François Bayrou : "On montre les divergences au premier tour. Au second tour, on privilégie les rassemblements avec tous ceux qui ont des compatibilités pour mener des projets pour la région."

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité d'Elizabeth Martichoux dans la matinale LCI ce mercredi 16 juin à 8h15.

Bonjour, François Bayrou.

Bonjour.

Modem.

Bonjour et merci d'être avec nous ce matin. Vous êtes Haut-commissaire au Plan, Président du Modem, Maire de Pau, qui est plutôt une terre de rugby, sauf erreur de ma part que de foot ! Belle entrée en campagne de l'équipe de France hier, tout de même, face à l'Allemagne.

Oui en plus, il y a eu deux buts refusés pour hors-jeu. Ils étaient peut-être hors-jeu, mais les deux étaient très beaux, les deux étaient superbes.

Sommes-nous bien partis ?

Je l'espère. Il est très difficile de conduire une compétition en étant favori. Je pense à eux et je vois les obstacles sur leur route.

Est-ce à cause du calendrier de l’Euro que vous aviez souhaité décaler les élections régionales et départementales à l’automne ?

Pas du tout. C'était pour une raison sanitaire, épidémiologique essentiellement. Vous savez que l'immunité n'est acquise - ce que l'on appelle joliment l'immunité de troupeau, pour nous rappeler que nous sommes des animaux aussi - n'est acquise qu'à partir de 80-90 % de la population immunisée, soit car elle a déjà été malade, soit par le vaccin.

Là, nous en sommes encore très loin, nous sommes à 30 millions, ce qui est un magnifique succès, car tout le monde disait, tous les opposants et observateurs disaient que nous n'y arriverions pas. Le Président de la République a eu raison, mais nous ne sommes qu’à 30 millions.

Le seuil d’immunité que j'évoque, c'est plus près de 50 millions.

À l'automne, nous y aurions été et c'est pour cette raison que je pensais qu'à ce moment-là, la société française serait plus libérée et que nous aurions pu avoir, ce qui est un grand enjeu, beaucoup plus de participation.

Là, l'inquiétude que j'avais, et qui n'est pas levée, c'est que la participation soit faible.

Justement, dans le Canard Enchaîné, ce matin, il est écrit que l'Élysée envisage, « gamberge », pour reprendre l'expression du Canard, sur l'idée d'anticiper sur la fin du couvre-feu. Au lieu du 30 juin, cela pourrait être le 23 juin.

Cela pourrait-il aider à la participation ? Est-ce que ce serait une bonne idée du point de vue de l’épidémie ?

Franchement, je n'ai pas la compétence médicale pour dire ce qu'il en est.

Vous voyez les Français vivre.

J'ai toujours pensé que l'on ne pouvait pas enfermer un pays. Je l'ai défendu souvent, y compris chez vous. Simplement, il faut que ce soit compatible avec la prudence nécessaire quand on est devant une épidémie aussi difficile à "mater" que celle-là.

Du coup, comme vous le suggériez pour l'automne prochain, cela pourrait tout de même doper un peu la participation qui s'annonce très faible ?

Ce n'est pas à 23 heures que la participation électorale se fait.

Bien répondu !

Élection passionnante en tout cas.

À qui l'abstention va-t-elle profiter ?

Elle profite aux électorats les plus mobilisés, c'est-à-dire habituellement aux extrêmes, plus mobilisés et mobilisables.

Parlons-en. Sur LCI, ce soir, un Grand débat en PACA, David Pujadas face à tous les candidats de la région Sud-Est. Dans les sondages, dans le dernier sondage Ifop pour LCI, la liste RN de Thierry Mariani est donnée en tête au premier tour. C'était déjà le cas en 2015. Marion Maréchal avait fait un score de plus de 41%.

Ce qui change, cette fois, c’est qu’il serait donné gagnant au second tour.

D'abord, Thierry Mariani, transfuge de l'UMP, ancien Ministre, c'est le nouveau visage du RN ?

Je ne suis pas un expert de l'extrême droite et, comme vous le savez, je ne me reconnais pas dans ses approches.

Ma sensibilité est de ne pas faire du RN la question obsédante de la politique française, de ne pas faire du RN le sujet unique de toutes les élections qui viennent, de toutes les campagnes qui viennent et de toutes les batailles qui viennent, car c'est lui donner un coup de pouce formidable.

Si on ne parle que de vous dans la compétition entre les chaînes, si on ne parle que d'Elisabeth Martichoux, cela vous donne un coup de pouce formidable. C'est exactement la même chose dans toutes les compétitions. Je ne suis donc pas pour que l'on s'obsède sur le RN.

On dit pourtant qu’Emmanuel Macron privilégie ce duel.

Ce n'est pas lui qui a privilégié le duel, ce sont les électeurs français à la dernière élection. C'est la faute d'un certain nombre de responsables politiques, multiples et variés, qui ont, d'une certaine manière, abandonné le terrain.

Je ne suis pas, moi, pour que l’on abandonne le terrain.

Encore une fois, car c’est important, quand son Ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, dit qu’une victoire du RN serait une forme de marque satanique, ce type de vocabulaire, ce type de charge… Eric Dupont-Moretti, nommé par Emmanuel Macron au Gouvernement pour combattre le RN sur son terrain et avoir cette confrontation, puisqu'il en a fait sa marque de fabrique, le garde des Sceaux.

Chacun ses choix. Je ne suis pas pour mobiliser ce genre de vocabulaire, ce genre de perpétuelle obsession.

Je suis pour qu’on assume les responsabilités qui sont celles du Président de la République, de la majorité et du Gouvernement et ces responsabilités sont très claires, c'est l'avenir des Français, pas le RN.

Je n'utilise donc pas ce vocabulaire et je ne suis pas pour qu’on l'utilise.

Il y a tout de même une élection, François Bayrou. Pas de retrait systématique, c'est ce qu'a dit Stéphane Séjourné, conseiller d’Emmanuel Macron et Député européen. Il a donné le ton il y a quelques jours, puisqu’il a dit que le front républicain, face au RN, est presque mort ou presque.

Partagez-vous ce constat et qu'est-ce cela veut dire ?

Je ne sais pas ce que cela veut dire. Honnêtement, je ne sais pas.

Pour moi, les élections à deux tours ont une logique. Je reconnais que cette logique n'est aujourd'hui retenue par personne et c'est très dommage. Pour les élections à deux tours, au premier tour, on connaît hélas la règle des compétitions électorales, on montre les divergences, les différences, on les souligne, on les accuse et c'est le temps de l'affrontement.

Au deuxième tour, c'est le temps du rassemblement.

Si l'on croit vraiment ce que l'on dit, si l'on croit vraiment qu'une région, c'est important, que l'on a envie de porter cette région, alors, au deuxième tour, on privilégie les rassemblements avec tous ceux dont on sait qu'ils ont une compatibilité avec vous pour la région.

Je suis absolument opposé, depuis très longtemps, à la nationalisation des élections locales. Je pense qu'une élection locale est une élection locale. Elle doit se jouer dans le cadre même de la circonscription, en tout cas de la communauté que l'on veut représenter.

Vous dites cela, mais vous savez bien que ce n'est pas le cas. Le tour de France, le fait qu’Emmanuel Macron et ses conseillers s'engagent plus ou moins publiquement sur ces enjeux, par exemple lutter contre le RN localement, cela nationalise.

La logique de Stéphane Séjourné était de dire - si j'ai bien compris - mieux vaut se maintenir et se battre, le cas échéant, contre un exécutif RN que de disparaître du paysage, comme l'a fait la Gauche en 2015.

Est-ce que vous suivez cela ?

Je n'ai pas à suivre. J’essaie d'exprimer ce que je crois.

Trouvez-vous que c'est clair ?

Non, ce n'est pas clair, mais ce n'est pas ma position.

Ce sur quoi vous m'interrogez, c'est ma position qui est qu'après un premier tour qui est assez souvent un tour de crispation, au deuxième tour, on cherche ce qui rassemble.

Il faut donc être très clair le soir du premier tour pour Emmanuel Macron, la majorité et le Gouvernement ?

À mon sens, il faut qu'au soir du premier tour, on sache quelles sont les ouvertures, qui tend la main et on a 48 heures pour essayer de parler avec les uns et les autres et voir si l'on peut trouver des rassemblements qui feront des majorités pour une région.

Je suis maire, comme vous l’avez rappelé gentiment, d'une ville qui est la capitale d'une petite région au pied des Pyrénées. Les délibérations que je propose au Conseil municipal, au Conseil d'agglomérations sont adoptées à 95 % ou 98 % à l'unanimité et c’est le cas dans toutes les régions.

Et on voudrait faire croire qu'il y a des citoyens qui sont des ennemis irréductibles les uns avec les autres.

Xavier Bertrand a été élu avec le soutien de toutes les forces politiques, de la nôtre en particulier. Est-ce que, du jour au lendemain, ceux qui le soutenaient sont devenus des ennemis irréductibles ?

Mais cela ça veut dire que Xavier Bertrand quand il dit j’ai gelé les listes… Il outre les choses.

Oui, il outre les choses. Il pousse à ces logiques de distanciation, qui deviennent des logiques d’affrontement. 

Pourquoi il fait ça ?

Xavier Bertrand a clairement dit que le but c’était les présidentielles prochaines. Et qu’il plaçait cette élection régionale dans le cadre d’une élection présidentielle comme une rampe de lancement, ce qui pour moi n’est pas le but d’une élection régionale. Une élection régionale, c’est le destin des femmes, des hommes, des jeunes, qui vivent dans cette région. Est-ce qu’on peut leur apporter quelque chose ? Moi je crois que oui. Donc je suis pour qu’autour de cette logique de projet, on fasse des rassemblements entre gens qui sont compatibles. 

J'ai une question simple : est-ce qu’Emmanuel Macron peut prendre le risque d'apparaître comme celui qui a favorisé le RN ?

Il n'en est pas question. 

Certains disent : pourquoi pas ? On participera à l'opposition, et c'est comme cela que l'on fera baisser le RN.

Est-ce possible ?

Je ne sais pas qui est certains. Certains entre guillemets, je ne sais pas qui c'est.

C'est un débat au sein de la majorité.

C'est ce que vous dites. Moi, je ne sais pas.

Je sais une chose, c'est que le Président de la République est désigné comme ennemi unique par la formation politique d'extrême-droite dont vous parlez.

Ils disent : « l'ennemi absolu, c'est lui. »

Je ne sais pas si ces mots sont justes. Je dis qu'avoir l'idée qu'il choisirait de favoriser les gens qu'il considère comme l'ennemi absolu, cela ne me paraît pas logique.

Quelles conséquences aurait la victoire d'une région par le RN ?

Ce serait un signe de plus d'une dérive.

Ce serait un tremblement de terre ? Une logique ?

Je n'utilise jamais des mots excessifs.

Donc ce ne serait pas un tremblement de terre, ce serait dans la logique du potentiel électoral du RN ?

Vous voyez bien qu’il y a des années que cette question se pose et elle se pose parce que la société française est en doute sur elle-même. Et la responsabilité de ceux qui ont des fonctions ou des missions, c'est précisément de répondre à cette question de la confiance dans l'avenir.

Cela n'a pas été fait depuis…

30 ans.

Depuis le début du mandat, Emmanuel Macron s’était fait élire sur la promesse aussi, je n’ai pas la citation sous les yeux, mais je pourrais vous la trouver, de, effectivement faire baisser le RN.

Sur ce point-là, je sais que vous n'êtes jamais déçu, vous avez dit, par Emmanuel Macron, mais vous êtes aussi lucide, on l’espère. Sur ce point-là, la mission n’a pas été remplie.

Excusez-moi, vous m'avez mal écouté ou mal entendu. Je vous ai dit que je refusais de considérer le RN comme la question unique de la politique française.

Je parle du réel, moi.

Oui, je parle du réel vrai, de la vie des gens. Là, vous me parlez de questions électorales. Je ne partage pas ce sentiment. Emmanuel Macron n'a pas été élu sur quelque promesse que ce soit à l'endroit du RN, il a été élu sur une question centrale : est-ce qu’on peut rendre au pays son envie d'aller de l'avant ?

Et cela touche à des questions économiques, à des questions sociales, à des questions démocratiques. Cela touche autant aux entreprises qu'à l'État et qu'au sort de chacune des familles, vous savez bien que j'ai traité les questions de démographie dans ma responsabilité au Plan, des questions de reconquête de la production. C'est cela les sujets.

Passer son temps autour d'étiquettes politiques, je sais bien que c'est plus facile pour des journalistes, mais, pour moi, ce n'est pas le but parce que je répète devant vous que c'est aller à l'encontre de l'équilibre que nous cherchons.

Peut-être, mais c'est aussi une réalité, les intentions de vote sont au minimum exactement les mêmes en 2015 pour le RN et aujourd'hui, au minimum.

C'est la réalité aussi, François Bayrou et on verra au soir du premier et du deuxième tour.

Je ne veux pas entrer dans le jeu qui consiste à ne parler que du RN.

On y va. J’ai encore plusieurs questions à vous poser. La Cour des Comptes a publié hier son rapport sur la sortie de crise. Il conseille d'abord de poursuivre le « quoi qu'il en coûte » au-delà de ce qui a été annoncé par le gouvernement, 6 mois de plus, un peu moins fort mais 6 mois de plus pour le fonds de solidarité, le chômage partiel ?

D'accord ? Pas d'accord ?

C'est mon point de vue.

Le gouvernement doit prolonger.

Et c'est le point de vue que j'ai défendu il y a quelques mois dans un rapport sur la crise du Covid, les finances publiques et la dette.

Il renvoie les efforts à l’après présidentielle. Vous avez dit : la réforme des retraites est inéluctable. Si j’ai bien compris, vous avez aussi sous-entendu que vous ne souhaitiez pas de décision avant l’élection présidentielle.

C'est mon point de vue donc je suis d'accord avec la Cour des comptes.

Donc la Cour des Comptes est d’accord avec vous et réciproquement. Donc, pas de réforme concrète avant.

C'est un débat qui sera tranché à la présidentielle ?

C'est une question absolument centrale ; c'est une réforme que l'on ne peut pas éluder, que l'on ne peut pas éviter et que l'on ne peut pas ignorer.

Mais pas maintenant.

Non. Cela doit être l'objet du débat de l'élection présidentielle.

Les gouvernements précédents s'en étaient saisis, ils n'ont pas réussi à convaincre l'opinion et l'équilibre de la réforme, ni vous ni moi, n'étions absolument certains de le comprendre. Donc on a maintenant besoin du débat qui vient pour comprendre ce qu'il va être nécessaire de faire et c'est là que se trouvera la légitimité des décisions à venir.

Question : François Fillon proposé au conseil d'administration d'un groupe pétrolier appartenant à l'État russe. C'est le Premier ministre russe qui l'a proposé lui-même.

Un commentaire ? Ancien Premier ministre, ancien candidat à la présidentielle.

Vous savez ce que je pense. L'idée que des responsables politiques qui ont été investis de la confiance des Français apparaissent comme ainsi dépendants d'une puissance étrangère et, comment dirais-je, avec une volonté d'intervenir dans les débats politiques y compris de ses partenaires et voisins, n'est pas une idée absolument saine, me semble-t-il.

Un petit clin d'œil si je puis dire de Nicolas Sarkozy hier à son procès dans l'affaire Bygmalion.

ll a été interrogé 3 heures. Il a expliqué que sa campagne n'avait pas coûté la facture totale annoncée par Bygmalion et il a dit : « Il n'y a que François Bayrou à l'époque du grand meeting de Villepinte qui avait épinglé le coût faramineux », en même temps que celui de François Hollande, d’ailleurs.

Vous vous rappelez de cela ?

Je m'en suis souvenu parce que les informations qui sont parues hier me l'ont rappelé.

Oui, j'ai toujours pensé que la débauche d'argent dans les campagnes électorales était quelque chose d’inacceptable.  Parce que cet argent, il faut savoir d’où il vient. Quand on vous donne de l'argent, on vous tient.

C'est pourquoi j'ai proposé, pour l'instant cela n'a pas été repris par le gouvernement précédent, une banque de la démocratie qui permette à toutes les campagnes, à toutes les formations politiques, à tous les syndicats aussi, de trouver les financements sans avoir à aller s'agenouiller devant des banques privées.

Je pense que c'est un progrès démocratique absolument majeur et que cela a été une grande faute de l'écarter.

Cela a été refusé par le gouvernement précédent, celui que présidait Édouard Philippe - petit clin d’œil - Édouard Philippe, loyal et libre comme vous ?

Oui, en tout cas loyal et libre, il n'y a aucun doute.

Merci.

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