au Président de la République

Je sais, mais comment est-ce qu’on arrive ?

Vous savez, vous, mais peut-être ceux qui vous écoutent ne le savent pas.

Je dis : cette question qui empoisonne le débat politique, au lieu de passer son temps à la promettre à chaque élection, cela a été le cas de tous les présidents précédents, et à ne pas la réaliser il suffit d'en remettre la décision aux Français.

On se tourne vers eux et on dit : voilà…

Mais cela, il n'y a qu’Emmanuel Macron qui peut le faire.

Qui peut le faire, mais moi je ne propose que le Président de la République s'engage sur ce sujet ; Je propose qu'il demande à ces formations si elles ont un texte qui pourrait les rassembler, si elles proposent quelque chose et, à ce moment-là, comme on le fait en Suisse, les référendums suisses, ce n'est pas le pouvoir qui s'y engage, ce sont les citoyens.

On demande aux citoyens français quel est leur choix pour l'avenir et cela réglera et tranchera toute cette question.

Vous espérez qu’Emmanuel Macron s'engage dans un référendum qui aurait lieu le jour des élections régionales ?

C'est ce que je souhaite.

Elles auront lieu au mois de juin ?

Cela dépend uniquement du sanitaire…

Vous acceptez l’idée qu’elles soient reportées ?

et des prescriptions que le Haut conseil chargé de la santé va faire d'ici au 1er avril pour dire si oui ou non il pense que ces élections auront lieu. C'est entre ses mains.

Et on le saura très vite.

Est-ce que je peux vous poser deux questions simples, pour terminer, par oui ou non ! Vous allez voir.

Je ne suis pas sûr que les questions par oui ou non sont des questions simples.

Est-ce que vous souhaitez qu’Emmanuel Macron fasse un second mandat, soit candidat à sa succession ?

Je pense que la logique, c'est celle-là, mais sa décision n'est pas prise et il faut attendre qu’elle le soit.

Vous le souhaitez ?

Je pense que c'est un Président de la République à la hauteur de ce que nous vivons.

Vous avez abdiqué l'idée d'être vous-même à nouveau candidat à l’élection présidentielle

J’ai vu qu’il y avait des déclarations sur ce sujet. Je vais vous dire une chose. Il y a un moment où il faut arrêter de dire des bêtises et où il faut se concentrer sur l'essentiel. L'essentiel, c'est ce que nous avons dit là : le sanitaire, la crise économique qui vient, le social.

Si on peut éviter de jouer à ces jeux perpétuels dans lesquels on prend les élections comme une course de petits chevaux, je trouve que c'est mieux.

Donc, vous n'avez pas répondu à ma question : oui ou non avez-vous abdiqué ?

Je ne réponds pas aux questions par oui ou par non quand elles sont vicieuses. Donc, de ce point de vue là je vous fais crédit…

Pas de réponse aux questions vicieuses. C’est votre ligne, François Bayrou.

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